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— Tu sais que je tiendrai parole. Chaque maman qui mourra, chaque bébé, tu en porteras la responsabilité. Tout le monde saura que tu aurais pu l’empêcher. Et une fois que j’aurai lâché le morceau, je mettrai fin à tout ça. »

L’Étincelle jeta un regard alentour, glissa le pistolet dans la poche de son manteau, et recula d’un pas.

« Demain, à midi. Pas une minute de retard. »

Il s’éloigna rapidement parmi la foule animée. Si claire était sa vision de toutes choses qu’il lui semblait la goûter, frémissante sur ses papilles.

L’Étincelle ne s’était jamais senti aussi bien. L’Étincelle n’avait jamais brillé d’un tel éclat.

47

Le portable de Lennon sonna. Numéro masqué.

« Oui ?

— Rebonjour, Jack. »

Lennon s’assit sur le canapé couvert de plastique. Après avoir été libéré par Flanagan, il était revenu à l’appartement de Roscoe Patterson. Étrange sentiment, sachant que le propriétaire était mort. Même l’air à l’intérieur lui semblait différent, plus froid. À présent qu’il n’était plus poursuivi, Lennon pouvait de nouveau se servir de son portable. Il avait commencé par appeler Bernie McKenna. Messagerie.

Et maintenant, ça.

Il écouta un moment la respiration de l’Étincelle, puis demanda : « Qu’est-ce que vous voulez ?

— Parler, c’est tout. Je me suis trop laissé emporter par mes émotions cet après-midi. Je n’étais pas moi-même.

— Je ne pensais pas que tuer vous perturbait autant.

— Ça ne me perturbe pas du tout. » Lennon entendait le sourire dans sa voix. « Depuis le temps. Mais ça m’échauffe un peu les sangs. J’ai la tête qui tourne, comme dans les montagnes russes. Vous connaissez. Vous avez tué des gens. »

Lennon se fit violence pour répondre. « Oui. Mais je n’en ai tiré aucun plaisir. »

Un petit rire, presque enfantin. « Oh ! Jack. Voyez-vous, c’est ce que les gens comme vous ne comprennent pas. Je n’ai éprouvé aucun plaisir en tuant tous ces gens. Je n’ai jamais tué quiconque pour m’amuser.

— Pourquoi, alors ?

— Parce que c’était… nécessaire.

— Pardon ?

— Pour prendre à ces gens ce dont j’avais besoin, pour que le méchant puisse sortir, il était nécessaire de les tuer. C’était une partie de l’ensemble, mais jamais le but en soi. Vous comprenez ?

— Non. Et je ne comprendrai jamais.

— Évidemment. Mais ne vous inquiétez pas. Je serai bientôt parti. Vous n’aurez plus à y penser.

— Parti où ?

— Loin, où vous ne pourrez pas m’atteindre. Ni vous ni personne.

— Vous n’avez pas de passeport, dit Lennon. C’est trop difficile de fabriquer un faux maintenant. Vous ne pouvez pas quitter l’Irlande. Il ne vous reste que le Sud, de l’autre côté de la frontière. Combien de temps pensez-vous que vous réussirez à vous cacher là-bas ?

— Aussi longtemps qu’il le faudra.

— Et qu’arrivera-t-il quand vous voudrez tuer à nouveau ? Ou si vous commettez une erreur ? Vous n’êtes plus tout jeune. Combien de temps tiendrez-vous encore ?

— Aussi longtemps qu’il le faudra. Bref. Je dois vous laisser. Je voulais juste vous dire au revoir.

— Il se peut que vous me revoyiez. Plus tôt que vous ne le pensez.

— Oh ?

— Peut-être que l’étau se resserre.

— Et peut-être pas. Dans tous les cas, vous avez intérêt à bouger vite, sinon je serai parti. Au revoir, Jack. »

Clic.

Lennon jeta le téléphone sur la table basse. L’appareil tournoya sur lui-même, l’écran s’éteignit. Il pensa à Graham Carlisle, à Serena Flanagan, à Rea, qui n’avait pas mérité cette mort.

