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— Ceux qui devaient nous aider. Fredo…

— Fredo ? l’interrompit Mikael.

— Oui, il a dit que… »

Mikael la fit taire et dégaina son épée. « Le salaud, grogna-t-il tout bas.

— Non, il est de notre côté », dit Eloisa comme pour s’en convaincre.

Mikael ne répondit pas. Son visage était contracté par la tension. Il avança jusqu’à l’angle qui donnait sur les cuisines. « Restez ici », dit-il à Eloisa et Agnete. L’épée à la main, il se pencha pour examiner la situation. « Je reviens tout de suite, ne bougez pas. » Il passa à toute vitesse devant les cuisines et descendit dans le sous-sol, craignant un guet-apens. Il mourrait seul, se disait-il. Sans mettre en péril Eloisa et Agnete. Heureusement, le sous-sol était désert, dans le même état d’abandon que le jour où il avait sauvé Emöke.

Il fit demi-tour en courant, un faible sourire d’espoir aux lèvres, et repassa l’angle. Les deux femmes n’y étaient plus. Son sang se glaça.

« On est là », dit la voix d’Eloisa.

Mikael se retourna. Elles s’étaient cachées derrière la porcherie. « Allons-y ! »

Elles le rejoignirent et le suivirent jusqu’à la trappe.

Mikael l’ouvrit et regarda au fond. Il n’avait pas de torche. Il aurait été impossible d’en apporter une. Mais Eloisa et lui connaissaient bien le chemin. Ils avanceraient à tâtons. « Allez-y, descendez », dit-il d’une voix tendue, tandis qu’il se plaçait devant la porte, prêt à les défendre. Personne ne vint. Mikael descendit après elles et referma la trappe derrière eux.

L’obscurité, maintenant, était totale.

Une fois en bas, il sentit toute la tension accumulée retomber comme une vieille couverture. « Eloisa, où tu es ? dit-il.

— Ici… »

Mikael tendit le bras et la sentit. Lentement il fit remonter sa main jusqu’à son visage et effleura ses lèvres.

« On s’en est sortis ? demanda Eloisa d’une toute petite voix.

— Oui, dit Mikael en la serrant avec toute la passion qu’il avait dû refouler pendant la fuite.

— On s’en est sortis ! dit Eloisa en riant. Mon amour…

— Mon amour ! »

Agnete toussota dans le noir.

Mikael et Eloisa éclatèrent de rire.

« Mère ! s’exclama Eloisa.

— Oui, ma fille…, soupira Agnete.

— Avançons », dit Mikael en riant. Il dénoua leur étreinte. « Faites attention où vous mettez les pieds, Agnete.

— Et toi, fais attention où tu mets les mains, marmonna-t-elle. Ceci dit, je ne suis pas trop d’humeur à plaisanter. Fais-nous sortir d’ici, mon garçon, et que Dieu te bénisse. »

Ils avancèrent prudemment sur une cinquantaine de verges puis Mikael les avertit : « Maintenant, baissez-vous et avancez à quatre pattes ». Il eut une indéfinissable sensation de malaise. « On y est presque, ajouta-t-il en se baissant.

— On ne devrait pas voir la lumière ? »

Mikael comprit alors pourquoi il éprouvait ce malaise. Eloisa avait raison. Il restait environ dix verges, et ils auraient dû voir un peu de lumière, si faible soit-elle. « On est presque à la tombée du jour… et la végétation est épaisse à l’entrée », dit-il sans réelle conviction. Il accéléra l’allure, égratignant ses mains et ses genoux sur le sol rocheux.

Soudain, sa tête heurta la pierre. Il s’arrêta. Le souffle coupé, il tâta la paroi. Partout des pierres. Et entre les pierres, du mortier encore frais.

« Ils ont muré la sortie… »

Il cogna des poings contre le mur, poussa, se lança dessus à coups d’épaule. À bout de souffle, il renonça.

Dans le boyau, chacun retenait sa respiration.

Il pensa aux rebelles qui les attendaient dans les bois. Ils ne les verraient pas sortir du passage. Et ils ne pourraient pas attaquer non plus car ils étaient trop peu nombreux.

