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Tandis qu’il parle et s’active, je vais prendre place sur le plan de travail auquel est accoudée « l’exiguë ». Elle arbore une grimace de suppliciée. Je suis tout contre elle, pas mateur, encore moins viceloque. Tu penses si les empaffades du Gros sont monnaie courante pour moi. Je suis blasé.

— Serrez les dents, conseillé-je, ce n’est qu’un mauvais moment à passer ; ensuite l’avenir vous appartiendra.

— Oh ! j’ai bien compris, admet la chère femme. Courageuse. Pour elle, cet adultère au débotté équivaut à une intervention chirurgicale.

Elle ajoute :

— Je me doutais bien qu’il faudrait y passer un jour ! Mon gynéco me répète tout le temps : « On dirait que vous êtes encore vierge, madame Vénérien. » Quand le commissaire, tout à l’heure, m’a montré son gros zizi, j’ai su que le moment était arrivé. Le destin sonnait à ma porte ! Ahouillle ! Arrêtez ! Non ! Non !

— Calmos, ma toute belle ! murmure Sa Majesté en caressant sa croupe. On marque un’ halte. Bougez pas qu’ sinon vous allez m’espulser l’guignol. Faut préservever l’terrain acquis, comprenez-vous-t-il ? J’ai idée qu’le plus gros est fait. Si vous pourriez mouiller un brin, on aurait pratiqu’ment gagné l’canard. Voudriez-vous-t-il qu’ j’vous fisse les bouts d’seins manière d’émoustiller vot’ frigounet ? Ou qu’ j’vous raconte des saloperies ?

Moi, afin de la dédolorer, je questionne :

— Chère madame, Martine vous a-t-elle entretenue du drame lorsque vous l’avez revue à l’hôpital ?

— Oui, mais elle « déparlait » déjà beaucoup.

— Que vous en a-t-elle dit ?

— Que l’homme qui dirigeait reviendrait pour la tuer ; elle en est toujours convaincue d’ailleurs… Aïe ! Faites très doucement, monsieur le commissaire ! Se peut-il que des hommes soient montés comme mon époux, et d’autres comme vous ?

— Des de mon calibre, y en a pas chouchouïe ! orgueillise le Mastar. C’t’un cas, dans not’ famille. M’sieur Félisque excepté, j’croive pas qu’éguesiste mieux su’ c’te planète. P’t’ête quéqu’ bougnes dans la forêt tropicale ; j’ai vu la photo d’un qui f’sait un nœud av’c son nœud. Moi, faire un nœud av’c mon nœud, j’y arriverais à condition d’pas goder, mais c’est tell’ment rarissime !

Sournoisement, il pousse encore son avantage. La maman de Martine s’en rend compte, ne dit mot, surprise agréablement de parvenir à encaisser ce nouveau passager sans défaillir. Le corps humain est résistant, il se prête à bien des combinaisons qui, à première vue, semblent irréalisables. Elle est presque fière d’être un mammifère élastique et courageux.

— Vous a-t-elle fait une description de cet homme qu’elle redoute tellement ? lui demandé-je.

— Oui, elle dit qu’il est grand ; qu’il a une grosse chaîne d’argent au cou qui passait par-dessous sa cagoule et une épaule plus haute que l’autre, sans toutefois être bossu.

— Elle vous a mentionné une araignée tatouée sur la main ?

— Non. Je… Oh ! là ! Oh ! la la ! Avvrrrrouiiii !

Elle tente de soustraire son michier à l’épieu qui s’y est planté, mais les mains puissantes du Gros le maintiennent.

— Tout beau. On y est, ma jolie ! dit-il d’un ton apaisant où perce (si je puis user de ce verbe en cet instant) une fierté de mâle. T’v’là grande fille, maint’ nant ! Une dame pour de vrai, qui va pouvoir se faire praliner la case trésor par des messieurs authentiques ! Ton avorton d’mari, quand c’est qu’y va t’niquer, y s’sentirera en perdition comme un espégologue lorsqu’a une montée d’eau dans la grotte ! Va falloir qu’y s’cramponnasse aux parois ! Ça y est, t’as tes aises ? J’peux piquer d’mes deux pour l’galop d’honneur ! Allons-y, Ninette ! La grande fantasia d’vant les tribunes !

