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— Qu’est-ce que tu apportes, dis-moi ? insista Ojsternig, menaçant.

— La confession… »

Ojsternig se mit à rire. « Moi je parie au contraire que tu apportes un message du ramasse-merde.

— Non, Votre Seigneurie ! s’exclama frère Timotej d’une voix blanche.

— Et moi je te dis que si, répondit Ojsternig avec un rire.

— Non, Votre Seigneurie, je vous assure, gémit frère Timotej. Je suis un homme d’Église et…

— Non ! tonna Ojsternig. En ce moment, tu es un rebelle ! » Il l’attrapa par sa soutane et le fit mettre à genoux. « Et ton habit ne te sauvera pas ! » Il se pencha sur lui.

« Votre Seigneurie… au nom de Dieu… geignait le frère.

— Je t’écoute, curé, susurra Ojsternig.

— Je n’ai… je n’apporte aucun message… croyez-moi… »

Ojsternig soupira. Il lui ôta son capuchon et lui caressa la tête. « Curé… curé…, dit-il d’un ton chagriné en hochant la tête, pourquoi mens-tu à ton prince ?

— Non… Votre Seigneurie… » Le visage du frère Timotej était contracté par la terreur.

Ojsternig se jeta sur lui. Il le saisit par l’oreille, tira son poignard et lui trancha net le lobe.

Frère Timotej poussa un cri pitoyable.

Ojsternig agitait sous son nez le lobe tranché. « Plus vite tu me diras ce que tu sais, curé, prononça-t-il d’une voix calme, moins tu souffriras.

— Je ne sais rien ! s’écria frère Timotej d’une voix aiguë. Je vous en supplie, au nom de Dieu !

— Comme tu veux », dit Ojsternig en se relevant et en jetant le lobe par terre. Il se tourna vers Agomar. « Appelle le bourreau. Dis-lui d’apporter ses instruments. » Et il alla s’asseoir sur une chaise, près de la cheminée éteinte, en lui tournant le dos.

Frère Timotej sanglotait. Le sang coulait de son oreille dans son cou, souillant la bure de sa soutane. Il prit son visage dans ses mains pour tenter de maîtriser ses hoquets de désespoir. Et quand il les baissa, sa peur ne l’avait pas abandonné mais une lumière nouvelle brillait dans son regard. « Dieu, donne-moi la force. » Serrant son crucifix, il leva les yeux au ciel et murmura : « Pater noster qui es in cælis, sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum, fiat volontas tua, sicut in cælo, et in terra… » Et peu à peu sa voix se raffermit.

Pendant que le prêtre priait, Ojsternig riait.

À la tombée de la nuit, trois rebelles envoyés en repérage par Mikael trouvèrent un garçon qui errait dans la forêt. Il prétendait avoir un message pour Mikael, de la part du frère Timotej.

Deux des hommes restèrent pour le surveiller, pendant que le troisième s’en allait informer Mikael.

Celui-ci arriva avec Manuel, accompagné de cinq rebelles qui s’éparpillèrent dans la forêt, prêts à donner l’alarme au cas où arriveraient des soldats.

Mikael regarda le garçon. « Qui tu es ?

— Je m’appelle Fredo et…

— Je ne t’ai pas demandé comment tu t’appelles mais qui tu es », le coupa Mikael, se souvenant que Volod, la première fois où ils s’étaient rencontrés, lui avait posé les mêmes questions. « Je ne te connais pas.

— Non, monsieur, répondit le garçon. Je suis le fils d’un bûcheron du prince. On est arrivés l’an dernier.

— Et tu as quel âge, Fredo ?

— Seize ans, messire. »

Mikael le fixa. Le même âge que lui lors de sa rencontre avec Volod. Une vie entière s’était écoulée depuis.

« Je vous apporte un message du frère Timotej », dit Fredo. Sa voix était assurée mais son regard bougeait sans cesse, avec nervosité.

« Tu as peur ? demanda Mikael.

— Non », répondit le garçon. Et de nouveau ses yeux se fixaient à droite et à gauche.