« Qu’est-ce qu’on va faire ? finit par demander Eloisa en essayant de ne pas laisser transparaître dans sa voix la panique qui lui serrait la gorge.

— Reculez, dit Mikael. Nous sortirons par un autre endroit.

— Où ça ? demanda Agnete.

— Je ne sais pas, répondit sourdement Mikael. On trouvera bien un moyen. »

Ils rebroussèrent chemin. À une vingtaine de pas de l’échelle qui montait à la trappe, ils virent une lumière tremblotante.

Mikael passa devant les deux femmes et dégaina son épée. Il avança avec précaution.

La lumière provenait d’une torche, jetée là par terre.

Mikael s’en empara.

Au même instant, amplifié par l’écho du souterrain, résonna un rire spectral, inhumain.

Mikael leva la torche.

La lumière éclaira le visage d’Ojsternig encadré dans la trappe, les yeux plantés dans les siens.

Il fit un pas en arrière, la torche toujours levée.

« Dis-moi, ramasse-merde, lança Ojsternig, ça fait quoi de se retrouver fait comme un rat ? »

Mikael se sentit le sang lui monter à la tête. « Viens me chercher ! », cria-t-il avec fureur en brandissant son épée.

Ojsternig éclata de rire. « Non, ramasse-merde ! Je ne te laisserai pas mourir aussi facilement ! », hurla-t-il, une lueur folle dans les yeux. « Tu mourras là-dedans… lentement… de faim et de soif… », articula-t-il d’un ton cruel. Et à voix basse, sifflant comme un serpent : « Et tu verras ta femme mourir avant toi ».

76

« Laisse-les sortir, Ojsternig ! cria Mikael. Elles n’y sont pour rien !

— Tu as raison, ramasse-merde. Elles n’y sont pour rien, répondit Ojsternig d’une voix calme où vibrait un plaisir pervers. Elles mourront par ta faute.

— C’est une affaire entre toi et moi ! », continua Mikael, désespéré. Quand l’écho de son cri s’éteignit, Ojsternig murmura : « Oui… c’est une affaire entre toi et moi.

— Laisse-les libres ! » Mikael cogna avec fureur sur la pierre. Puis, dans un coup de folie, il monta les premiers barreaux de l’échelle. « Je vais sortir et tu me tueras, comme ça, on en aura terminé ! »

Eloisa gémit et s’accrocha à Agnete.

« Et tu les abandonneras là-dessous ? dit Ojsternig avec un rire moqueur. Tu les laisseras mourir seules, à côté de ton cadavre ? »

Mikael s’arrêta.

Ojsternig rit de nouveau. « Non, tu ne feras jamais ça. »

Mikael s’agenouilla sur un barreau. « Regarde-moi ! », lui cria-t-il.

Les yeux cruels d’Ojsternig le fixaient. « Que veux-tu ? Tu veux que je te supplie ? », dit Mikael, tremblant d’une fureur à peine contenue. Il lâcha son épée. « Regarde-moi, je te supplie de ne pas prendre la vie de deux innocentes. »

Ojsternig sourit. « C’est toi qui l’as prise, leur vie, susurra-t-il. Tu es le seul responsable de leur mort.

— Regarde-moi ! cria Mikael. C’est ça que tu veux ? Tu as gagné ! » Sa voix vibrait de colère. « Tu as gagné et moi je te supplie. Ça ne te suffit pas ? »

Ojsternig le fixa longuement. « Non, ça ne me suffit pas. Mais tu me supplieras encore… et encore… à mesure que tu les verras s’affaiblir. » Il sourit. « Laquelle mourra la première, à ton avis ? La vieille ou la jeune ?

— Salaud ! », hurla Mikael en reprenant son épée et en se lançant à l’attaque vers la trappe.

Ojsternig fit un bond en arrière et, en riant, frappa violemment de son épée celle de Mikael, dont la pointe venait d’apparaître par la trappe.

« Non, Mikael ! », s’écria Eloisa, d’un ton désespéré.