Il est superbe dans ses déclenchements, Béru ! Un coup de reins unique au monde ! Une fougue de taureau ! Faut le voir caracoler du paf, l’artiste ! Lâcher les fesses de sa partenaire pour la soulever juste avec son membre, puis lui claquer les meules formidablement avec un mouvement de lavandière frappant son linge mouillé et tordu contre la pierre du lavoir. « Vlaing ! » ça fait. Je mens pas, écoute : « Vlainng ! » T’entends ? Peut-être même : « Vlaiiinnngg ! »

Elle crie encore, Solange (je l’appelle Solange parce qu’elle le mérite). Mais on peut déceler déjà du plaisir dans ses hurlements. Elle en est au point critique où la souffrance se mue en volupté. Elle prendra des bains de siège réparateurs par la suite, certes, s’oindra d’onguents appropriés, mais pour l’instant, elle doit aller au grand fade éblouissant, n’importe les dégâts. Elle n’a pas enduré ce martyre pour juste se faire écarquiller la moniche ! Faut la rentabiliser dare-dare, cette épreuve. Une bite pareille, dis ! Unique dans sa vie morose ! Avoir le privilège de l’encaisser jusqu’à sa garde sans en tirer la volupté inhérente, ce ne serait pas un crime, dans son genre ? Hein, réponds, fleur de nœud ?

Alors elle surmonte le mal pour accueillir le bien. Tout à l’heure elle aura de l’eau chaude et de la vaseline, autant qu’il lui en faudra, pour réparer du gland le réparable outrage, mais cette queue unique aura disparu et poursuivra son ardente carrière vers d’autres culs en friche. Le pied géant, c’est tout de suite ou jamais.

D’autant que le monstre est lâché ! Un déchaînement dantesque ! Une furia qui glace le sang. Il la tape à cent vingt coups minute, Solange, mon Béru. Lui compote le prose ! La défonce en plein !

La porte s’ouvre et une petite vieillarde montre son museau de fouine. Elle regarde, tarde à comprendre ce dont il est question. Elle m’interroge du menton, moi qui suis disponible et calme.

Je mets un doigt verticalement sur mes lèvres. Elle porte une mallette, un petit banc de bois.

Elle m’approche, trottant menu et chuchote à mon oreille :

— Qu’est-ce qui se passe ?

— C’est pour la caméra indiscrète, réponds-je.

Ça la comble, elle sourit.

— Elle est où est-ce, la caméra ?

— Vous voyez cette vue de Monaco, au mur ?

— Derrière ?

— Exact.

— Je vais être sur le film ?

— Si vous le souhaitez…

— Bien sûr. Ma voisine sera jalouse.

— Qui êtes-vous ? demandé-je.

— Mme Verpillère Alexandra, je fais pédicure. Mme Vénérien a des ongles en carnet, je venais pour la traiter : elle n’ose plus laisser sa fille seule depuis… Mais je ne sais pas si vous êtes au courant ?

— Vaguement.

Cette fois, la Solange vient de franchir le point de non-retour et c’est la lumineuse jouissance. L’éclatement sensoriel parmi les nébuleuses. Elle se met à couiner, pour commencer. Petit mammifère pris dans les mâchoires d’un piège. Et puis ça s’articule, se module. Ça se fait approbateur. Elle a des accents raisonnables dans son délire. Elle le constate. Elle dit :

— Ah ! mais que c’est bon on on ! Plus foooort ! Donne ! Tout ! Tou ou ou ou t !

Ensuite, elle perd la cohérence pour se réfugier dans les chères onomatopées secourables, compagnes vigoureuses de nos sentiments exacerbés, de nos sensations les plus fortes. Langage mystérieux de nos démesures.

Ça donne à peu près :

— Mrrrrouiiii ! Vhouâââou ! Eeeeehhhh !

Après l’onomatopée vient le simple son. Fusant, long : « Fffffffff ». Une lettre suffit. L’onomatopée est principalement composée de voyelles ; le son d’extase ne va jamais plus loin que deux consommes à l’extrême rigueur : « Plllll ! ».