Al Esbrouf, mort de peur, balbutia :
— Mais qu’est-ce que vous me voulez ?
— On veut que t’emplâtres ton boudin, c’est pas dif ! Tu le faisais de bon cœur il y a un instant.
— Mais je peux pas, devant le monde.
— Tu peux, puisque t’as encore un superbe tricotin ! Allez, grimpe-la, je te dis ! Attends, je vais te guider !
Il passa la main entre les jambes du Maghrébin, saisit son sexe et le dirigea vers celui de la fille.
— Pousse, mec ! Rends-toi utile !
Il appuya sur les fesses du malheureux.
— C’est en place ? demanda-t-il à la cantonade.
L’un de ses compagnons actionna une lampe électrique et regarda sous le ventre d’Al Esbrouf.
— Paré pour la manœuvre, capitaine !
— Banco !
L’homme s’assit à califourchon sur le fessier de Bokono, le dos tourné à sa personne. Il fit un signe aux deux autres qui, sans hésiter, s’emparèrent chacun d’une jambe de l’Arabe et se mirent à tirer dessus comme s’ils entendaient l’écarteler.
— Il a un sacré paquet de couilles, ce con ! fit l’homme à califourchon en se saisissant à pleines mains des attributs de sa victime.
Ensuite, d’un geste assuré, il avança son couteau suraiguisé entre les jambes d’Al Esbrouf et en quelques mouvements péremptoires, trancha son sexe. Le malheureux poussa un hurlement animal et se mit à vomir sur le visage de Martine. Il eut de tels soubresauts que les deux loubards qui maintenaient ses jambes durent les lâcher.
Mais ils se jetèrent de nouveau sur Bokono pour l’immobiliser au-dessus de sa partenaire. Celui qui s’occupait de la partie chirurgicale de « l’opération » gronda. Il décrivit une volte pour adopter la position contraire. Cette fois, c’est la tignasse afro qu’il empoigna. Il tira la tête de sa victime à lui. Al Esbrouf vomissait toujours.
— Il est dégueulasse, ce raton de merde ! fit l’un des agresseurs.
« L’exécuteur » avança son couteau ruisselant de sang sous le menton de Bokono et lui trancha la gorge. Un flot de sang jaillit, qui s’écoula sur le visage et la poitrine de la fille. Morte d’épouvante, elle émettait des sons sans suite qui, parfois, ressemblaient à des rires contenus.
— Tu tais ta gueule ! lui enjoignit le meurtrier.
L’Arabe se vidait rapidement et perdit connaissance. Néanmoins son tortionnaire continua de maintenir sa tête en arrière jusqu’à ce qu’il fût tout à fait mort. Alors, il délaissa le cadavre et examina ses mains. La droite était gluante de sang jusqu’au poignet.
— J’espère qu’il y a de la flotte dans ce gourbi ? s’inquiéta-t-il.
Il trouva le broc à eau et s’aspergea longuement avant d’utiliser le vilain savon crémeux. Pendant qu’il se nettoyait, ses compagnons ligotaient Martine après le lit. Ils avaient apporté ce qu’il leur fallait. Ils la bâillonnèrent à l’aide de bandes de sparadrap, ensuite ils utilisèrent encore la toile adhésive pour maintenir « en place » le sexe sectionné de son amant. Ils agissaient en sifflotant, parfaitement détendus.
Le meurtrier revint au lit, curant ses ongles avec la pointe de son couteau. Il prit la chaise qui se trouvait à sa portée, s’assit et se pencha sur la jeune fille inondée du sang de Bokono.
— Tu sais pourquoi on va pas te bousiller, radasse ? Pour que tu puisses témoigner. Faudra bien tout leur raconter aux flics, surtout ! T’oublieras rien, t’es sûre ? Si tu en oublies, on te retrouvera plus tard, on t’enfoncera une cartouche de dynamite dans le con et on te fera exploser. D’accord ?
Comme elle ne bronchait pas, il lui piqua le sein de son couteau.
— Fais signe que t’es d’accord, vérolée !
Martine eut un acquiescement.
