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— Et sa jalousie ? demanda Loial. (Cette fois, ce fut Perrin qui manqua s’étrangler.) Toutes les épouses sont comme ça ?

— Sa jalousie ? répéta Perrin. Faile n’est pas jalouse. Où as-tu été chercher cette idée ?

— Pas jalouse, mon œil ! siffla Loial. (Il étudia le fourneau de sa pipe.) Aurais-tu encore du tabac de Deux-Rivières ? Tout ce qui me reste, c’est du cairhienien qui arrache la gueule.

Si tout avait été de ce tonneau-là, le voyage aurait été paisible – en tout cas, autant que possible pour une poursuite. Sous un soleil de plomb qui transformait tout en fournaise, la colonne continua à avancer sans croiser personne. En revanche, des faucons tournaient souvent en cercle dans le ciel bleu. Peu désireux d’attirer les humains à eux, les loups faisaient en sorte de pousser vers la route des cerfs en nombre suffisant pour nourrir une telle expédition. Du coup, il n’était pas rare de voir sur le bas-côté un chevreuil, sa chevrette et leurs petits regarder placidement passer la longue colonne de cavaliers.

Mais comme le disait un vieux dicton : « Le seul homme totalement en paix est un homme qui n’a pas de nombril. »

Comme de juste, les Cairhieniens ne se sentaient pas très à l’aise avec les Aiels. Du coup, ils leur lançaient des regards noirs ou allaient jusqu’à ricaner méchamment sur leur passage. Plus d’une fois, Perrin entendit Dobraine maugréer parce que ses hommes étaient en infériorité numérique – douze contre un, ça faisait une sacrée cote ! L’officier respectait les qualités martiales des Aiels, mais à la façon dont on admire la cruauté et l’efficacité d’une troupe de lions féroces.

De leur côté, les Aiels s’abstenaient de ricaner et ne lançaient aucun regard noir. Traiter les Cairhieniens par le mépris, voilà tout ce qui leur semblait digne d’eux. À force de les voir nier l’existence des tueurs d’arbre, Perrin n’aurait pas été surpris de voir un jour des Aiels tenter d’en traverser un groupe comme s’il n’avait pas été là.

Rhuarc avait assuré qu’il ne se passerait rien, sauf si les Cairhieniens commençaient. Dobraine tenait le même discours : rien à redouter, tant que les Aiels restaient à leur place. Pour sa part, Perrin espérait que ses alliés ne s’entre-tueraient pas avant d’avoir rattrapé les Aes Sedai.

Il avait également l’espoir que les hommes de Mayene puissent faire office d’intermédiaires entre les deux autres groupes. Ce qui ne l’empêchait pas, en certaines occasions, de regretter leur présence.

Les soldats de Berelain s’entendaient très bien avec ceux de Dobraine – après tout, il n’y avait jamais eu de guerre entre Mayene et le Cairhien – et ils n’avaient aucun problème non plus avec les Aiels. Excepté lors de la guerre des Aiels, ils n’avaient jamais dû affronter les guerriers du désert…

Dobraine se montrait fort amical avec Nurelle, au point de prendre souvent le repas du soir avec lui, et le chef des Gardes Ailés n’hésitait jamais à aller fumer la pipe avec un groupe d’Aiels. En particulier quand Gaul était là. La raison des regrets de Perrin…

Le quatrième jour de voyage, Nurelle avait abandonné ses cavaliers pour venir chevaucher en tête de la colonne près de Perrin.

— J’ai parlé avec Gaul, avait-il annoncé.

Perrin l’avait écouté d’une demi-oreille. Le matin même, Flamme-Sauvage avait autorisé un jeune mâle à approcher des Aes Sedai peu après qu’elles se furent mises en route. Le loup n’avait pas senti l’odeur de Rand. Et apparemment, tous les loups la connaissaient.

Cela dit, et même si les images transmises par Nuages-du-Matin étaient imprécises, il semblait bien que tous les chariots sauf un étaient bâchés. Rand devait être dans l’un d’eux, bien plus à l’aise que Perrin, menacé de se noyer dans sa sueur tant il étouffait.

— Il a évoqué la bataille de Champ d’Emond, avait continué Nurelle. Et ta campagne de Deux-Rivières. Seigneur Aybara, ce serait un honneur pour moi de te l’entendre raconter de vive voix.

Perrin s’était redressé sur sa selle, les yeux rivés sur le gamin. Non, Nurelle n’était pas un gamin, malgré ses joues roses et son visage ouvert. À coup sûr, il avait au moins l’âge du « seigneur Aybara ». Mais son odeur ne laissait pas de doute. Chez lui, Perrin avait capté la même que sur de jeunes gars éperdus d’admiration. Mais être vénéré comme un héros par un type de son âge était presque plus qu’il n’en pouvait supporter.

Pourtant, si ces diverses déconvenues s’étaient arrêtées là, il n’aurait pas eu à se plaindre. L’animosité régnant entre les Cairhieniens et les Aiels ne l’avait pas surpris une seconde. Et il n’aurait pas dû être davantage étonné qu’un jeune officier sans expérience du combat soit impressionné par un chef ayant affronté et vaincu des Trollocs.

En campagne comme dans d’autres circonstances, c’étaient les problèmes inattendus qui minaient la résistance nerveuse d’un homme. Car ils frappaient quand il ne s’y attendait pas, et pouvaient détourner son attention à l’instant où ça risquait d’être fatal.

À part Gaul et Rhuarc, tous les Aiels portaient autour du front un bandeau rouge sur lequel figurait un disque noir et blanc. Perrin avait vu la même chose à Cairhien et à Caemlyn, mais quand il demanda à Gaul, puis à Rhuarc, si c’était le signe de ralliement des siswai’aman, les deux hommes firent mine de ne pas comprendre de quoi il parlait – comme s’ils étaient assez idiots pour ne pas voir un bandeau rouge autour de cinq mille crânes.

Perrin avait été jusqu’à interroger Urien, qui semblait être le second de Rhuarc, un Aiel Reyn du clan des Deux Pitons qu’il avait rencontré assez longtemps auparavant. Comme les deux autres, Urien avait fait mine de ne rien saisir.

Rhuarc ayant précisé qu’il ne pouvait emmener que des siswai’aman, le jeune homme décida que les guerriers qui l’accompagnaient en étaient, même s’il ignorait le sens de ce mot.

Très vite, il s’aperçut qu’il risquait d’y avoir des frictions entre ces siswai’aman et les Promises. Lorsque certains de ces guerriers regardaient des Far Dareis Mai, une odeur d’envie émanait d’eux. Et quand des Promises observaient ces hommes, leur odeur faisait penser à celle d’une louve qui se délecte de la carcasse d’un cerf et préférerait mourir d’une indigestion plutôt que d’en laisser un lambeau aux autres membres de sa meute.

Oui, il y avait un problème. Difficile à identifier, certes, mais grave. Cela dit, c’était pour l’instant une virtualité, contrairement à d’autres tracas. Durant les deux premiers jours de voyage, dès que Rhuarc disait quelque chose au sujet des Promises, Sulin et Nandera réagissaient en même temps. À chaque occasion, Sulin avait accepté de passer au second plan, mais ça ne l’empêchait pas de recommencer la fois d’après.

Le deuxième soir, une fois le camp dressé, les deux Aielles avaient failli s’entre-tuer.