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Elle prend le paf et le fait sonner contre la paroi.

— On peut le lâcher, il tient tout seul. Maintenant, vous allez me le finir, Stéphanie.

— Non ! non, fait la voix d’Achille, métallisée par le système de phonie. Je veux continuer de voir son admirable chatte ! C’est cela qui m’a mis en érection, beaucoup plus que vos manigances pauvrettes, madame Duguy-Lanhneuf.

La Madame chef pétasse enrage, mais la volonté du client est souveraine. Elle place une mimique sceptique et, le regard levé en commisérance, enjoint à sa comparse de continuer à se donner en spectacle.

La môme Stéphanie retrouve donc sa posture lubrique et tout va l’amble, que veux-tu que je te dise ! Mister Dirluche, sollicité visuellement et buccalement, s’élance de ses starting-blocks et bat le record du monde d’éjaculation en vase clos, catégorie troisième âge.

— Bravo ! exulte Mme Duguy-Lanhneuf. Vous pouvez vous rhabiller, Stéphanie.

Une fois ces personnes évacuées, Ross nous introduit auprès de Dieu le Père. Un Dieu apaisé et donc miséricordieux.

Dans sa cage, il a l’air d’un vieux sage ayant renoncé aux grimaces. Sa maigre offrande est indistincte dans la gaine à paf caoutchoutée. Un duvet de canard, avait pronostiqué Béru ? Presque !

— Ah ! vous voilà, mes valeureux ! cohennise-t-il. Je commençais à me languir de vous dans cette vitrine où je me fais l’effet d’un spécimen d’homo sapiens rarissime. Figurez-vous que je souffre d’une nucléo-viro-tartisse évolutive qui me rend vulnérable au moindre microbe de passage. Mais mes dernières analyses sont bonnes et j’espère pouvoir réintégrer bientôt mon bureau. D’excellentes infirmières s’occupent de ma santé et, malgré cette claustration, je veille à conserver ma forme physique. A mon âge, on se détériore rapidement si l’on n’y prend garde.

Il nous montre un appareil téléphonique immaculé sur son bureau de verre.

— J’ai eu, tôt ce matin, une conversation choc avec devinez qui ? Le président soi-même. Un lève-tôt, cet homme. Paré pour son troisième mandat ! Il est terriblement contrarié par cette série de meurtres racistes qui déshonorent notre belle France (ces mots sont de lui). Il m’enjoint…

— De culasse ! laisse tomber le Gravos.

— Que dites-vous, Bérurier ?

— Vous disez « enjoint », j’ajoute « de culasse ».

Il rit fort pour souligner l’extrême drôlerie de la boutade.

Le Vieux rapproche le micro de sa bouche.

— Ne deviendrait-il pas de plus en plus sinistrement con, San-Antonio ?

— Je ne le pense pas, monsieur le directeur. Il y a belle lurette que le conomètre est saturé quand Alexandre-Benoît s’escrime.

Le Dabe se gratte les fesses de sa main qui tient le micro. L’opération lui provoque un vent incontrôlable, lequel, amplifié par l’appareil, ressemble à l’impact d’une fusée mer-mer dans la coque d’un sous-marin.

Sa Majesté hilarise :

— Alors là, j’m’avouille vingt cul, Monseigneur ! Notez qu’si vous m’prêtereriez vot’ micro, j’ pourrerais vous archiprêter « Hiroshima mon amour » !

Gêné, Achille passe outre. Il cramponne un feuillet sur son bureau.

— Un vent de panique souffle dans la communauté des travailleurs immigrés, dit-il. Et il y a de quoi ! En quinze jours, on a enregistré trois assassinats de Maghrébins, quatre de Noirs, huit disparitions d’Africains divers et six filles molestées pour avoir couché avec des Arabes ou des nègres.

Il regarde l’heure.

— Mes remèdes ! fait-il.

Il va tripatouiller des fioles, se compte des gouttes et des cachets, des gélules et des suppositoires. Avale les uns, s’encule les autres. Il est pâlot et fébrile, le Tondu. J’espère que sa maladie n’est pas mortelle. Ça me gonflerait de me retrouver dans la cour de la Grande Taule, devant son catafalque, à écouter les bavocheries d’un ministre à propos de la carrière édifiante de Chilou (Chichi, comme l’ont baptisé les putes qui veillent sur ses glandes inférieures).

