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En même temps tu as cette force terrifiante De ceux qui ont le pouvoir de dire oui ou de dire non Cette force t'a été donnée Beaucoup peuvent te chercher, certains peuvent te trouver Ton regard est la clef de différentes possibilités d'existence et de différentes structurations du monde Tu es la clef offerte par la vie pour un certain nombre d'ailleurs À ton contact, je deviens progressivement meilleur Et j'admire, également, ta force.
Je suis en présence de toi Comme devant un autre monde Pourtant je vais au fond de toi Je m'arrête, j'écoute les secondes
Et il y a un autre monde.

NAISSANCE AQUATIQUE D'UN HOMME

Il y a d'abord cet acte qu'il faut bien qualifier de charnel, Faute d'un meilleur terme Acte où nous engageons pourtant une bonne partie de nos ressources spirituelles Et de nos croyances Car nous créons les conditions, non seulement pour un être, mais aussi pour le monde, d'une nouvelle naissance, Nous en fixons l'initiation et peut-être le terme.
Il y a ensuite cette espèce d'être animal Qu'on a bien du mal à mettre en rapport avec la femme Telle que nous la connaissons Je veux dire, la femme de nos jours, Celle qui prend le métro Et qui n'est plus capable d'amour.
Il y a ce geste de l'embrassement qui remonte si naturellement vers les lèvres et vers les mains Devant l'objet fripé qui sort Qui était protégé il y a quelques instants encore Qui vient brutalement de tomber en direction de l'humain De manière irrémédiable Et nous pleurons, nous aussi, cette chute.
Il y a cette espèce de croyance en un monde délivré du mal Et des cris, et de la souffrance, Un monde où envisager l'horreur de la naissance Comme un acte amical
Je veux dire, un monde où l'on pourrait vivre Depuis le premier instant Et jusqu'à la fin, jusqu'au terme naturel; Un tel monde n'est en aucun cas décrit dans nos livres.
Il existe, potentiel.

C'est comme une veine qui court sous la peau, et que l'aiguille cherche à atteindre,

C'est comme un incendie si beau qu'on n'a pas envie de l'éteindre,

La peau est endurcie, par endroits presque bleue, et pourtant c'est un bain de fraîcheur au moment où pénètre l'aiguille

Nous marchons dans la nuit et nos mains tremblent un peu, pourtant nos doigts se cherchent et pourtant nos yeux brillent.

C'est le matin dans la cuisine et les choses sont à leur place habituelle,

Par la fenêtre on voit les ruines et dans l'évier traîne une vague vaisselle,

Cependant tout est différent, la nouveauté de la situation est proprement incommensurable,

Hier en milieu de soirée tu le sais nous avons basculé dans le domaine de l'inéluctable.

Au moment où tes doigts tendres petites bêtes ont accroché les miens et ont commencé à les presser doucement

J'ai su qu'il importait très peu que je sois à tel moment ou à tel autre ton amant

J'ai vu quelque chose se former, qui ne pouvait être compris dans les catégories ordinaires,

Après certaines révolutions biologiques il y a vraiment de nouveaux cieux, il y a vraiment une nouvelle Terre.

Il ne s'est à peu près rien passé et pourtant il nous est impossible de nous délivrer du vertige,

Quelque chose s'est mis en mouvement, des puissances avec lesquelles il n'est pas question qu'on transige, Comme celles de l'opium ou du Christ, les victimes de l'amour sont d'abord des victimes bienheureuses Et la vie qui circule en nous ce matin vient d'être augmentée dans des proportions prodigieuses.

C'est pourtant la même lumière, dans le matin, qui s'installe et qui augmente,

Mais le monde perçu à deux a une signification entièrement différente

Je ne sais plus vraiment si nous sommes dans l'amour ou dans l'action révolutionnaire

Après que nous en avons parlé tous les deux, tu as acheté une biographie de Maximilien Robespierre.

Je sais que la résignation vient de partir avec la facilité d'une peau morte,

Je sais que son départ me remplit d'une joie incroyablement forte,

Je sais que vient de s'ouvrir un pan d'histoire absolument inédit

Aujourd'hui et pour un temps indéterminé nous pénétrons dans un autre monde, et je sais que dans cet autre monde tout pourra être reconstruit.

LE SENS DU COMBAT

Il y a eu des nuits où nous avions perdu jusqu'au sens [du combat Nous frissonnions de peur, seuls dans la plaine [immense, Nous avions mal aux bras Il y a eu des nuits incertaines et très denses.
Comme un oiseau blessé tournoie dans l'atmosphère Avant de s'écraser sur le sol du chemin Tu titubais, disant des mots élémentaires, Avant de t'effondrer sur le sol de poussière; Je te prenais la main.
Nous devions décider d'un autre angle d'attaque, Décrocher vers le Bien Je me souviens de nos pistolets tchécoslovaques, Achetés pour presque rien.
Libres et conditionnés par nos douleurs anciennes Nous traversions la plaine Et les mottes gercées résonnaient sous nos pieds; Avant la guerre, ami, il y poussait du blé.
Comme une croix plantée dans un sol desséché J'ai tenu bon, mon frère; Comme une croix de fer aux deux bras écartés. Aujourd'hui, je reviens dans la maison du Père.