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En conformité avec la loi relative à la régulation des procédures d’investigation, Flanagan avait sollicité une autorisation d’intervention auprès de l’ACC à quatre heures du matin. L’équipe de neuf membres avait été envoyée depuis la base de Palace Barracks à Hollywood. La plupart des hommes n’étaient pas rasés. L’une des trois femmes terminait de se maquiller.

Flanagan s’installa pour présider en bout de table. Lennon s’assit à sa droite, face à Calvin de l’autre côté. Calvin hocha la tête. Lennon lui rendit son salut.

« Merci à tous d’être venus si vite, dit Flanagan. Je serai brève, nous n’avons pas beaucoup de temps. Depuis hier après-midi, nous avons un suspect crédible pour le meurtre de Rea Carlisle. Vous avez sûrement été avertis de l’affaire par les médias. »

Échange de regards et de murmures parmi les agents. Calvin se leva après avoir ouvert le dossier qu’il tenait sur les genoux. Il sortit une liasse de feuilles A4 et la passa à son voisin, qui en prit une et fit circuler le paquet.

Lennon reçut la dernière page. Une image d’aspect granuleux, le visage de l’Étincelle agrandi à partir de la photo que Rea lui avait donnée quatre jours plus tôt.

« Howard Monaghan, dit Flanagan. Cette photo date d’il y a trente-cinq ans. Monaghan est âgé d’une soixantaine d’années maintenant. J’ai la conviction qu’il a tué deux personnes récemment. L’une est Rea Carlisle, l’autre, Roger, dit “Roscoe”, Patterson, un criminel professionnel que certains d’entre vous doivent connaître. Il y a tout lieu de croire que Howard Monaghan a tué huit autres personnes dans les îles Britanniques depuis le début des années 1990. »

Encore une vague de chuchotements autour de la table.

« Silence, je vous prie… Hier soir, entre vingt-trois heures et vingt-trois heures quinze, je suis passée au domicile des parents de Rea dans l’espoir de parler à Mr Carlisle. Grâce à des informations apportées par l’inspecteur Lennon, j’ai découvert que Graham Carlisle et Howard Monaghan s’étaient connus durant leur jeunesse. Mr Carlisle était absent. À son retour, vers vingt-trois heures trente, il a eu une altercation avec sa femme, et avant que je puisse intervenir, elle l’a poignardé avec un couteau de cuisine. »

Des voix s’élevèrent, le niveau sonore monta d’un cran.

Lennon se taisait. Flanagan venait de tout lui raconter dans son bureau, les mains tremblant encore.

« Silence. »

Elle promena son regard autour de la table comme une maîtresse d’école.

« Mr Carlisle a été déclaré mort à son arrivée à l’hôpital Royal Victoria un peu après minuit, reprit-elle. Mrs Carlisle a été placée en détention. La presse n’est pas encore informée et rien ne doit sortir de cette pièce. Est-ce clair ? »

Chacun marqua son assentiment.

« Bien. Avant de perdre connaissance, Mr Carlisle a réussi à prononcer quelques mots, parmi lesquels “Victoria” et “demain”. Je suis convaincue qu’il était en contact avec Howard Monaghan et qu’il devait le retrouver aujourd’hui à Victoria Square. Je ne sais pas où, ni pourquoi, ni à quelle heure. Mais je crois qu’Howard Monaghan se montrera aujourd’hui. »

Elle regarda sa montre.

« Il est sept heures vingt. Le centre commercial ouvre à huit heures. Ce qui nous laisse quarante minutes. Nous agirons avec discrétion. Tout le monde en liaison radio, ce sera un réseau ouvert avec communications enregistrées, comme d’habitude. Donc, évitez les bavardages inutiles. Qui est votre opérateur ? »

Un homme mince aux cheveux bruns coupés en brosse leva la main et se présenta. « Sergent Beattie. »

Lennon le reconnut, à son grand regret. Il l’avait repéré dans les couloirs de l’hôpital quand il y avait séjourné après la fusillade. Beattie surveillait les allées et venues, et s’était trahi en feignant de parler dans son portable pour masquer une conversation radio, s’attirant ainsi l’attention que seul un autre flic pouvait lui porter.

