Выбрать главу

— Elle finira au bout d’une corde pour ces crimes. Si nous parvenons à ramener le seigneur Dragon. Sinon, c’est nous qui risquons la potence…

Perrin serra très fort le fourreau en cuir de sanglier de l’épée de Rand.

— Je le ramènerai, grogna-t-il.

Ralentis par les chariots, Dannil et les autres hommes de Deux-Rivières devaient être encore à mi-chemin de Cairhien. Mais il y avait les loups…

— Même si je dois partir seul, je le ramènerai.

— Pas seul, dit Loial, sa détermination palpable. Perrin, quand je suis dans le coin, tu n’es jamais seul !

Comme toujours quand il se laissait aller à montrer son courage, l’Ogier parut terriblement embarrassé.

— Si Rand est emprisonné dans la tour, mon livre ne finira pas bien. Et comment décrire son sauvetage si je n’y participe pas ?

— Tu ne seras pas seul à partir, Ogier, dit Dobraine. Dès demain, j’aurai rassemblé cinq cents hommes de confiance. J’ignore ce que nous pourrons faire contre six Aes Sedai, mais je suis homme à tenir mes serments. (Il brandit son foulard et regarda Sulin.) Mais quelle confiance accorder à ces sauvages ?

— Et quelle confiance accorder aux tueurs d’arbre ? demanda Sorilea d’un ton aussi vif et aussi décidé qu’elle l’était elle-même.

Alors qu’elle venait d’entrer sans frapper, Rhuarc se présenta sur ses talons, lui-même suivi par Amys – son visage trop jeune pour être encadré de cheveux blancs aussi impassible que celui d’une Aes Sedai – et par Nandera. Exhalant une odeur de rage meurtrière, cette dernière portait sous le bras un ballot de couleur ocre avec des nuances de vert et de gris.

— Vous êtes au courant ? s’écria Perrin, incrédule.

Nandera lança le ballot à Sulin.

— Il était temps que tu t’estimes libérée de ton toh. Presque quatre semaines et demie… Un mois entier, et la moitié d’une semaine… Même les gai’shain estiment que tu es trop fière.

Les deux femmes passèrent dans la chambre.

Dès que Perrin avait exprimé son incrédulité, une odeur d’agacement était montée de Faile.

— Le langage par gestes des Promises…, souffla-t-elle, juste assez fort pour que seul son mari puisse l’entendre.

Perrin la remercia d’un regard, mais elle s’était déjà reconcentrée sur le plateau de jeu. Pourquoi se tenait-elle ainsi à l’écart ? Elle était de bon conseil, et le jeune homme avait cruellement besoin de ses lumières.

Faile déplaça une pierre puis regarda Loial, qui s’intéressait à tout sauf au jeu.

Maîtrisant sa déception, Perrin dit froidement :

— Je me fiche de savoir qui se fie à qui ! Rhuarc, es-tu prêt à lancer tes Aiels contre des Aes Sedai ? Six sœurs, exactement. Cent mille guerriers devraient leur donner à réfléchir, non ?

Le nombre que venait de prononcer Perrin le stupéfia lui-même. Dix mille hommes faisaient déjà une armée importante. Mais ces données lui venaient de Rand, et d’après ce qu’il avait vu du camp aiel, dans les collines, il ne voyait aucune raison de les contester.

Curieusement, Rhuarc émit une senteur très reconnaissable : l’hésitation.

— Tant de guerriers, ce ne sera pas possible, dit-il. Des messagers sont arrivés ce matin. Les Shaido ont quitté la Dague de Fléau de sa Lignée pour fondre sur le cœur du Cairhien. J’ai peut-être assez d’hommes pour les arrêter – il semble qu’ils ne se soient pas tous mis en mouvement – mais si j’envoie tant de guerriers au loin, tout ce que nous avons accompli sera à recommencer. Au minimum, les Shaido auront pillé cette ville avant notre retour. Qui peut dire jusqu’où ils se seront enfoncés dans le pays, voire dans d’autres ? Et combien de malheureux ils auront enlevés, sous prétexte que ce sont des gai’shain ?