— Tu vas leur dire qu’un mouvement s’est constitué. On l’appelle France Propre. France Propre, c’est facile à mémoriser, non ?
Elle répéta son approbation.
— Parfait. Pour commencer notre croisade, on interdit à tous les bougnes, bicots et autres rastas de toucher à nos gonzesses, tu piges ? La grande hécatombe va commencer. Désormais, chaque melon qui lonche une Française aura le zob et la gorge tranchés, comme pour ton pote ! Bien sûr, on pourra pas tout épurer, mais on fera le plus gros, dis-leur bien ! Et quand ces salopards auront compris, ils seront moins empressés à baiser les sacs à merde de ton espèce. Ah ! précise aussi que la partenaire aura droit à sa cartouche de dynamite en guise de tampax. Je te le répète : toi tu as provisoirement la vie sauve, Ninette, uniquement parce que t’as ton compliment à réciter.
— On pourrait au moins lui couper le bout des seins avant de partir, objecta l’un des loubards ; elle en mourrait pas !
— C’est vrai, admit le chef du commando, mais il faudrait déplacer la carcasse du melon et le tableau est trop beau comme ça.
Il contempla « son œuvre » avec une certaine complaisance.
— Harmonieux ! ajouta-t-il. Les poulets vont prendre un pied géant.
Il rit sous sa cagoule étouffante qu’il avait hâte de poser.
— Allez, on se casse l’un après l’autre, compagnons. Je m’en irai le dernier. N’oubliez pas de quitter votre cagoule avant de descendre l’escadrin. Mettez vos lunettes et votre casquette. Pas de précipitation !
Il adressa un geste à l’un des deux autres. Ce dernier jeta un ultime regard au couple avant de sortir.
— Sans bavures ! approuva son camarade.
— Comme toujours, quand on prépare bien son affaire. L’improvisation n’est qu’une issue de secours en cas d’incendie.
CHAT CLOWN 2
C’est Ross, son valet de chambre-chauffeur britannique qui nous ouvre. L’air plus con et compassé que jamais. La glotte proéminente à l’excès. Tu dirais qu’il a avalé un balancier d’horloge et ça le fait ressembler à une pendule arrêtée. Pantalon noir, veste blanche. Au revers de sa veste d’uniforme, infiniment discret : le ruban de la Victory Cross. Ses cheveux rares sont collés sur le sommet de son crâne plat. Nez interminable et plongeant, lèvres minces, regard de batracien assoupi.
Certes, il nous connaît depuis des lustres, mais se comporte comme si nous étions trois marchands d’aspirateurs venus lui faire l’article.
— Oui, messieurs ?
L’équivalent de « Yes, sir ». La voix est étale, sourde, sans la moindre marque de sympathie.
— Nous sommes attendus ! lui révélé-je.
— Monsieur a ses soins.
— Nous attendrons.
Il s’efface pour nous laisser pénétrer en l’hôtel particulier du Dabuche. D’un classissisme bourgeois à faire caca sur les tapis. Partout ce n’est que tapisseries d’Aubusson, meubles Louis XV acajouteux avec des dorures de bronze, tableaux d’une grande hardiesse : Ingres, Watteau, Fragonard, accumoncellement de chiraz superposés comme des tranches napolitaines. Des lanternes de cuivre et verre, rondes, dans le hall. Des torchères que ça représente des nègres enturbannés, des vitrines gorgées d’objets papouilles : tabatières, sulfures, cachets, flacons de sels et autres conneries pour collectionneurs. Maître Rheims se pointerait, il dresserait illico l’inventaire.
Le larbin (qui est un fin gourmé), nous grimpe à l’étage, pousse la lourde d’une pièce de modestes dimensions : le salon particulier d’Achille. Un faux feu de fausses bûches brille dans une cheminée de vrai marbre blanc.
— Vous allez devoir patienter un bon moment, prévient l’Anglais, les soins de Monsieur viennent tout juste de débuter.
D’un geste stoïque, je lui fais comprendre que notre attente étant réglée par la République française, nous consentons à ce qu’elle soit illimitée.
— Tu crois qu’il est sérieusement malade ? chuchote M. Blanc.