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Elle ressentit l’exaltation coutumière qui la saisissait toujours au moment de pénétrer dans l’édifice colossal. Personne ne connaissait cet endroit.

Le panneau sur la porte annonçait :

Smithsonian Museum Support Center

(SMSC)

Bien qu’il comptât une douzaine de musées sur le National Mail, le Smithsonian possédait une collection tellement gigantesque que seuls 2 pour cent des objets pouvaient être exposés à la fois. Il fallait bien stocker les 98 pour cent restants quelque part. Et ce « quelque part », c’était ici.

Comme on pouvait s’y attendre, les réserves du Smithsonian accueillaient un éventail d’articles d’une extravagante diversité – bouddhas géants, manuscrits anciens, fléchettes empoisonnées de Nouvelle-Guinée, poignards incrustés de pierres précieuses, ou encore un kayak fabriqué à partir de fanons de baleine. Les richesses naturelles qu’il recelait étaient tout aussi stupéfiantes : des squelettes de plésiosaures, une collection inestimable de météorites, un calmar géant et même une série de crânes d’éléphants rapportés d’un safari en Afrique par Théodore Roosevelt.

Ce n’était pourtant pas pour ces trésors que le secrétaire du Smithsonian, Peter Solomon, avait introduit sa sœur au SMSC trois ans auparavant. Il ne l’avait pas amenée là pour admirer ces merveilles scientifiques, mais bien pour en créer de nouvelles. Et c’était exactement ce que Katherine avait fait.

Dans les entrailles du complexe, dans ses recoins les plus sombres et reculés, se trouvait un petit laboratoire unique au monde. Les découvertes fondamentales de Katherine dans le domaine de la noétique allaient avoir des répercussions dans toutes les disciplines – physique, histoire, philosophie, religion.

Bientôt, tout va changer, se dit-elle.

En voyant Katherine, le garde dans le hall d’entrée s’empressa de cacher sa radio et d’arracher ses écouteurs.

— Madame Solomon ! fit-il avec un grand sourire.

— Combien pour les Redskins ?

L’homme rougit, penaud.

— Le match va commencer...

— Je ne dirai rien à personne, promis, dit-elle avec un clin d’œil.

Elle s’arrêta devant le détecteur de métaux et vida ses poches. Ôter la montre en or Cartier de son poignet s’accompagna comme souvent d’une pointe de tristesse. Sa mère la lui avait offerte pour son dix-huitième anniversaire. Dix années s’étaient écoulées depuis sa mort violente... dans les bras de Katherine.

— Alors, madame Solomon, quand allez-vous nous dire ce que vous mijotez là-derrière ? demanda le garde avec des airs de conspirateur.

— Un de ces jours, Kyle, mais pas ce soir.

— Allez, renchérit-il. Un labo secret dans un musée secret ? Ça doit être vraiment cool.

Bien mieux que cool, pensa Katherine en ramassant ses effets personnels. Ses recherches étaient tellement avancées que ça ne ressemblait même plus à de la science.

8.

Sur le pas de la porte, Robert Langdon examina le spectacle déroutant qui s’offrait à lui. Le Hall des statues était le même que dans son souvenir : une salle semi-circulaire qui rappelait les amphithéâtres grecs. Tout le long des belles parois courbes en grès et en stuc italien se dressaient des colonnes en brèche, entre lesquelles étaient exposées les statues grandeur nature de trente-huit figures éminentes de l’Histoire américaine. Une mosaïque saisissante de dalles en marbre noires et blanches recouvrait le sol.

Oui, rien n’avait changé depuis qu’il avait assisté à cette conférence.

À un détail près.

Ce soir, la salle était vide.

Pas de chaises. Pas d’invités. Pas de Peter Solomon. Juste une poignée de touristes en train de flâner qui n’avaient même pas remarqué son arrivée.

Peter a-t-il confondu avec la Rotonde ?

Langdon jeta un coup d’œil au couloir sud, qui menait à la grande coupole : là aussi, quelques touristes qui baguenaudaient.