Lorsqu’il a procédé à l’opération survie, il revient à nos moutons.

— Savez-vous ce que le président m’a demandé, messieurs ? De sa propre voix ? Il m’a dit : « Mon cher, pourquoi ne confieriez-vous point la direction de l’enquête au commissaire San-Antonio ? Ce garçon me plaît par son intelligence et sa détermination. De plus, je sais qu’il dispose d’une poignée d’inspecteurs peu banals et d’une grande efficacité. Qu’il établisse un P.C. de crise, qu’il prenne sous ses ordres tous les effectifs spécialisés dont il aura besoin : commandos de choc, tireurs d’élite, brigade spéciale, que sais-je ! Et qu’il livre à cette racaille une guerre sans merci ! Dites-lui que je souhaite une action immédiate et sans limites ; je le couvre ! Vous comprenez bien ce que j’énonce, cher directeur ? JE LE COUVRE ! »

Le Vieux a les yeux embrumés par l’admiration que me vaut la décision présidentielle.

— La France compte sur vous, Antoine, mon bambin. J’ai fait rassembler tous les éléments du dossier, Ross va vous les remettre. En mon absence, vous vous installerez dans mon bureau. Ne protestez pas, San-Antonio : je l’exige !

CHAT CLOWN 3

Son burlingue, Chilou, je m’y sens aussi à l’aise qu’un saumon dans un tonneau de sciure. C’est pas mon style, ce genre de pompe. Et je déteste le parfum qui flotte dans l’air à la ronde ; le sien d’abord : « Cuir de Russie », plus celui de toutes les pétasses de luxe venues céans lui saccager la prostate.

J’y passe néanmoins une grande heure, téléphone décroché, à prendre connaissance du dossier. Quand je referme le porte-documents de toile noire, mon siège est fait. Il s’agit bel et mal d’une organisation de fachos en délire, guerriers en peau de zob et de carnaval libérant leurs fantasmes derrière une crapuleuse idéologie.

Mon confrère, le commissaire Chenu qui, jusque-là, menait l’enquête (il va m’adorer en apprenant que c’est Bibi le grand chef indien désormais !) a fait serrer plusieurs groupuscules d’illuminés fichés, mais ça n’a pas donné grand-chose. Ces têtes-de-nœuds, nonobstant leurs crânes rasibus, leurs fringues de cuir noir et les croix gammées ornant (si l’on peut parler d’ornement) leurs manches, sont davantage des braillards de meetinges que des hommes de main véritables. Ils simulacrent pour prendre leur pied. Ce sont les branlés du néo-nazisme.

Ayant survolé le problème, je décide d’attaquer par le commencement, à savoir l’assassinat après mutilation d’un jeune Maghrébin du nom de Bokono Al Esbrouf, tué dans un infâme studio alors qu’il besognait une shampouineuse métropolitaine. C’est cette fille qui a été chargée par les assassins d’annoncer au monde la divine naissance de « l’association France Propre » ! Quinze jours que le meurtre a eu lieu. La partenaire du défunt, une certaine Martine Vénérien, fortement traumatisée par cet assassinat perpétré sur son ventre, a dû passer plusieurs jours à l’hôpital. Interrogée, elle n’a pas appris grand-chose aux enquêteurs. Tout ce qu’elle a dit et répété, c’est le message dont les agresseurs l’ont chargée.

Ça va être elle, mon fil d’Ariane.

Je me pointe à son domicile (un petit pavillon de Chennevières) flanqué de Béru. Je pense que nous composons un tandem de flics efficaces, le Mastar et moi. Je joue le beau gosse intelligent, lui le gros sac à merde borné. Très complémentaires.

C’est la maman qui vient déponner. Tu dirais plutôt la grande sœur de la shampouineuse. Une boulotte de quarante carats, teinte en blond extrême, le regard angélique d’un bleu délavé. Elle porte un corsage imprimé bien rempli, une jupe trop remplie (le crochet de la taille a foiré) et des pantoufles de vair comme dans les contes de Perrault. Elle a les mains et les avant-bras chaussés de caoutchouc car elle était en train d’utiliser Vizir.