« Tu mens, dit Manuel. Qui t’envoie ? Regarde-moi ! »

Fredo s’efforça de ne plus bouger les yeux. « C’est frère Timotej qui m’envoie, je vous l’ai déjà dit.

— Et pourquoi n’est-il pas venu lui-même ? demanda Manuel.

— Parce qu’il y a des soldats partout, répondit Fredo en se fâchant presque. Depuis l’exécution, ils sont tous sur les dents.

— Ils contrôlent un curé mais pas toi ? dit Manuel, sceptique.

— Moi, je suis juste un garçon, répliqua Fredo en haussant les épaules. Et puis j’ai traversé l’Uque à gué. »

Tous regardèrent ses bottes. Elles étaient trempées.

« Ta tunique aussi devrait être trempée, continua Manuel.

— Je l’ai enlevée, je voulais pas crever de froid.

— T’as toujours réponse à tout, hein ? T’as bien appris ta leçon », dit Manuel.

Les yeux de Fredo se mouillèrent de larmes et les coins de ses lèvres s’abaissèrent, comme s’il allait pleurer. Un instant, il parut plus petit que son âge. Puis il devint écarlate. « Je dis la vérité ! s’écria-t-il en serrant les poings.

— Et moi, je te crois pas », rétorqua Manuel d’un ton dur. Mikael leva la main. « Laisse-le parler. »

Fredo restait la tête baissée, le souffle court.

« Vas-y », dit Mikael au garçon.

Fredo leva les yeux. « Frère Timotej dit qu’Eloisa est dans une chambre au premier étage. La deuxième porte à droite. Et qu’il y a deux soldats de garde, jour et nuit.

— Merci, Fredo. Et remercie aussi le frère Timotej, dit Mikael, considérant la conversation terminée.

— Je travaille pour le prince, messire, ajouta cependant Fredo. Je suis gâte-sauce et je connais bien le château. Si vous voulez connaître le meilleur chemin pour arriver au passage secret, je peux vous aider. »

Mikael le regarda en fronçant les sourcils. « Moi aussi je connais bien le château. » Il lui tourna le dos et remonta sur son cheval.

« Messire… », lança Fredo.

Mikael se retourna. « Frère Timotej dit que c’est très dangereux. Il vous supplie de renoncer…

— Rentre chez toi », dit Mikael en éperonnant son cheval. Pendant qu’ils rentraient au refuge, Manuel vint se placer aux côtés de Mikael. « Il me plaît pas, ce garçon.

— On a compris.

— Il ment, insista Manuel. Il a réponse à tout, les yeux fuyants…

— En tout cas, là où il a menti, c’est en disant qu’il n’avait pas peur. » Son regard se perdit dans le passé. « Moi aussi j’avais peur la première fois que j’ai rencontré le chef des rebelles. Et j’avais le même âge.

— Je me souviens très bien. J’étais là. » Manuel hocha la tête. « Mais t’étais pas pareil.

— Si, crois-moi, dit Mikael en souriant.

— Pas du tout, rétorqua Manuel d’un ton assuré.

— Arrête avec ça, répliqua Mikael. On a des nouvelles de Lucio ? Ça fait des jours qu’il a disparu. »

Manuel s’assombrit. « Aucune. Mais c’est pas son genre de s’enfuir.

— Non, c’est pas son genre.

— Donc il est…

— Donc c’est toi qui commanderas l’attaque du convoi, le coupa Mikael, qui ne voulait pas entendre parler de mort. Tu t’en sens capable ?

— Oui.

— Bien. La question est close. » Il posa la main sur l’épaule de Manuel. « J’avais dit d’envoyer un homme à Dravocnik parler avec les mineurs.

— Giacomo y est allé. Mais il dit qu’il a vu seulement la peur dans leurs yeux. »

Mikael acquiesça. « On ne peut pas leur en faire le reproche.

— C’est des lâches, dit Manuel, le regard noir. Nous, on se bat aussi pour eux…

— Ne perds pas espoir, Manuel. »