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— Je tiens toujours mes promesses…

Une remarque, qui, normalement, n’aurait pas dû provoquer une nouvelle montée de jalousie et de fureur chez Faile.

Perrin avait demandé à Faile de quelles promesses parlait son interlocutrice. Une erreur, probablement. Sursautant, car elle oubliait parfois certaines particularités de son mari, dont son ouïe très fine, Faile avait répondu :

— J’ai déjà oublié. De toute façon, c’est le genre de femme qui multiplie les promesses qu’elle est dans l’incapacité de tenir.

Dans la foulée, alors qu’il n’était même pas midi, Perrin avait récolté une seconde série de griffures.

Ensuite, Berelain avait commencé à le harceler. Au début, il n’avait pas formulé les choses comme ça. Dans la Pierre de Tear, la jeune femme l’avait un peu taquiné – d’autres auraient dit « allumé » – mais ça n’avait pas tiré à conséquence. À présent, elle le savait marié. Du coup, il avait attribué au hasard leurs fréquentes rencontres dans les couloirs, bien naturellement marquées par quelques mots échangés en se croisant. Au bout d’un moment, cependant, Perrin s’était dit que le hasard avait bon dos. N’était-ce pas plutôt sa nature de ta’veren qui lui jouait des tours, influençant les événements dans le mauvais sens pour lui ? Ou Berelain s’arrangeait-elle pour que ces rencontres aient lieu ?

Perrin avait tenté de se convaincre qu’il délirait. Se croyait-il aussi beau que Wil al’Seen, le seul homme de sa connaissance qui pouvait se plaindre d’être pourchassé par les femmes ? Mais Perrin Aybara, lui, avait toujours été très tranquille de ce côté-là.

Pourtant, le hasard avait des limites…

De plus, Berelain le touchait toujours. Très subtilement, du genre un doigt qui frôlait un instant sa main, son bras ou son épaule. Rien de très significatif, en principe. Mais le troisième jour, une idée terrifiante avait traversé l’esprit du jeune homme. Pour apprivoiser un cheval n’ayant jamais été monté, on procédait ainsi, par légers contacts, jusqu’à ce que l’animal sache qu’on ne voulait pas lui faire de mal. Quand il ne sursautait plus, on pouvait passer à la couverture de selle, puis à la selle elle-même. Les harnais, on les gardait toujours pour la fin.

Perrin avait commencé à redouter l’odeur du parfum de Berelain lorsqu’il la captait au détour d’un couloir. À la première bouffée, il s’était mis à battre en retraite à la vitesse du vent. Hélas, il ne pouvait pas passer son temps à guetter cette senteur fatidique.

D’autant plus qu’on faisait d’autres rencontres dans les couloirs du palais, et souvent du genre désagréable. Par exemple, une foule de jeunes Cairhieniens complètement illuminés entrait et sortait à tout moment du complexe. Parmi ces idiots, il y avait beaucoup de femmes – armées d’une épée, en plus de tout ! Par deux fois, Perrin avait dû assommer un abruti qui refusait de le laisser passer, s’amusant à lui barrer le chemin en gambadant stupidement à reculons devant lui. Un comportement dont il n’était pas fier, car les Cairhieniens, en règle générale, étaient bien plus petits et frêles que lui, mais seul un fou prenait des risques face à un type dont la main reposait sur la poignée d’une épée. Un jour, une jeune femme lui avait fait le même coup. Après qu’il l’eut délestée de son arme, elle lui avait cassé les pieds jusqu’à ce qu’il consente à la lui rendre. Loin d’être contente, elle avait paru choquée, l’accusant de ne pas avoir d’honneur. Heureusement, une Promise s’était chargée d’éloigner la fâcheuse – en lui passant un savon mémorable.

