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Min se demanda si la « bonne leçon » correspondait à ce qu’elle avait vu au palais, ou si elle restait encore à venir. En tout cas, tout ça semblait cohérent. Sans parler de cette aura.

— Un bon conseil, Mahiro, comme toujours… Si Merana me cherche pour que j’aille délivrer un message, peux-tu lui dire que j’ai décidé de passer les prochains jours à découvrir les merveilles de la Cité Intérieure ?

— De quoi s’occuper un bon moment…, railla gentiment le Champion. Sois prudente, cependant, sinon, tu risques de te trouver un mari…

Le palefrenier aux grandes oreilles ouvrit de grands yeux quand Min lui ordonna de faire sortir Rose Sauvage de sa stalle et de lui remettre sa selle.

Après être sortie des écuries au pas, la jeune femme attendit que l’auberge ne soit plus en vue pour se lancer au galop, semant la panique parmi les badauds.

— Treize…, lâcha froidement Rand.

Ce simple nombre suffit pour que Lews Therin essaie une fois de plus de s’emparer du saidin. Il s’ensuivit un combat à mort contre une bête sauvage.

Quand Min lui avait annoncé que treize sœurs étaient présentes à Caemlyn, Rand était parvenu de justesse à se connecter au Pouvoir avant Lews Therin. À présent, le combat l’absorbait tout entier, et il suait à grosses gouttes, faute de pouvoir se concentrer sur autre chose. Défendre le saidin contre Lews Therin était son unique priorité. Sa main droite en tremblait, et un muscle de sa joue se contractait.

Min cessa de faire les cent pas dans les appartements du jeune homme et se redressa de toute sa hauteur.

— Ce n’est pas tout, Rand ! Il y a aussi l’aura. Le sang, la mort, le Pouvoir de l’Unique, ces deux femmes et toi – tout ça au même endroit et en même temps.

Les yeux de la jeune femme brillaient. Et cette fois, elle ne put pas empêcher les larmes de couler.

— Kiruna et Bera te détestent ! Tu te souviens de ma vision ? Des femmes capables de canaliser qui te blessaient grièvement ? Les auras, treize sœurs, tout le reste… C’est trop, Rand !

Min affirmait que ses visions se réalisaient toujours, même s’il lui était impossible de préciser quand. S’il restait à Caemlyn, Rand redoutait que cette vision précise se réalise en ce jour. Et bien que la voix de Lews Therin ne fût plus qu’un murmure, il sentait que le « spectre » entendait frapper Merana et les autres avant qu’elles attaquent les premières.

Il s’agissait peut-être d’une coïncidence – à moins que son aptitude de ta’veren à influer sur la chance se soit retournée contre lui – mais il n’en restait pas moins que Merana avait décidé de le défier le jour où l’arrivée de deux nouvelles sœurs avait porté à treize le nombre d’Aes Sedai présentes à Caemlyn.

Rand se leva, passa dans sa chambre, récupéra son épée au fond d’une armoire, ferma le ceinturon à la boucle en forme de dragon et ressortit.

— Tu viens avec moi, Min, dit-il tout en s’emparant de son sceptre.

— Où ça ? demanda la jeune femme.

En s’essuyant les joues avec un mouchoir, elle suivit néanmoins son ami dans le couloir, où Jalani bondit sur ses pieds un peu plus vite que Beralna, une Promise rousse très mince aux yeux bleus et au sourire féroce.

Comme il n’y avait que des Promises dans les environs, Beralna dévisagea Rand dubitativement, comme si elle hésitait à lui faire l’insigne faveur d’obéir. Mais le jeune homme lui rendit un regard glacial de son cru. Et quand il était réfugié dans son cocon de Vide, sa voix était plus froide que l’hiver. Même si Lews Therin n’émettait plus que des murmures étouffés, Rand n’osait pas baisser sa garde. Pas à Caemlyn, ni à aucun endroit trop proche de la ville.

