Comme des lézards, nous nous chauffons au soleil du [phénomène
En attendant la nuit
Mais nous ne nous battrons pas,
Nous ne devons pas nous battre,
Nous sommes dans la position éternelle du vaincu.
Les hirondelles s'envolent, rasent lentement les flots, et montent en spirale dans la tiédeur de l'atmosphère. Elles ne parlent pas aux humains, car les humains restent accrochés à la Terre.
Les hirondelles ne sont pas libres. Elles sont conditionnées par la répétition de leurs orbes géométriques. Elles modifient légèrement l'angle d'attaque de leurs ailes pour décrire des spirales de plus en plus écartées par rapport au plan de la surface du globe. En résumé, il n'y a aucun enseignement à tirer des hirondelles.
Parfois, nous revenions ensemble en voiture. Sur la plaine immense, le soleil couchant était énorme et rouge. Soudain, un rapide vol d'hirondelles venait zébrer sa surface. Tu frissonnais, alors. Tes mains se crispaient sur le volant gainé de peau. Tant de choses pouvaient, à l'époque, nous séparer.
Nous étions arrivés à un moment de notre vie où se faisait sentir l'impérieuse nécessité de négocier une nouvelle donne,
Ou simplement de crever.
Quand nous étions face à face avec nous-mêmes sur la banquette arrière dans le fond du garage il n'y avait plus personne,
On aimait se chercher.
Le sol légèrement huileux où nous glissions une bouteille de bière à la main,
Et ta robe de satin
Mon ange
Nous avons traversé des moments bien étranges
Où les amis disparaissaient un p a r un et où les plus gentils devenaient les plus durs,
S'installaient dans une espèce de fissure
Entre les longs murs blancs de la dépendance pharmaceutique
Ils devenaient des pantins ironiques,
Pathétiques.
Le lyrisme et la passion nous les avons connus mieux que personne,
Beaucoup mieux que personne
Car nous avons creusé jusqu'au fond de nos organes pour essayer de les transformer de l'intérieur
Pour trouver un chemin écarter les poumons pénétrer jusqu'au cœur
Et nous avons perdu,
Nos corps étaient si nus.
Répétition des morts et des abandons et les plus purs montaient vers leur calvaire,
Je me souviens de ton cousin le matin où il s'était teint les cheveux en vert
Avant de sauter dans le fleuve,
Sa vie était si neuve.
Nous n'aimons plus beaucoup maintenant les gens qui viennent critiquer nos rêves,
Nous nous laissons lentement investir par une ambiance de trêve
Nous ne croyons plus beaucoup maintenant aux plaisanteries sur le sens du cosmos,
Nous savons qu'il existe un espace de liberté entre la chair et l'os
Où les répétitions les plaintes
Parviennent atténuées;
Un espace d'étreintes,
Un corps transfiguré.
Quand il fait froid,
Ou plutôt quand on a froid,
Quand un centre de froid s'installe avec un mouvement [mou
Au fond de la poitrine
Et saute lourdement entre les poumons
Comme un gros animal stupide;
Quand les membres battent faiblement,
De plus en plus faiblement
Avant de s'immobiliser sur le canapé
De manière apparemment définitive;
Quand les années tournent en clignotant
Dans une atmosphère enfumée
On ne se souvient plus de la rivière parfumée,
La rivière de la première enfance
Je l'appelle, conformément à une ancienne tradition: la rivière d'innocence.
Maintenant que nous vivons dans la lumière,
Maintenant que nous vivons à proximité immédiate de la lumière,
Dans des après-midi inépuisables
Maintenant que la lumière autour de nos corps est devenue palpable,
Nous pouvons dire que nous sommes parvenus à destination
Les étoiles se réunissent chaque nuit pour célébrer nos souffrances et leur transfiguration
En des figures indéfiniment mystérieuses
Et cette nuit de notre arrivée ici, entre toutes les nuits, nous demeure infiniment précieuse.
Il y a toujours une ville, des traces de poètes
Qui ont croisé leur destinée entre ses murs
L'eau coule un peu partout, la mémoire murmure
Des noms de villes, des noms de gens, trous dans la [tête.
Et c'est toujours la même histoire qui recommence,
Horizons effondrés et salons de massage
Solitude assumée, respect du voisinage,
Il y a pourtant des gens qui existent et qui dansent.
Ce sont des gens d'une autre espèce, d'une autre race,
Nous dansons tout vivants une danse cruelle
Nous avons peu d'amis mais nous avons le ciel,
Et l'infinie sollicitude des espaces;
Le temps, le temps très vieux qui prépare sa vengeance,
L'incertain bruissement de la vie qui s'écoule
Les sifflements du vent, les gouttes d'eau qui roulent
Et la chambre jaunie où notre mort s'avance.
Une lumière bleue s'établit sur la ville,
Il est temps de faire vos jeux;
La circulation tombe. Tout s'arrête. La ville est si tranquille.
Dans un brouillard de plomb, la peur au fond des yeux,
Nous marchons vers la ville,
Nous traversons la ville.
Près des voitures blindées, la troupe des mendiants,
Comme une flaque d'ombre
Glisse en se tortillant au milieu des décombres
Ton frère fait partie des mendiants
Il fait partie des errants
Je n'oublie pas ton frère,
Je n'oublie pas le jeu.
On achète du riz dans des passages couverts,
Encerclés par la haine
La nuit est incertaine,
La nuit est presque rouge
Traversant les années, au fond de moi, elle bouge,
La mémoire de la mer.
Reptation des branchages entre les fleurs solides,
Glissement des nuages et la saveur du vide:
Le bruit du temps remplit nos corps et c'est dimanche
Nous sommes en plein accord, je mets ma veste blanche