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Il avait alors parlé d’Albrecht Dürer et expliqué que le chiffrement de la première énigme était un indice pour résoudre la dernière.

Mal’akh connaissait évidemment les carrés magiques – les kameas, comme les appelaient les hermétistes. L’ancien texte De Occulta Philosophia décrivait, en détail, le pouvoir occulte de ces grilles, ainsi que la méthode pour tracer de puissants sigils à partir de ces tableaux. Et voilà que Langdon lui disait qu’un tel carré était la clé pour déchiffrer l’ultime secret de la pyramide.

— Il vous en faut un de huit par huit ! criait le professeur, dont seule la bouche émergeait du liquide qui montait. Les carrés magiques sont classés par « ordre » ! Un carré de trois par trois est un carré d’ordre trois ! Un carré de quatre par quatre, un ordre quatre. Il vous faut un carré d’ordre huit !

Le liquide était sur le point de recouvrir entièrement Langdon. Il avait pris une dernière inspiration et crié quelque chose à propos d’un franc-maçon célèbre, l’un des pères fondateurs de la nation – scientifique, kabbaliste, mathématicien, inventeur, et auteur du kamea magique qui portait aujourd’hui son nom.

Franklin.

Tout s’illumina.

Franklin Square... le carré de Franklin !

Et maintenant, Mal’akh, le cœur battant, lançait une recherche sur Internet. Devant les dizaines de résultats, il en ouvrit un au hasard :

LE CARRÉ DE FRANKLIN D’ORDRE HUIT

L’un des plus célèbres carrés magiques de l’histoire est le carré d’ordre huit créé en 1769 par le scientifique américain Benjamin Franklin – sa particularité étant que la constante magique est également restituée selon des « diagonales pliées ». L’attrait de Franklin pour cet art mystique a sans doute été nourri par les relations intimes qu’il entretenait avec des alchimistes et des hermétistes de renom, ainsi que par sa croyance en l’astrologie, que l’on retrouve dans les prédictions de l’Almanach du pauvre Richard.

Mal’akh examina le fameux tableau de Benjamin Franklin, un arrangement unique des nombres 1 à 64, dont la somme suivant chaque ligne, chaque colonne, et selon des « diagonales pliées » et autres combinaisons géométriques, donnait la même constante magique. Le carré de Franklin d’ordre huit.

Mal’akh sourit. Tremblant d’excitation, il saisit la pyramide de granité et la retourna pour examiner sa face intérieure.

Ces soixante-quatre symboles devaient être réorganisés, rangés dans un ordre différent, selon une séquence donnée par les nombres du carré magique de Franklin. Même s’il ne voyait pas comment cette grille chaotique de signes pouvait avoir un sens, il avait la foi, la foi dans la promesse des Mystères anciens.

Ordo ab chao.

Il prit une feuille de papier et traça rapidement un tableau de huit par huit. Puis il inscrivit un à un les symboles dans les cases, selon le rang donné par les nombres. Et, à son grand étonnement, la signification apparut.

L’ordre issu du chaos !

Il acheva de remplir la grille et contempla, incrédule, le résultat final. L’image avait pris forme. La grille désordonnée avait été transformée, réorganisée. Mal’akh ne comprenait pas encore la totalité du message, mais le sens général était clair. Il savait désormais où il devait se rendre.

La pyramide me montre le chemin !

La grille désignait l’un des hauts lieux du mysticisme. Et c’était précisément à cet endroit que Mal’akh rêvait de terminer sa quête.

Un signe du destin.

107.

La table de pierre était glacée dans le dos de Katherine Solomon.

Elle revoyait la mort de Robert. Des images atroces. Elle pensait à son frère... Avait-il péri lui aussi ? L’étrange couteau sur la desserte luisait d’une façon sinistre, augure du sort qui l’attendait.

Tout espoir était-il perdu ?

Curieusement, ses pensées se tournèrent vers ses recherches, vers la noétique et ses récentes découvertes. Tout avait été détruit, tout était parti en fumée ! Jamais elle ne pourrait faire connaître au monde tout ce qu’elle avait appris. Sa découverte la plus saisissante datait seulement de quelques mois, et cela pouvait modifier de manière absolue le regard que l’homme portait sur la mort. Et maintenant, elle se sentait si isolée... si seule...

Enfant, Katherine s’était beaucoup interrogée sur la vie après la mort. Est-ce que le Paradis existe ? Que se passe-t-il quand nous mourons ? Ses études scientifiques lui avaient rapidement ôté de la tête les notions fantaisistes de Paradis, d’Enfer ou d’au-delà. L’idée de « la vie après la mort » était une invention humaine, une chimère destinée à nous faire supporter notre nature mortelle.

C’est du moins ce que je croyais...

Un an plus tôt, Katherine et son frère avaient discuté d’un sujet hautement philosophique : la sempiternelle question de l’existence de l’âme. La conscience des hommes survivait-elle au trépas ? Pouvait-elle continuer à vivre à l’extérieur du corps ?

Cette « âme » à laquelle ils faisaient référence devait être une réalité, s’accordaient-ils à dire. Les philosophes de l’Antiquité étaient formels sur ce point et les enseignements bouddhistes, brahmaniques parlaient de la métempsychose – la migration de l’âme, après la mort, dans un autre corps. Pour les disciples de Platon, le corps était une prison de laquelle l’âme s’échappait. Quant aux stoïciens, ils appelaient l’âme apospasma tou theou, une particule de Dieu, et pensaient qu’elle était rappelée par le Très-Haut après la mort.

L’existence de l’âme humaine, précisait Katherine avec une certaine frustration, ne sera jamais scientifiquement établie. Prouver que la conscience survivait hors du corps revenait à espérer retrouver un nuage de fumée cent ans après sa dissolution dans l’air.

Leur discussion lui avait donné une curieuse idée. Son frère avait cité le Livre de la Genèse, où l’âme était décrite comme la Neshamah – une sorte d’« intelligence » spirituelle séparée du corps. Le mot « intelligence » laissait supposer l’existence de pensées. La science noétique présageait que les pensées avaient une masse. En toute logique, donc, l’âme devait avoir aussi une masse.

Et si je pesais l’âme humaine ?

L’idée paraissait impossible, pour ne pas dire absurde.

Trois jours plus tard, Katherine s’était réveillée brusquement en pleine nuit. Elle avait sauté dans ses vêtements et foncé au laboratoire, pour préparer une expérience qui lui semblait à la fois élémentaire et... très osée.

Dans le doute, elle avait décidé de ne rien dire à Peter tant qu’elle n’avait pas obtenu de résultats probants. Quatre mois plus tard, elle l’avait convié dans son laboratoire. Elle avait sorti de sa cachette un gros appareil monté sur roulettes.

— Je l’ai conçu et construit moi-même, déclara-t-elle. Devine ce que c’est ?

Peter contemplait l’étrange machine.

— Un incubateur ? suggéra-t-il.

Katherine secoua la tête en riant, même si ce n’était pas idiot, car l’appareil ressemblait effectivement à ces couveuses où l’on maintenait en vie les bébés prématurés. Mais vu sa taille, ç’aurait été une couveuse pour adultes. L’élément central était une grande capsule transparente et étanche, comme ces caissons d’hibernation qu’on voyait dans les films de science-fiction. Dessous, il y avait tout un appareillage électronique.

— Voyons si ceci te met sur la voie... Katherine alluma la machine ; des chiffres se mirent à danser sur un écran alphanumérique. Après quelques réglages, l’affichage se stabilisa.