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— Il faut que vous voyiez ça !

Elle suivit l’homme dans une petite pièce latérale – une pièce nue, à l’exception d’un tas de vêtements abandonnés au sol. Elle reconnut la veste et les chaussures de Langdon.

L’agent désigna, au bout de la pièce, une sorte de caisson en forme de cercueil.

Qu’est-ce que c’est ?

Inoue Sato vit que le conteneur était alimenté par un tuyau. S’approchant avec précaution, elle découvrit un volet sur le couvercle. Elle fit glisser le panneau et trouva un hublot.

Elle sursauta.

Derrière la vitre de Plexiglas, flottant entre deux eaux, elle avait vu le visage figé de Robert Langdon.

*

De la lumière !

Un soleil aveuglant venait de percer le néant. Des rayons déchiraient les ténèbres.

De la lumière, partout !

Brusquement, dans le halo blanc au-dessus de lui, Langdon aperçut une silhouette, un visage, brouillé et évanescent. Deux yeux qui le fixaient de l’autre côté du cosmos. Le visage était auréolé de lumière. Était-ce le visage de Dieu ?

*

Sato regardait par le hublot. Langdon savait-il ce qui lui était arrivé ? Sans doute pas. Après tout, la perte de repères était l’effet recherché.

Les caissons d’isolation sensorielle étaient connus depuis les années 1950 et demeuraient un système de relaxation prisé par les riches adeptes du New Age. La « flottaison »«, comme l’appelaient ses amateurs, offrait un retour transcendantal à la matrice originelle ; c’était une aide active à la méditation, car l’esprit se trouvait apaisé puisqu’on supprimait tous les stimuli extérieurs : lumière, sons, contact, et même l’effet de la gravité. Dans les caissons traditionnels, la personne flottait sur le dos dans une solution saline qui maintenait le corps au-dessus de l’eau, de sorte que l’utilisateur puisse respirer.

Ces dernières années, cependant, ces caissons avaient fait un bond technologique.

Les hydrocarbures perfluorés.

Cette nouvelle technique, connue sous le nom de « ventilation liquidienne », paraissait tellement contre-nature que peu de gens croyaient à son existence.

Un liquide respirable !

Les fluides respiratoires étaient une réalité depuis 1966, lorsque Leland C. Clark avait maintenu en vie une souris immergée pendant plusieurs heures dans une solution d’hydrocarbures perfluorés saturée en oxygène. En 1989, la respiration liquidienne a été connue du grand public grâce au film Abyss même si peu de spectateurs soupçonnaient qu’il s’agissait d’une technique existante.

La ventilation liquidienne était née de la recherche médicale pour aider les bébés prématurés à respirer, en couveuse, comme dans le ventre de leur mère. Les poumons humains, ayant connu l’environnement amniotique pendant neuf mois, n’étaient pas totalement étrangers au milieu liquide. Les hydrocarbures perfluorés étaient autrefois trop visqueux pour être utilisables par les bronches, mais récemment on avait mis au point des solutions respirables.

Le département Science & Technologie de la CIA – les « sorciers de Langley » comme on les surnommait – avait beaucoup travaillé sur ces liquides, pour le compte de l’armée. Les plongeurs d’élite de la Marine préféraient, pour leurs missions à grandes profondeurs, utiliser ces liquides, plutôt que les mélanges gazeux habituels, tels que l’héliox ou le trimix, car le risque de narcose était moindre. De la même manière, la NASA et l’US Air Force avaient découvert que les pilotes équipés de ces systèmes à ventilation liquidienne supportaient des accélérations beaucoup plus fortes, car le fluide répartissait mieux dans l’organisme les écarts de « g ».

Sato savait qu’il existait des « salons d’expériences extrêmes », où l’on pouvait essayer la respiration liquidienne dans des caissons qu’on appelait « machines de méditation ». L’hôte des lieux avait sans doute acheté cet exemplaire pour son usage personnel, mais la présence des serrures sur le couvercle prouvait que la machine avait été utilisée à des fins plus redoutables, copie conforme d’une torture à laquelle la CIA avait recours pour délier la langue des suspects les plus rétifs.

L’infâme technique de la « baignoire » était déjà terriblement efficace, car le sujet croyait réellement se noyer. Mais Sato avait eu vent de plusieurs opérations secrètes où le sujet avait été plongé dans un caisson d’isolation sensorielle pour accentuer cet « effet de noyade ». La victime, d’ailleurs, se noyait au sens propre du terme. Dans sa panique à l’idée de mourir, le sujet, d’ordinaire, ne remarquait pas que le liquide était respirable. Quand le fluide pénétrait dans ses poumons, il s’évanouissait de terreur et se réveillait plus tard, dans le nec plus ultra des cellules d’isolement.

Des paralysants et des produits hallucinogènes étaient mélangés au liquide oxygéné et le prisonnier était alors persuadé qu’il avait quitté son corps. Quand il commandait à ses membres de bouger, rien ne se passait. Cette « expérience de la mort » était terrifiante, mais l’impression d’une « seconde naissance » était plus déstabilisante encore – un traumatisme renforcé par des lumières vives, les sons assourdissants et les jets d’air froid. Après une série de noyades et de renaissances, le sujet était si désorienté qu’il ne savait plus s’il était mort ou vivant... Il était prêt alors à répondre à toutes les questions.

Inoue Sato ne pouvait attendre qu’une équipe médicale sorte Langdon du caisson. Chaque minute comptait.

Il me faut des réponses.

— Éteignez la lumière et allez me chercher des couvertures.

*

Le soleil aveuglant s’évanouit.

Le visage aussi.

Les ténèbres étaient revenues, mais Langdon entendait des murmures au loin, provenant des confins de l’espace. Des voix étouffées, des mots inintelligibles, des craquements aussi... Comme si l’univers s’écroulait sur lui-même.

Et soudain, le néant s’ouvrit en deux. Une faille dantesque, comme si l’espace se déchirait. Une brume grise s’insinua dans le trou.

Puis une vision de cauchemar.

Deux mains descendirent vers lui, attrapèrent son corps, et l’arrachèrent à son monde.

Non ! Il tenta de se débattre, mais il n’avait plus de bras... plus de poings. Dans un sursaut primal, il sentit son corps se souder à nouveau à son esprit. Sa chair était revenue, et des mains gigantesques le soulevaient. Non ! Par pitié !

Mais il était trop tard.

Les mains l’arrachèrent au caisson. Sa poitrine était en feu, ses poumons semblaient emplis de sable. Je ne peux pas respirer ! s’affola-t-il.

On le posa brusquement sur une surface dure, horriblement dure et glacée. Quelque chose heurtait sa poitrine comme un pilon, des secousses de plus en plus fortes. Pourquoi ? Il sentait toute sa chaleur s’écouler de lui.

Je veux retourner là-bas !

Il était un enfant arraché du ventre de sa mère.

Il conduisait, crachait du liquide. Des flammes dévoraient sa poitrine, sa gorge. Une douleur atroce. Des gens parlaient, tentant de chuchoter, sans comprendre qu’ils hurlaient. Sa vue était brouillée, il ne distinguait que des formes floues. Sa peau était raide et morte, comme du cuir, et sa poitrine semblait écrasée par un poids immense... La pression de l’air ! Je ne peux pas respirer !

Il cracha encore du liquide. Un nouveau spasme le déchira de l’intérieur et il inspira. L’air glacé s’engouffra dans ses poumons. Il était un nouveau-né venant de prendre sa première respiration à l’air libre. Ce monde n’était que douleur. Il voulait retourner dans le ventre chaud.