« L’inspecteur Calvin vous accompagnera, dit Flanagan. Les gilets pare-balles sont obligatoires, mais ne les montrez pas. Un périmètre hors intervention a été instauré sur cinquante mètres autour de chaque sortie du centre commercial, donc il n’y aura pas d’autres véhicules de police. Nous nous répartirons par équipe de deux, une par niveau, y compris dans le parking souterrain. Toutes les entrées sont visibles depuis les étages, ainsi que les escalators. À nous tous, nous devrions réussir à couvrir la totalité de l’espace. »

Calvin demanda la parole. « Pourquoi ne pas utiliser la vidéosurveillance du centre ? La direction nous autoriserait sûrement l’accès à la salle de contrôle, et on profiterait de la centralisation des images… »

Un grognement désapprobateur parcourut la salle.

« Nous n’informons jamais personne d’une opération en cours, répondit Beattie. D’abord, parce que nous n’y sommes pas tenus. Mais surtout, parce que la direction mettra les équipes de sécurité au courant, et que les gars serreront les fesses toute la journée en attendant que l’opération se déclenche. Dès qu’il verra un garde transpirer à grosses gouttes, votre suspect prendra la tangente. »

Calvin hocha la tête et fixa la table devant lui, les joues écarlates.

Beattie continua à l’adresse de Flanagan : « Mais comment voulez-vous qu’on le reconnaisse, votre type ? Vous dites que cette photo date de trente ans. »

Flanagan se tourna vers Lennon. « Jack ? »

Lennon se leva avec effort, gardant une main sur le dossier de sa chaise. « J’ai vu Monaghan hier après-midi, de près. Il a les cheveux grisonnants, un début de calvitie, et le visage plus creusé, mais à part ça, il n’a pas trop changé. Il mesure environ un mètre soixante-dix, il est mince, vif, et très agile malgré son âge.

— L’inspecteur Lennon sera à mes côtés, il confirmera l’identité de Monaghan dès que l’un de vous l’apercevra, dit Flanagan. Nous nous tiendrons en retrait à l’étage supérieur pour que Monaghan ne voie pas l’inspecteur Lennon.

— Je croyais que Lennon était suspendu, fit observer Beattie. Il a tiré sur un collègue, me semble-t-il. »

Il avait parlé sans regarder Lennon.

« L’inspecteur Lennon n’interviendra pas durant l’interpellation, sa présence est requise uniquement pour identifier le suspect. Je me suis expliquée sur ce point avec l’ACC, et je compte sur l’entière coopération de tous les participants à cette opération. Est-ce clair, sergent Beattie ? »

Le policier confirma de la tête. « Oui. »

Flanagan avait raconté à Lennon sa conversation avec l’ACC. Ce dernier n’avait pas apprécié qu’on le réveille au milieu de la nuit pour l’entretenir d’un tueur fou qui déciderait peut-être de faire du shopping dans un centre commercial le lendemain matin. À contrecœur, il avait autorisé Flanagan à rassembler une petite équipe pour surveiller les lieux, mais rien de plus. Il n’allait pas gaspiller des ressources humaines sur la base de quelques mots chuchotés par un mourant, même si Graham Carlisle était un homme politique.

Aurait-elle eu un jour entier pour se préparer, au lieu de quelques heures, Lennon savait que Flanagan n’aurait pas obtenu davantage. Elle se débrouillait au mieux, avec des moyens insuffisants, et cela se voyait.

« Si vous le repérez, poursuivit-elle, signalez sa position exacte par radio mais restez à distance. L’inspecteur Lennon et moi nous approcherons aussi près que possible sans donner l’alerte. Une fois qu’il sera identifié, couvrez chacun une sortie. L’inspecteur Calvin et moi procéderons à l’arrestation. Nous devons agir aussi discrètement que possible, le surprendre, ne lui laisser aucune chance de s’enfuir. Des questions ? »