Il pensa à la main d’Ellen dans la sienne, à ses bras autour de son cou. Il tuerait pour la récupérer. Si c’était nécessaire.

48

Ida Carlisle mangeait un toast à la table de la cuisine, seule, dans la faible lumière qui filtrait par la porte d’entrée. Malgré l’épaisse couche de beurre, le pain lui paraissait sec et insipide, de la poussière sur sa langue.

Graham n’était pas rentré.

Pas plus d’une heure, avait-il dit. Bientôt onze heures, et il était toujours dehors quelque part, occupé à ses affaires. Combien de secrets dissimulait-il ? Combien de vies menait-il ? Une, au moins, qu’il ne méritait pas de vivre. De cela, elle était sûre.

Il avait emporté son pistolet. Elle avait entendu la lourde porte du coffre-fort qui se refermait dans leur chambre. Après son départ, ce soir, elle avait vérifié. L’arme ne s’y trouvait plus.

Ida était soulagée, en un sens. Plusieurs fois pendant la journée, elle était montée pour composer le code et prendre la boîte en plastique. Elle avait soulevé les fermoirs avec ses pouces, et il était là, niché dans la mousse, elle l’avait caressé de ses doigts, le ventre tordu par une terrible envie. Cet après-midi, pendant que Graham était en bas avec l’avocat, elle avait même sorti le pistolet de la boîte. Elle sentait encore son poids dans sa main.

Imagine… La balle lui perforant le crâne. Elle n’avait pas osé tirer sur lui, mais peut-être aurait-elle le courage de presser la détente contre elle-même.

Imagine. Graham et l’avocat entendant la détonation et se précipitant à l’étage. La découvrant, effondrée en travers du lit, son cerveau répandu sur la cotonnade égyptienne.

Imagine, imagine, imagine.

Et si Graham était parti avec l’arme dans un endroit sombre et désert, sous un pont ou derrière un entrepôt désaffecté ? S’il s’était garé, avait coupé le moteur, sorti le pistolet de la boîte à gants, approché le canon de sa bouche ? Peut-être même avait-il senti le goût de la graisse du pistolet sur ses lèvres avant que sa vie ne s’éteigne.

Imagine.

Elle sursauta au son du carillon. Sans bouger, elle retint sa respiration. Au fond du vestibule, à travers le verre dépoli de la porte d’entrée, elle distingua une silhouette.

À nouveau, le carillon. Ida posa le toast sur l’assiette, se leva, et s’approcha lentement de la porte.

« Qui est-ce ?

— Madame Carlisle… Inspecteur Flanagan. Ouvrez-moi, s’il vous plaît. »

Ida s’exécuta. Derrière le jardin, la rue semblait figée comme une photo. Elle ne sentit aucune brise, n’entendit aucun bruit.

La policière se tenait devant elle, seule, les yeux noyés dans l’ombre.

« Où est votre collègue ? demanda Ida.

— Il est tard. Je l’ai renvoyé chez lui.

— Est-ce qu’il a une famille ?

— Oui. Une amie et un petit garçon.

— Sans être marié ? Ah oui, c’est banal de nos jours. »

Flanagan sourit en manière d’acquiescement. « Je peux entrer ? »

Ida recula pour la laisser passer. Sans demander, Flanagan se dirigea vers la cuisine, alluma la lumière en entrant. Ida la suivit.

« Je vous ai interrompue pendant votre dîner ? » Flanagan montra le toast à moitié grignoté sur l’assiette.

« Pas vraiment. Je n’ai pas beaucoup d’appétit. Désirez-vous une tasse de thé ?

— Volontiers. » Flanagan s’assit à la table.

Ida bascula le bouton de la bouilloire encore chaude, qui ne mit pas longtemps à siffler. Elle attrapa une tasse dans le placard et un sachet dans la boîte à thé.

« En fait, c’est à votre mari que je voulais parler, dit Flanagan.

— Il n’est pas là.

— Il va rentrer bientôt, vous croyez ? »

Ida remplit la tasse d’eau brûlante. « Dans une heure, il a dit. Il n’était pas huit heures quand il est parti.