Pour ne rien arranger à la situation de Perrin, les gens savaient qu’il était un ami de Rand. Même s’il ne l’avait pas clamé en arrivant, bon nombre d’Aiels et de Teariens s’étaient souvenus de l’avoir vu dans la Pierre de Tear, et la nouvelle s’était vite répandue. Des seigneurs et des dames qu’il n’avait jamais vus se présentaient au jeune homme dans les corridors et certains Hauts Seigneurs qui le regardaient avec dédain à Tear s’adressaient désormais à lui comme s’il était un vieil ami. En majorité, ces gens sentaient la peur et une autre odeur que Perrin ne parvenait pas à identifier. Et tous voulaient la même chose, ainsi qu’il s’en était vite aperçu.

— J’ai peur que le seigneur Dragon omette souvent de m’informer de ses plans, avait-il répondu un jour à une femme aux yeux calculateurs nommée Colavaere. Et quand il le fait, je suis sûr que vous seriez outrée que je trahisse sa confiance.

Le regardant comme si elle se demandait si sa peau ferait une bonne descente de lit, dame Colavaere avait eu un sourire dédaigneux. Cette femme avait une odeur étrange : dure, lisse et en même temps… hautaine.

— Vraiment, j’ignore ce que Rand a l’intention de faire, avait-il répondu un autre jour au seigneur Meilan.

Du coup, le bougre avait failli recommencer à le regarder de haut, malgré son sourire aussi hypocrite que celui de Colavaere. Lui aussi avait cette odeur étrange, en tout aussi puissant.

— Mais je ne saurais trop vous encourager à lui poser la question.

« Si je le savais, je n’en parlerais pas dans toute la ville ! » s’était-il emporté face à un type aux cheveux blancs à l’air de fouine qui souriait lui aussi de toutes ses dents.

Un certain Maringil, de qui émanait une odeur semblable à celle de Colavaere et de Meilan. Ces trois-là la dégageaient plus fortement que tous les autres, et il s’agissait d’une odeur dangereuse, Perrin le sentait dans ses os, comme un loup qui pressent une avalanche sans savoir exactement pourquoi.

Entre la nécessité de garder un œil sur les jeunes crétins et cette odeur qui lui restait dans le nez, comment identifier le parfum de Berelain avant qu’elle soit assez près de lui pour passer à l’assaut ? Pour tout dire, elle n’avait rien d’une chasseresse, glissant plutôt dans les couloirs comme un cygne sur un étang, mais il ne s’en sentait pas moins acculé comme une proie.

En guise de défense, il mentionnait Faile dès qu’il le pouvait. Hélas, Berelain semblait frappée de surdité sélective. Quand il lui avait demandé d’arrêter, elle avait voulu savoir de quoi il parlait. Idem quand il l’avait implorée de lui ficher la paix – là, elle était même allée jusqu’à lui tapoter la joue, comme pour le consoler ou le rassurer. Bien entendu, Faile avait déboulé d’un couloir latéral à cet instant précis – soit une fraction de seconde avant qu’il recule en sursautant comme si un serpent l’avait touché.

Aux yeux de sa femme, bien entendu, il aurait réagi ainsi parce qu’il l’avait vue. La preuve ? Sans hésitation, Faile avait fait demi-tour, s’éloignant sans accélérer ni ralentir le pas, comme si de rien n’était.

Perrin l’avait rattrapée, marchant ensuite à côté d’elle dans un silence tendu. Quand tout le monde risquait d’entendre, un homme ne pouvait pas dire ce qu’il avait sur le cœur, pas vrai ? Sur le chemin de leurs appartements, Faile avait souri gentiment. Mais cette odeur qui montait d’elle, plus piquante qu’une épine…

— Ce n’était pas ce que tu crois, avait dit Perrin une fois qu’ils furent arrivés chez eux.

Faile n’avait pas desserré les lèvres – simplement froncé les sourcils, attendant la suite.

— Eh bien, c’est vrai, Berelain m’a tapoté la joue…

Toujours pas un mot. Mais des sourcils encore plus froncés, et une colère grandissante – les épines prenant le dessus sur la rose, en quelque sorte.

— Bon, elle l’a fait, mais je ne l’ai pas encouragée. Faile, c’était son initiative.