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« La cloche ! La cloche d’honneur ! se rappela brusquement Bertram. Elle sert à annoncer les visites exceptionnelles. Si je la sonne, les autres comprendront peut-être qu’il se passe quelque chose ! Allez mon vieux, continua-t-il pour se donner du courage, si tu vaux vraiment ce que tu penses valoir, prouve-le ! Fais honneur à Gérald, et montre-lui qu’il a eu raison de faire de toi un Sorcier, contre l’avis de tous ! »

Bertram prit une profonde inspiration, bondit en direction du mur où pendait la chaîne qui actionnait la lourde cloche en bronze. L’homme en rouge se retourna, mais une fraction de seconde trop tard : son Graphème de neutralisation n’atteignit Bertram qu’au moment où celui-ci empoignait la chaîne.

Le jeune Sorcier s’effondra sur le sol, comme foudroyé par une décharge électrique ; cependant, la cloche, mise en mouvement, lança son vigoureux tintement.

L’homme en rouge ne sembla pas s’affoler. Il prit le temps d’invoquer Perthro, le Guide, y mêla Elhaz qui enlevait les verrous, Uruz qui apaisait les esprits d’un lieu et Isaz qui aidait à la concentration, souffla ensuite le nom de Guillemot sur le Lokk qu’il avait créé… Il laissa le sortilège pénétrer dans son esprit, puis, comme s’il savait désormais exactement où aller, il s’engagea dans les couloirs du monastère.

Le tintement inhabituel de la cloche d’honneur tira Guillemot de ses méditations. Quel visiteur exceptionnel recevait Gifdu ? Tout en traînant les pieds, il s’approcha de la fenêtre de sa chambre. Il regarda dans la cour et se figea aussitôt. D’où il se tenait, il pouvait voir Bertram étendu sans connaissance près de la porte d’entrée. Et à côté de lui, la silhouette massive d’un homme vêtu d’un manteau rouge sang…

Guillemot s’éloigna précipitamment de la fenêtre. Mince alors ! Était-ce l’Ombre ? En tout cas, c’était quelqu’un qui avait réussi à forcer les défenses de Gifdu et qui avait terrassé un Sorcier !

Il revint à la fenêtre et observa attentivement l’intrus. Il ne pouvait pas l’entendre, certes, mais en suivant des yeux les doigts qui formaient des Mudra et qui dessinaient des Graphèmes dans les airs, il comprit rapidement qu’il composait un sortilège.

– Perthro, Elhaz, Uruz, Isaz… murmura Guillemot pour lui-même. Galdr ou Lokk, ce type est en train de se fabriquer une boussole capable de venir à bout de tous les obstacles ! Il cherche quelqu’un, c’est sûr. Et j’ai bien peur que ce soit moi ! En tout cas, la dernière chose à faire est de rester ici.

L’Apprenti Sorcier attrapa sa sacoche au vol et, tandis que l’intrus pénétrait dans les bâtiments, il s’engagea dans l’escalier de secours menant à la cour.

Une fois sous les arcades, il se précipita vers la porte d’entrée, s’arrêta au passage pour vérifier que Bertram respirait encore, puis essaya d’ouvrir : peine perdue, la porte était scellée de l’intérieur.

Guillemot réfléchit rapidement. La seule chance qu’il avait de s’en sortir, si c’était bien lui que l’homme en rouge voulait attraper, était de disparaître dans le labyrinthe des couloirs du monastère et de s’y terrer… Il n’attendit pas une seconde de plus et s’y engouffra.

Au moment même où l’Apprenti quittait la cour, l’homme en rouge s’introduisait dans la chambre qu’il avait abandonnée quelques instants plus tôt. Un coup d’œil lui apprit que Guillemot n’était plus là. Le Lokk d’investigation le poussa à ne pas perdre de temps et l’entraîna jusqu’aux couloirs du rez-de-chaussée.

A l’angle d’un corridor, il tomba nez à nez sur un petit groupe de Sorciers que Qadwan et Gérald conduisaient en direction de la porte d’entrée. Il élabora à une vitesse stupéfiante un sortilège d’immobilisation qui cloua les malheureux individus au sol.