— Beralna, trouve Nandera et dis-lui de me rejoindre dans les appartements de Perrin avec toutes les Promises qu’elle voudra emmener.

Pas question de laisser Perrin en arrière ! Et les visions n’avaient rien à voir là-dedans. Quand Merana découvrirait que Rand s’était éclipsé, une des sœurs risquait de vouloir faire à son ami d’enfance le sale coup qu’Alanna lui avait fait.

— Je ne reviendrai peut-être pas ici… Si quelqu’un voit Perrin, Faile ou Loial, qu’il leur dise où me retrouver. Jalani, va dire à maîtresse Harfor qu’il me faut de quoi écrire.

Avant de partir, Rand avait du courrier à rédiger.

— Il me faudra pas mal de feuilles de parchemin, précisa-t-il alors que sa main recommençait à trembler. Allez ! Exécution !

Les deux Promises se consultèrent du regard, puis filèrent comme le vent. Min sur les talons, Rand se dirigea dans la direction opposée.

— Rand, où allons-nous ?

— À Cairhien… Fais-moi confiance, Min. Je dois te sembler un peu étrange, mais tu n’as rien à craindre.

La jeune femme ne disant rien, Rand se tourna vers elle et vit qu’elle le regardait bizarrement.

— C’est rassurant à entendre, berger ! dit-elle d’une voix aussi étrange que son expression.

La menace que représentaient treize Aes Sedai la terrorisait, et ça pouvait se comprendre.

— Min, si j’en viens à les affronter, je jure de te mettre hors de danger d’une façon ou d’une autre.

Comment un homme pouvait-il faire face à treize sœurs ? Cette seule idée incita Lews Therin à brailler de nouveau.

Sous l’œil stupéfié de Rand, Min fit jaillir un couteau de chacune de ses manches et ouvrit la bouche. Mais avant de parler, elle remit prestement – elle avait dû s’entraîner sur ce point – les armes dans leur cachette.

— Tu peux me conduire à Cairhien ou ailleurs, berger, et ce en me tirant par le bout du nez. Mais n’imagine pas pouvoir m’expédier dans un « endroit sûr ». C’est compris ?

Bizarrement, Rand aurait juré que ce n’était pas ce que la jeune femme, à l’origine, avait eu l’intention de dire.

Dans les appartements de Perrin, Rand découvrit qu’il y avait foule. Dans un coin du salon, assis en tailleur sur le tapis et en bras de chemise, Perrin et Loial fumaient la pipe avec Gaul, un Chien de Pierre qui avait participé à la conquête de la Pierre de Tear. De l’autre côté de la pièce, Faile était elle aussi assise sur le sol en compagnie de Chiad et de Bain, des Promises elles aussi impliquées dans la prise de la Pierre. Par la porte ouverte de la chambre, Rand vit que Sulin était en train de faire le lit – ou plutôt, de malmener les draps comme si elle avait voulu les réduire en lambeaux.

Quand Min et le jeune homme entrèrent, tout le monde les regarda et Sulin vint se camper sur le seuil de la chambre.

Lorsque Rand eut expliqué qu’il y avait treize Aes Sedai en ville – et brièvement résumé tout ce que Min lui avait dit –, chacun y alla de son commentaire affolé. Pourtant, il n’avait pas mentionné les visions. Dans l’assistance, certaines personnes étaient au courant et d’autres pas, et c’était à la jeune femme de décider de parler ou non. D’ailleurs, elle opta pour la seconde solution.

Rand omit également de mentionner Lews Therin, et il ne jugea pas utile d’évoquer l’angoisse qu’il éprouvait à demeurer dans une ville où se trouvaient treize Aes Sedai – même si elles restaient les bras ballants. Que ses amis le croient paniqué, si ça leur chantait ! De toute façon, il n’était pas sûr qu’ils se trompaient.

Lews Therin s’était tu, mais Rand sentait sa présence, comme celle d’un prédateur dans la nuit. Autour du cocon de Vide, la colère, la peur et même l’angoisse grouillaient comme des araignées géantes.