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*

Robert Langdon avait perdu la notion du temps. Il était à présent allongé sur le flanc, enveloppé dans des couvertures, sur quelque chose de dur – le sol ? Un visage familier flottait au-dessus de lui, mais la lumière merveilleuse s’en était allée. Les échos de psalmodies lointaines résonnaient encore en lui.

Verbum significatum... Verbum omnificum...

— Professeur Langdon, murmura quelqu’un. Savez-vous où vous vous trouvez ?

Langdon acquiesça, avant d’être pris d’une nouvelle quinte de toux.

Le pire... c’est qu’il commençait à comprendre...

113.

Emmitouflé dans les couvertures, les jambes vacillantes, Langdon contemplait le conteneur empli de liquide. Il avait récupéré son corps, mais cela n’avait rien d’agréable. Sa gorge et ses poumons étaient en feu. Le monde extérieur paraissait si... brutal.

Inoue Sato lui avait expliqué le principe du caisson d’isolation sensorielle... Si elle ne l’avait pas sorti de là, il serait mort d’inanition, ou pire encore. Peter avait dû subir le même sort. « Peter est dans l’entre-deux, lui avait dit le ravisseur. Il est au purgatoire... dans l’Hamêstagan. » Si Peter avait vécu plusieurs fois cette « renaissance », il était probable qu’il avait dit à son tortionnaire tout ce qu’il voulait savoir.

Sato lui fit signe de la suivre. Il marcha à petits pas dans un couloir, s’enfonçant plus profond dans ce repaire en sous-sol. Ils pénétrèrent dans une salle carrée, baignée d’une lumière étrange. En apercevant Katherine, Langdon poussa un soupir de soulagement, même si la scène était plutôt inquiétante.

Elle était allongée sur un autel de pierre. Des serviettes imprégnées de sang jonchaient le sol. Un agent de la CIA tenait une poche à perfusion au-dessus d’elle, le cathéter était relié à son bras.

Elle sanglotait.

— Katherine ? articula Langdon d’une voix rauque.

Elle tourna la tête et ouvrit de grands yeux.

— Robert ? Mais je vous ai cru mort.

Il s’approcha d’elle.

Son amie se redressa et s’assit sur la table, oubliant la perfusion à son bras et les objections de l’agent. Elle prit Langdon dans ses bras.

— Dieu soit loué ! fit-elle en l’embrassant à plusieurs reprises, le serrant fort contre elle comme si elle craignait de rêver. Je ne comprends pas... comment est-ce possible ?

Sato commença à lui parler de la ventilation liquidienne, mais Katherine ne l’écoutait pas. Elle continuait à étreindre Langdon de toutes ses forces.

— Robert... Peter est vivant !

Elle lui narra, d’une voix tremblante d’émotion, ses retrouvailles avec son frère. Elle lui décrivit son état, le fauteuil roulant, le couteau étrange, l’imminence d’un « sacrifice », et comment l’homme tatoué avait fait d’elle une clepsydre vivante pour forcer Peter à coopérer.

— Vous savez où ils sont partis ? bredouilla-t-il.

— Il a emmené Peter sur la montagne sacrée.

Langdon s’écarta et la regarda fixement.

— Il a dit qu’il avait déchiffré la grille sous la base, poursuivit-elle avec des larmes dans les yeux, et qu’il devait se rendre à la montagne sacrée.

— Professeur, demanda Sato, cela vous dit quelque chose ?

Langdon secoua la tête.

— Rien du tout. Mais s’il a eu l’information, nous pouvons l’avoir aussi...

C’est moi qui lui ai donné la clé ! songea-t-il amèrement.

— La pyramide n’est plus là, répliqua Sato. Nous avons cherché partout.

Langdon resta silencieux un moment, fermant les yeux dans l’espoir de se remémorer la grille de symboles. Cela avait été sa dernière image avant de se noyer. Et les traumatismes avaient tendance à enfouir les souvenirs au tréfonds de l’esprit. Il se rappelait certains signes, mais pas tous, loin s’en fallait.

— Je me souviens de quelques symboles, lança-t-il, mais il faudrait que je fasse une recherche sur Internet.

