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Elayne et Nynaeve étaient assez grandes pour prendre soin d’elles-mêmes. Egwene avait assez entendu ça pour le savoir. Une très jolie épitaphe à graver sur leur tombe. D’après Siuan, aucune des histoires en question n’était de l’affabulation.

— Non, Egwene ! s’écria Nynaeve. La coupe est trop importante. Tu le sais. Si nous ne la trouvons pas, le monde va finir par cuire dans son propre jus.

— De plus, enchaîna Elayne, que peut-il nous arriver de mal ? Chaque soir, nous dormons au palais Tarasin, au cas où tu l’aurais oublié. Et si Tylin ne nous borde pas dans nos lits, elle est là et bien là pour nous conseiller.

La robe de la Fille-Héritière avait changé – pas la coupe, mais le tissu, moins raffiné et plus usé. Nynaeve portait une copie conforme de ce modèle, et son couteau n’avait pas plus de neuf ou dix fausses perles sur le manche. Des tenues guère adaptées à un palais. Pire encore, l’ancienne Sage-Dame tentait d’avoir l’air innocente et elle n’était pas douée pour ça.

Egwene ne releva pas. La coupe était vraiment importante, ses amies pouvaient pour de bon prendre soin d’elles-mêmes, et leurs recherches, ça tombait sous le sens, n’avaient pas pour cadre le palais Tarasin…

Enfin, Egwene ne releva presque pas :

— Vous avez recours à Mat, pas vrai ?

— Nous…

Soudain, Elayne s’avisa de la façon dont elle était vêtue, et ça la fit sursauter. Pour une raison inconnue, ce fut surtout la présence du petit couteau pendant à son cou qui la désorienta. Les yeux écarquillés, elle referma une main sur le manche recouvert de perles de verre rouges et blanches et rougit jusqu’à la racine des cheveux. L’instant d’après, elle se retrouva dans une robe de soie verte andorienne au col montant.

Le plus drôle fut que Nynaeve, s’avisant de sa tenue une fraction de seconde après Elayne, réagit exactement comme elle. N’était qu’elle réussit l’exploit de rougir encore plus. La robe de Deux-Rivières revint à la vitesse de l’éclair…

Elayne se racla la gorge et souffla :

— Mat est un garçon très utile, c’est certain, mais nous ne pouvons pas permettre qu’il nous traîne dans les jambes. Egwene, tu sais comment il est… Mais si nous devons faire quelque chose de dangereux, ne doute pas un instant que nous ferons appel à lui et à tous ses soldats pour nous protéger.

Les lèvres pincées, Nynaeve semblait morose. Peut-être parce qu’elle se souvenait de la menace du jeune homme.

— Nynaeve, tu ne lui mets pas trop la pression, j’espère ?

— Egwene, répondit Elayne, elle le laisse parfaitement en paix.

— C’est la stricte vérité, renchérit Nynaeve. Depuis notre arrivée à Ebou Dar, je ne lui ai pas dit un mot de travers.

Egwene acquiesça dubitativement. Elle aurait pu avoir le fin mot de cette histoire, mais ça lui aurait pris une éternité… Baissant les yeux pour voir si son étole n’était pas réapparue, elle ne vit qu’un scintillement de couleur qu’elle n’aurait pas reconnu elle-même.

— Egwene, demanda Elayne, as-tu pu parler avec les Aielles capables de marcher dans les rêves ?

— Et ont-elles identifié le problème ? ajouta Nynaeve.

— Je leur ai parlé, oui, répondit Egwene. Elles n’en savent rien.

Quelques jours plus tôt, le rendez-vous commencé en localisant les songes de Bair avait été des plus étranges. Bair et Melaine avaient rejoint Egwene dans la Pierre de Tear. Refusant de continuer à former la jeune femme, Amys n’était pas venue.