Puis, sans prêter davantage attention aux Sorciers qui gesticulaient et hurlaient de colère, il s’engagea dans le labyrinthe. Il hésita devant un premier embranchement, et prit à droite. L’itinéraire semblait mener vers les sous-sols. Au deuxième embranchement, l’homme consulta une Pierre Bavarde et eut la confirmation qu’il plongeait bien dans les profondeurs de Gifdu…

XV Traqué !

De couloir en couloir, Guillemot s’enfonçait profondément dans le cœur du monastère. De sa sacoche, il sortit le plan général des lieux, piraté lors de son premier séjour dans la mémoire centrale de l’ordinateur, voilà trois mois. Dès qu’il avait un doute sur sa position ou sur la direction à prendre, il consultait fébrilement ce plan. Les lichens phosphorescents qui rongeaient par plaques les murs et les plafonds l’éclairaient faiblement.

Les Pierres Bavardes confirmaient et affinaient ses choix. Certaines n’avaient pas été touchées depuis longtemps et il devait d’abord, pour les déchiffrer, ôter la couche de poussière qui les recouvrait. Bien entendu, il essayait de faire le plus de détours possibles pour égarer son poursuivant…

Il entendait des pas, de temps à autre, résonner au loin dans les couloirs. C’était l’homme au manteau rouge qui se rapprochait, il en était certain !

En son for intérieur, il savait qu’il serait difficile de le distancer : dans la cour, il avait vu l’individu former un sortilège d’orientation et de recherche, qui lui était sûrement destiné ! Il devait coûte que coûte maintenir une distance entre lui et l’homme en rouge, et espérer qu’il se lasse, ou que le sortilège se détraque…

Bientôt, Guillemot se retrouva devant un carrefour important. Il fit une pause et consulta le plan : le couloir de gauche remontait directement vers la surface ; celui d’en face menait vers une impasse ; celui de droite conduisait vers d’anciennes mines. S’il devait semer son poursuivant, c’était le moment ou jamais d’essayer !

Il prit le temps de réfléchir à la meilleure façon de procéder. Il s’étonnait d’être capable de tant de sang-froid, alors qu’il jouait sans doute sa vie dans ce jeu de course-poursuite ! Mais les situations d’urgence étaient finalement celles qu’il préférait. Peut-être parce que seule comptait l’action, et que l’action empêchait les questionnements douloureux.

Il commença par sortir de sa sacoche la fausse Pierre Bavarde qui lui avait valu un jour d’être privé de dessert ! Aujourd’hui, elle l’aiderait peut-être à sauver sa vie.

Il mouilla de sa salive les signes qui indiquaient la direction à suivre et les remodela, avant de souffler dessus pour les durcir à nouveau. Il colla la fausse Pierre, indiquant désormais une deuxième impasse sur celle du chemin des mines.

Il prit ensuite le couloir de gauche remontant vers la surface, sur une centaine de mètres, et revint sur ses pas jusqu’au carrefour.

Là, il invoqua Dagaz, le Graphème qui suspendait le temps tout en conférant l’invisibilité mentale lorsqu’on le formulait autrement, et il le stabilisa avec un Mudra.

Puis il s’enfonça dans le couloir de droite, vers les mines.

Peu de temps après, l’homme en rouge s’arrêta au carrefour. La puissance du Lokk d’investigation commençait à faiblir. Il lui indiquait cependant encore clairement que sa proie avait emprunté le couloir de gauche. Il consulta la Pierre Bavarde : le chemin conduisait vers la surface. Le jeune Apprenti n’avait pas dû hésiter longtemps…

L’homme vérifia cependant les destinations qu’offraient les autres couloirs : deux impasses. Il n’hésita pas plus longtemps et foula bientôt de son pas déterminé le chemin qui menait à la surface.

Bientôt Guillemot n’entendit plus aucun bruit derrière lui. Son subterfuge avait réussi ! Il s’affala sur le sol d’une pièce, certainement un ancien entrepôt, à l’époque où les mines étaient exploitées.