Sato sortit son BlackBerry.

— Faites une recherche pour « Carré de Franklin d’ordre huit ».

Sato lui lança un regard perplexe, mais elle pianota sur le petit clavier sans poser de questions.

Langdon avait encore la vue brouillée. Il découvrait à présent les détails de la pièce. La table de pierre où était étendue Katherine était maculée de sang ; le mur à sa droite était couvert de textes, de photographies, de cartes et de dessins, et un réseau complexe de lignes reliaient les divers éléments, comme autant de pièces d’un puzzle.

Qu’est-ce que c’est ? se demanda-t-il en s’approchant du mur, toujours emmitouflé dans les couvertures. C’était une collection réellement bizarre : des extraits de textes anciens, allant des traités de magie noire aux Évangiles, des symboles, des sigils, des articles portant sur la théorie du complot, des photos de Washington, prises par satellite, constellées de notes et de points d’interrogation. Sur une feuille était inscrite une longue liste de mots, dans diverses langues. Langdon y reconnut des termes sacrés de la franc-maçonnerie, des mots de magie ancienne, et d’autres provenant d’incantations.

C’était donc ça qu’il cherchait ?

Un seul mot ?

Si l’existence de la Pyramide maçonnique lui avait paru, jusqu’à présent, si improbable, c’était à cause de la nature même du secret qu’elle était censée garder : l’emplacement des Mystères anciens. L’endroit en question devait être un immense caveau empli de milliers d’ouvrages, provenant de bibliothèques mythiques aujourd’hui disparues... Impossible ! Un sanctuaire de cette taille ? se dit-il. Sous Washington ? Mais le souvenir de la conférence de Peter à la Phillips Exeter Academy, associé à cette liste de mots ésotériques, ouvrait une nouvelle piste...

Langdon ne croyait toujours pas que ces mots eussent un quelconque pouvoir surnaturel, mais l’homme tatoué, lui, en était persuadé. Son pouls s’accéléra quand il examina à nouveau les pièces du puzzle mural.

Il y avait un dénominateur commun, un thème récurrent.

Mon dieu, il cherchait le verbum significatum... Le « mot perdu » !

Langdon laissa cette idée prendre forme dans son esprit, se remémorant des passages de la conférence de Peter.

Voilà l’objet de sa quête : le mot perdu. Et il pensait qu’il était enterré quelque part à Washington...

— C’est ça que vous vouliez voir ? demanda Sato en lui montrant l’écran de son BlackBerry.

— Exactement, répondit Langdon en découvrant le carré numérique de huit par huit. Il me faut un stylo.

Sato lui en tendit un.

— Dépêchez-vous.

*

Dans son petit bureau en sous-sol, Nola Kaye examinait encore une fois le document que lui avait apporté son collègue de la Sécurité réseau.

Pourquoi le directeur de la CIA a-t-il un fichier sur des pyramides anciennes et des cachettes secrètes ?

Elle prit son téléphone et composa un numéro.

Inoue Sato décrocha immédiatement.

— Nola, j’allais justement vous appeler, fit-elle d’une voix tendue.

— J’ai du nouveau. Je ne sais pas trop comment ça s’articule avec le reste, mais j’ai découvert un document qui...

— Oubliez ça. On n’a plus le temps. On a raté la cible et j’ai toutes les raisons de croire qu’il va mettre sa menace à exécution.

Nola eut un frisson.

— La bonne nouvelle, c’est que nous savons exactement où il va, et la mauvaise, c’est qu’il a un ordinateur portable avec lui !

114.

À dix kilomètres de là, Mal’akh se garait sur un parking désert éclairé par la lune. Il étendit une couverture sur Peter Solomon et, poussant devant lui le fauteuil roulant, s’approcha du grand édifice. La construction avait exactement trente-trois colonnes extérieures, chacune mesurant précisément trente-trois pieds de haut. Le bâtiment était désert à cette heure, personne ne le verrait. Cela n’avait guère d’importance d’ailleurs. De loin, personne ne prêterait attention à un homme promenant un invalide.