Au début, Egwene s’était sentie mal à l’aise. Craignant que ça passe pour un nouveau mensonge, elle n’avait pas réussi à annoncer aux Matriarches qu’elle était désormais une Aes Sedai – et la Chaire d’Amyrlin, par-dessus le marché. Bien sûr, l’apparition de l’étole, dans ces circonstances, n’avait pas posé de problèmes. De plus, il y avait le toh de la jeune femme envers Melaine. Tout en songeant aux longues heures qu’elle devrait passer en selle le lendemain, Egwene avait soulevé la question. Ravie à l’idée d’avoir des jumelles – et enthousiasmée par le don de voyance de Min –, la Matriarche avait déclaré qu’il n’y avait plus de toh entre elles. Mieux encore, elle allait baptiser Egwene une de ses filles.

Un petit plaisir dans une nuit pleine de futilités et de raisons de s’agacer.

— Les Matriarches ont quand même dit, reprit Egwene, n’avoir jamais entendu parler de quelqu’un qui tentait de trouver quelque chose par l’intermédiaire du besoin après l’avoir déjà trouvé une fois ! Selon Bair, ça revient à vouloir manger de nouveau une pomme qu’on a déjà croquée.

En réalité, Bair avait parlé d’un motai, une variété de larve très commune dans le désert des Aiels. Un goût et une texture plutôt agréables, tant qu’on ne savait pas ce qu’on était en train de manger.

— Tu crois que nous ne pouvons pas retourner dans ce grenier ? fit Elayne, dépitée. J’espérais que nous avions fait quelque chose de travers… Mais nous finirons par trouver quand même.

La Fille-Héritière hésita, et sa robe changea de nouveau. Il s’agissait toujours d’un modèle andorien, mais rouge avec les manches et le devant du corsage ornés de Lions Blancs du royaume. La tenue d’une reine, même si la Couronne de Roses n’avait pas reposé sur la tête blonde d’Elayne. Mais une robe au haut moulant qui offrait un décolleté sûrement trop plongeant pour une reine d’Andor.

— Egwene, ont-elles dit quelque chose au sujet de Rand ?

— Il est à Cairhien, au Palais du Soleil, où il semble se prélasser.

Egwene réussit à ne pas faire la moue. Si les deux Matriarches n’avaient guère été loquaces, Melaine avait marmonné entre ses dents des imprécations au sujet des Aes Sedai tandis que Bair avait carrément déclaré qu’elles méritaient toutes de recevoir une bonne raclée à intervalles réguliers. Une raclée, et rien de pire, malgré ce que Sorilea avait affirmé…

Selon toute probabilité, avait conclu Egwene, Merana avait réussi à faire une gaffe phénoménale. Au moins, Rand avait tenu à distance les émissaires d’Elaida. Malgré ce qu’il pensait, son amie d’enfance doutait qu’il soit capable de les affronter sans y laisser de plumes.

— Perrin est avec Rand. Perrin et sa femme, car il a épousé Faile !

Cette nouvelle fit son petit effet. Nynaeve affirma que la jeune femme était trop bien pour Perrin, mais avec un large sourire qui démentait ses propos. Elayne souffla qu’elle souhaitait bien du bonheur au jeune couple, mais elle ne semblait guère convaincue.

— Loial est là aussi. Comme Min. Il ne manque plus que Mat et nous trois.

Elayne se mordit la lèvre inférieure.

— Egwene, veux-tu bien faire transmettre un message à Min par l’intermédiaire des Matriarches ? Qu’elles lui disent… (La Fille-Héritière hésita.) Eh bien, que j’espère qu’elle finira par apprécier Aviendha autant qu’elle m’apprécie. Je sais, ça paraît bizarre, mais c’est une affaire privée, entre nous…

Nynaeve regarda Elayne sans dissimuler sa perplexité. À dire vrai, Egwene devait avoir la même expression confuse.

— Je transmettrai le message, assura Egwene. Mais je n’ai pas prévu de leur parler avant quelque temps…

À quoi bon, tant que les Matriarches se montreraient si peu disertes au sujet de Rand et si hostiles envers les Aes Sedai ?

— Aucun problème, fit Elayne. Ce n’est pas si important que ça… Bien, si nous ne pouvons pas avoir recours au besoin, il faudra compter sur nos jambes, et à Ebou Dar, les miennes me font un mal de chien. Si tu n’y vois pas d’inconvénient, Egwene, je vais retourner dans mon corps afin de dormir comme une masse.

— Ouvre la marche, dit Nynaeve, je te suivrai très vite.