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Sur mon agenda de demain, J'avais inscrit: «Liquide vaisselle»; Je suis pourtant un être humain: Promotion sur les sacs-poubelle!
À tout instant ma vie bascule Dans l'hypermarché Continent Je m'élance et puis je recule, Séduit par les conditionnements.
Le boucher avait des moustaches Et un sourire de carnassier, Son visage se couvrait de taches… Je me suis jeté à ses pieds!

III.

J'ai croisé un chat de gouttière, Son regard m'a tétanisé; Le chat gisait dans la poussière, Des légions d'insectes en sortaient.
Ton genou de jeune otarie, Gainé dans un collant résille, Se pliait sans le moindre bruit; Dans la nuit, les absents scintillent.
J'ai croisé un vieux prolétaire Qui cherchait son fils disparu Dans la tour GAN, au cimetière Des révolutionnaires déçus.
Tes yeux glissaient entre les tables Comme la tourelle d'un char; Tu étais peut-être désirable, Mais j'en avais tout à fait marre.
J'ai marché toute l'après-midi; C'était une «activité sportive», en contact avec la nature; Pourtant, je suis à nouveau envahi par l'angoisse.
L'hôtel est confortable; On ne peut rien lui reprocher, à l'hôtel. C'est simplement la présence de la vie qui pèse sur moi, Qui rend les soirées pratiquement impossibles.
C'est la présence ou l'absence de l'esprit qui détermine notre bonheur Et j ' a i eu beau exercer mes muscles toute l'après-midi, aux approches du soir, quelque chose se met à peser sur mon cœur.
Dans la gare de Fanton-Saorge (Désertée, fermée, carreaux brisés et toilettes bouchées), Le dernier train de la journée devait passer.
J'ai tiré de mon sac à dos un magazine de rencontres échangistes, Je l'ai déchiré en deux parts égales Et j ' a i déposé les morceaux près des toilettes «à la turque».
Les femmes continueront à réclamer des godemichets et de gros sexes blacks Pour l'improbable plaisir d'un retraité des chemins de fer italiens Venu visiter la gare où il avait fait sa carrière Et élevé ses enfants Avant que l'école ne ferme.
Les insectes courent entre les pierres, Prisonniers de leurs métamorphoses Nous sommes prisonniers aussi Et certains soirs la vie Se réduit à un défilé de choses Dont la présence entière Définit le cadre de nos déchéances Leur fixe une limite, un déroulement et un sens;
Comme ce lave-vaisselle qui a connu ton premier mariage Et ta séparation, Comme cet ours en peluche qui a connu tes crises de rage Et tes abdications.
Les animaux socialisés se définissent par un certain nombre de rapports Entre lesquels leurs désirs naissent, se développent, deviennent parfois très forts Et meurent.
Ils meurent parfois d'un seul coup, Certains soirs Il y avait certaines habitudes qui constituaient la vie et voilà qu'il n'y a plus rien du tout Le ciel qui paraissait supportable devient d'un seul coup extrêmement noir La douleur qui paraissait acceptable devient d'un seul coup lancinante Il n'y a plus que des objets, des objets au milieu desquels on est soi-même immobilisé dans l'attente,
Chose entre les choses, Chose plus fragile que les choses Très pauvre chose Qui attend toujours l'amour L'amour, ou la métamorphose.
Dans le métro, sur le périf, La machine commence à tourner Je m'arrête, soudain attentif: J'entends la machine exploser
Au ralenti, comme un organe, Comme un ventricule noirci; Au loin j'aperçois la tour GAN, C'est là que se décide ma vie.
Les cadres montent vers leur calvaire Dans des ascenseurs de nickel, Je vois passer les secrétaires Qui se remettent du rimmel.
Sous les maisons, au fond des rues, La machine sociale avance Vers des objectifs inconnus; Nous n'avons plus aucune chance.
Cet homme sur l'autre quai est en bout de course; Je ne suis plus tout à fait au début. Pourquoi est-ce que je ressens de la pitié pour lui? Pourquoi, exactement?
Sur le quai, près de moi, il y a des amoureux Qui ne regardent pas l'homme (De pseudo-amoureux, car il est déjà chauve). Cependant, ils s'embrassent; Ils semblent croire à l'existence d'un monde entre eux, D'un autre monde que celui de l'homme,
De l'homme en face Qui se lève et rassemble ses sacs Prisunic, Définitivement en bout de course; Sait-il que Jésus-Christ est mort pour lui?
Il se lève, il rassemble ses sacs, Il clopine jusqu'au bout du quai Et là, profitant de l'angulation de l'escalier, Il disparaît.

DERNIER REMPART CONTRE LE LIBÉRALISME

Nous refusons l'idéologie libérale parce qu'elle est incapable de fournir un sens, une voie à la réconciliation de l'individu avec son semblable dans une communauté qu'on pourrait qualifier d'humaine, Et d'ailleurs le but qu'elle se propose est même tout différent.

Nous refusons l'idéologie libérale au nom de l'encyclique de Léon XIII sur la mission sociale de l'Évangile et dans le même esprit que les prophètes antiques appelaient la ruine et la malédiction sur la tête de Jérusalem,

Et Jérusalem tomba, et pour se relever elle ne mit pas moins de quatre mille ans.

Il est indiscutable et avéré que tout projet humain se voit de plus en plus évalué en fonction de purs critères économiques,

De critères absolument numériques,

Mémorisables sur fichiers informatiques.

Cela n'est pas acceptable et nous devons lutter pour la mise en tutelle de l'économie et pour sa soumission à certains critères que j'oserai appeler éthiques,

Et quand on licencie trois mille personnes et que j'entends bavasser sur le coût social de l'opération il me prend une envie furieuse d'étrangler une demi-douzaine de conseillers en audit, Ce qui serait une excellente opération, Un dégraissage absolument bénéfique, Une opération pratiquement hygiénique.