Les derniers échos de la cloche s’étaient dissipés. Il était officiellement en retard.

Il s’empressa de rebrousser chemin et tomba sur un guide.

— Excusez-moi, je cherche la réception du Smithsonian. Savez-vous où ça se passe ?

— Je ne sais pas trop, monsieur, répondit l’homme, hésitant. Ça commence quand ?

— Maintenant !

Le guide secoua la tête.

— A ma connaissance, il n’y a aucune réception ce soir – pas ici, en tout cas.

Décontenancé, Langdon revint dans la salle des statues et se planta au milieu de la pièce, examinant les alentours.

Une plaisanterie de Peter ? Ça ne lui ressemblait pas.

Il sortit son portable ainsi que le fax qu’il avait reçu ce matin-là et composa le numéro de son ami.

À cause de la taille du bâtiment, il fallut quelques secondes pour que le téléphone réussisse à se connecter. La ligne se mit enfin à sonner.

Une voix à l’accent du Sud familier répondit.

— Bonjour, ici le bureau de Peter Solomon. Anthony, à votre service...

— Anthony ! fit Langdon avec soulagement. Heureusement que vous êtes encore là. C’est Robert Langdon. Je crois qu’il y a eu un malentendu au sujet de la réception. Je me trouve dans le Hall des statues, mais il n’y a personne. Le lieu a-t-il changé ?

— Pas que je sache, monsieur. Laissez-moi vérifier. (Au bout de quelques secondes, Anthony reprit :) Avez-vous confirmé le rendez-vous directement avec M. Solomon ?

— Non, fit Langdon, perplexe. Je l’ai confirmé avec vous ce matin même !

— Oui, je m’en souviens. (Il marqua une nouvelle pause.) Plutôt imprudent de votre part, vous ne trouvez pas ?

Langdon se mit aussitôt sur ses gardes.

— Je vous demande pardon ?

— Voyons... Vous recevez un fax vous priant de rappeler un certain numéro. Vous vous exécutez. Un parfait inconnu qui prétend être l’assistant de Peter Solomon vous répond. Ensuite, vous vous envolez pour Washington en jet privé sans vous poser de questions et, à destination, vous sautez dans une voiture qui vous attend. Est-ce exact ?

Langdon sentit un frisson glacé lui parcourir l’échiné.

— Qui êtes-vous, bon sang ? Où est Peter ?

— J’ai bien peur que M. Solomon ne soit pas au courant de votre présence à Washington. (L’accent du Sud disparut, remplacé par un murmure rauque et sifflant.) Si vous êtes ici, c’est par ma volonté, monsieur Langdon.

9.

Le téléphone collé contre l’oreille, fermement serré dans son poing, Langdon tournait en rond, nerveux.

— Mais enfin, qui êtes-vous ?

— Ne vous inquiétez pas, répondit l’étrange voix rauque. Je vous ai convoqué pour une raison bien précise.

— Convoqué ? s’étrangla Langdon. Kidnappé, oui !

— N’exagérons rien, rétorqua l’autre avec un calme déconcertant. Si je l’avais voulu, vous ne seriez pas sorti vivant de la Lincoln. Je vous assure que je suis animé des plus nobles intentions. Je désire simplement vous inviter quelque part.

Non merci, se dit Langdon.

Ses dernières péripéties en Europe lui avaient procuré une notoriété dont il se serait bien dispensé, lui attirant toutes sortes de cinglés – et celui-ci venait de dépasser les bornes.

— Écoutez, je n’ai pas la moindre idée de ce qui se trame ici, mais je vais raccrocher.

— Ce ne serait guère judicieux. Le temps vous est compté si vous voulez sauver l’âme de Peter Solomon.

Langdon retint son souffle.

— Qu’est-ce que vous avez dit ?

— Vous avez très bien entendu.

La manière dont l’homme avait prononcé le nom de Peter avait glacé les sangs de Langdon.