Alors que Rhuarc prononçait cette dernière phrase, une puissante odeur de mépris monta de lui. De toute façon, Perrin ne partageait aucune des préoccupations du chef de tribu. Qu’importait l’étendue des territoires à reconquérir – et même le nombre de victimes, si douloureux qu’il fût de penser une chose pareille – comparé au sort de Rand ? Le Dragon Réincarné, prisonnier et en route pour Tar Valon…

Perrin s’aperçut que Sorilea le dévisageait. Quand une Matriarche le regardait, il avait l’impression, comme avec les Aes Sedai, d’être pesé, mesuré et soupesé. Cette Aielle-là lui donnait le sentiment d’être démonté pièce par pièce, comme une charrue défectueuse, afin de déterminer si on devait procéder à des réparations ou à un remplacement.

— Dis-lui tout, Rhuarc, lâcha Sorilea.

Amys posa une main sur le bras du chef aiel.

— Il a le droit de savoir, ombre de mon cœur. Rand al’Thor est son presque-frère.

Rhuarc eut un regard dur pour les Matriarches, toisa Dobraine du regard et se redressa de toute sa hauteur.

— Je peux emmener uniquement des Promises et des siswai’aman.

À son ton, et à son odeur, Perrin devina que cet homme aurait préféré perdre un bras plutôt que d’avoir à prononcer ces mots.

— Beaucoup trop de guerriers, sinon, refuseront de danser avec les lances contre les Aes Sedai.

Dobraine eut un rictus méprisant.

— Combien de Cairhieniens combattront les sœurs ? demanda Perrin. Elles sont six, et nous n’avons que de l’acier à leur opposer.

Et combien de Promises et de sis-machin-truc pouvait réunir Rhuarc ? Au fond, ça n’importait pas, puisqu’il y aurait les loups. Mais combien d’entre eux mourraient ?

— Je les affronterai, seigneur Aybara. Mes cinq cents hommes et moi serons fidèles au rendez-vous, même s’il y a soixante Aes Sedai !

— Ne crains pas les Aes Sedai, tueur d’arbre ! lança Sorilea de sa voix éraillée.

Une flamme apparut devant elle, jaillissant de nulle part. Cette femme était capable de canaliser le Pouvoir !

La Matriarche fit disparaître sa flamme, mais Perrin garda son existence à l’esprit tout au long des débats qui suivirent. Si vacillante que fût cette étincelle, il s’agissait d’une déclaration de guerre, et elle n’aurait pas été plus tonitruante si des roulements de tambour et des sonneries de trompette l’avaient accompagnée.

Une guerre totale, jusqu’à la mort…

— Si tu coopères, dit Galina d’un ton détaché, la vie sera plus agréable pour toi.

La prisonnière coula à la sœur un regard maussade, puis elle changea de position sur son tabouret – au prix d’un petit effort, cependant. Alors que sa veste était ouverte, elle transpirait à grosses gouttes. Faisait-il si chaud sous la tente ? Parfois, Galina oubliait jusqu’à l’existence des conditions climatiques.

Pour la énième fois, elle s’interrogea au sujet de cette Min – ou Elmindreda, ou quel que soit son vrai nom. La première fois qu’elle l’avait vue, cette jeune femme, vêtue comme un garçon, était en compagnie d’Egwene al’Vere et Nynaeve al’Meara. D’Elayne Trakand, aussi, mais les deux autres étaient liées à Rand al’Thor. La deuxième fois, « Elmindreda » lui avait été spontanément antipathique. Le genre de femme fragile qui soupire à tout bout de champ. Et quasiment sous la protection de Siuan Sanche, pour ne rien arranger. Comment Elaida avait-elle pu être assez aveugle pour autoriser cette intrigante à quitter la tour ? Et quels secrets connaissait cette fille ?

Elaida ne voudrait peut-être pas qu’on la lui livre tout de suite… Une fois à la tour, si Galina l’utilisait bien, Min l’aiderait peut-être à prendre Elaida dans ses filets, à la manière d’une hirondelle. Malgré Alviarin, Elaida était devenue une de ces Chaires d’Amyrlin à la fois fortes et compétentes qui prennent en main toutes les rênes disponibles. La mettre en cage affaiblirait sûrement Alviarin. Oui, en manœuvrant bien…