Выбрать главу

— Merci, Jérémie, fais-je, je savais que tu étais courageux.

Bérurier, jalmince comme un pou, grongruche :

— Reste plus qu’à dénicher la femme blanche qu’acceptera d’ s’ maquer avec ce beau frisé !

— Ne t’inquiète pas pour ça, le remets-je en place, les beaux Noirpiots comme lui ont leur carnet de bal qui déborde et ils refusent du monde !

Il rengracie :

— C’est vrai qu’les gonzesses sont tell’ment salopes !

— Tu vas prendre Violette, décidé-je. C’est un de nos meilleurs éléments dans l’équipe et elle a le réchaud si incandescent que lorsque tu la driveras à l’hôtel, ce ne sera pas pour rien !

Il grisit de confusion.

— Si vous croyez que je pense à la bagatelle ! D’autant plus que c’est notre fouzi-foula à Ramadé et à moi !

— Ça consiste en quoi ?

— Nos quinze ans de mariage. On doit redoubler d’amour pour la circonstance et, pendant toute l’année, baiser au moins deux fois par jour : au coucher et au lever du soleil.

— Et quand la nature rend ta compagne indisponible ?

— En ce cas on la sodomise ; mais l’acte de chair est obligatoire !

— Si t’aurais b’soin d’un suppléant supplémentaire, fais-moi signe, ricane l’Ignominieux. J’déteste pas m’ faire un’ négresse, d’temps en temps. Elles baisent mal et elles ont la peau froide, mais leur gros cul est une vraie régalade pour l’homme qui raffole les formes.

— Y a combien de temps que tu n’as pas pris mon poing dans la gueule, Sac-à-merde ? demande M. Blanc.

Le Mammouth bondit :

— Sors dehors, qu’ j’t’ rent’ dedans, Mâchuré !

Là, le chef se doit d’intervenir :

— Ho, les gars ! C’est pas une réunion de boxe que je suis chargé d’organiser, mais une enquête classée urgentissime ! Alors, on se calme !

Le Mastar est sorti de son lit, pire qu’un torrent de montagne à la fonte des neiges. Y a des grosses veines violettes plein sa hure, du sang dans ses orbites, de l’écume aux commissures de ses lèvres.

— Urgentissime, ton enquête, Sana ? Urgentissime mon cul ! Moi, je les donne raison, de mett’ c’te racaillerie de melons et d’noirpiots au pas, les néonazis. Y viennent bouffer l’pain des Français et, n’en plus, y s’permettent de tirer leurs filles ! Du balai ! Retour à l’envoilieur ! C’est dans des wagons à bestiaux qu’j’les r’conduirerais en Afrique, ces macaques vérolés.

Là, il se contrôle plus, Sana. Je sais bien que l’Enflure balance n’importe quoi quand il est en rage, mais il y a des paroles que je ne puis supporter, même exprimées par ce porc demeuré.

Je me précipite et lui administre une mandale capable d’arracher la tête d’un sanglier. Il en titube, le Béru.

Je le biche par le colback et le traîne jusqu’à la lourde :

— Casse-toi, sagouin ! Et fais valoir tes droits à la retraite : je ne veux plus te voir !

Il est pantelant, tout soudain. Une chiffe, une loque, une breloque ! Il sait qu’il a dépassé la mesure et proféré de l’irrémédiable. Il est anéanti. Des larmes lui viennent.

— Ecoute, Sana, ma pensée a dépassé mes paroles. J’sus prêt à faire des escuses.

— Taille-toi, te dis-je : tu nous fais gerber !

Il opine, vaincu. Avant de franchir le seuil, il bredouille :

— Vous savez pas ? J’vous pisse à la raie !

Et il s’en va.

* * *

Il portait un loup de velours noir et un chapeau de feutre à large bord. Il faisait très Fantômas. Mais cela plaisait à ses « disciples ». Le mystère est une aristocratie pour les cons. Il parlait à une tribune étroite drapée d’un drapeau tricolore. De part et d’autre de celle-ci se trouvaient les lettres F et P découpées dans du contre-plaqué et également peintes aux trois couleurs. La sono grésillait un peu, ce qui l’agaçait. Ses dérapages dans l’aigu distrayaient fatalement l’auditoire.

Il déclarait :

— Notre action dûment préparée a commencé en fanfare. Nous faisons les gros titres des médias. Les métèques claquent des dents. Le gouvernement perd la tête. Je vous invite, compagnons, à redoubler de prudence car les forces policières sont aux aguets. Avant d’intervenir, lorsque vous avez jeté votre dévolu sur l’un de ces macaques, veillez à ce que la voie soit parfaitement dégagée. Protégez vos arrières. N’agissez qu’à coup sûr. Plus nous nous enfoncerons dans l’action, plus seront grandes les difficultés, mais dites-vous bien qu’il s’agit d’une croisade. La voix des tribuns de droite n’est qu’une foutaise qui n’abuse plus personne. Maintenant, si je puis m’exprimer ainsi : la parole est aux actes. Notre devise ? « Jusqu’au bout pour une France enfin propre ! »

Il y eut un tonnerre de vivats.

L’orateur reprit :

— Le moment est venu d’accentuer la pression. Il faut que chaque jour, un violeur de Blanches soit mis à mal. Bientôt, toutes les putes qui forniquent avec ces dégénérés, parce qu’ils passent pour avoir un sexe de fort calibre, n’oseront plus se laisser approcher par eux. Que les brigades d’observation établissent des dossiers très complets pour les brigades d’intervention ; et je vous le répète : c’est dans une préparation consciencieuse que réside le succès. Jusqu’à présent, nous n’avons à déplorer aucune perte dans nos rangs. Et savez-vous pourquoi, mes compagnons ? Parce que chaque opération a fait l’objet de soins méticuleux.

Il parlait d’une voix grave et vibrante qui remuait son public. Il savait faire passer un souffle d’épopée sur ce qui n’était que des crimes de sadiques.

Il ajouta que bientôt leur exemple serait suivi par tout le monde occidental.

Il termina en apothéose, prenant à partie la légèreté impardonnable des conquérants du siècle dernier qui avaient failli à leur tâche colonisatrice.

— Il fallait exterminer tous ces bougnoules ! fit-il en guise de péroraison. N’en conserver que quelques spécimens dans des réserves, à titre de curiosité ; mais au lieu de cela, on les a vaccinés ! Nous payons aujourd’hui l’inconséquence de nos pères.

« Heureusement, une aube nouvelle s’est levée. Le F.P. est né, qui crie « Halte-là « aux rastas séducteurs. Fourbissons nos armes, mes compagnons, afin de rendre la France à elle-même. Le dernier vers de la Marseillaise est devenu notre fière devise : “Qu’un sang impur abreuve nos sillons.” »

Il se tut.

Une sueur abondante coulait de sous son masque. Il épongea avec sa pochette le pourtour du loup de velours et vida sa carafe tandis que ses « disciples » l’acclamaient.

* * *

Le « tuyau » me parvint en début d’après-midi. Il émanait d’un jeune commissaire fraîchement « moulu de l’école », comme disait l’infâme Bérurier. Esprit rusé, le bougre s’était fait un look du tonnerre : cheveux presque à ras, vêtements de cuir, faux tatouages subversifs aux avant-bras, expression de cogneur, accessoires de « fouteur de merde sur voie publique », Jean-Paul Mizinsky traînait une frime à guérir les hoquets récalcitrants des vieux retraités, des mercières et des jeunes filles pubères.

Depuis le début de cette série d’attentats, il avait noué des relations dans les milieux extrémistes, vis-à-vis desquels Jean-Marie Le Clenche passe pour un gauchiste léniniste. Il vidait force bibines avec eux, effrayait en leur compagnie les petits-bourgeois de la banlieue ouest et épinglait volontiers sur le gilet de garçon de café lui tenant lieu de chemise, la croix gammée ainsi que d’autres décorations funèbres issues du IIIe Reich.