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Langdon n’était pas d’humeur à entendre un nouveau laïus sur la sécurité nationale.

— Et moi, je suis le seul ici à pouvoir vous guider dans ce bâtiment et donc je...

— Baissez d’un ton, professeur ! Vous êtes un membre de mon équipe désormais, et j’attends de mes hommes une obéissance totale. Il est peut-être temps que je vous explique la gravité réelle de la situation.

Elle passa le bras sous son siège pour récupérer la mallette en titane. Elle l’ouvrit et alluma l’ordinateur qui se trouvait à l’intérieur. Le logo de la CIA s’afficha.

— Vous vous souvenez de cette perruque que l’on a trouvée tout à l’heure ?

— Oui.

— Il y avait une caméra à fibre optique cachée dans les cheveux.

— Une caméra ? Pour quoi faire ?

— Vous allez comprendre..., fit-elle en ouvrant un fichier.

PATIENTEZ SVP...

DÉCRYPTAGE EN COURS...

Une fenêtre vidéo s’ouvrit. Sato posa la mallette sur les genoux de Langdon, pour qu’il soit aux premières loges.

Une scène étrange apparut à l’écran.

Langdon sursauta.

On voyait un homme avec un bandeau sur les yeux. Une image sinistre. On eût dit un condamné qu’on menait au gibet – une corde autour du cou, la jambe gauche de son pantalon était relevée, ainsi que la manche droite de sa chemise, dont les pans étaient ouverts, laissant apparaître son torse nu.

Langdon écarquilla les yeux. Il avait lu suffisamment de livres sur les rituels maçonniques pour reconnaître celui-ci du premier coup d’œil.

La cérémonie d’initiation...

L’homme était très grand et musclé. Il avait la peau cuivrée et des cheveux blonds... La perruque ! Langdon reconnut immédiatement les traits de l’individu dont les tatouages étaient dissimulés par un épais fond de teint ! L’homme se tenait devant un grand miroir et filmait son reflet dans la glace.

Mais... pourquoi ?

L’écran devint noir.

Une nouvelle image apparut. Une petite pièce rectangulaire, faiblement éclairée. Le sol était dallé de carreaux noirs et blancs, formant un grand damier. Un autel de bois, flanqué de trois colonnes et décoré de bougies allumées, trônait au milieu.

Langdon sentit son ventre se nouer d’appréhension.

Avec le mouvement saccadé des prises de vue amateur, la caméra décrivit un panoramique pour montrer un groupe d’hommes au fond de la salle, qui observaient l’initié. Ils portaient tous la tenue maçonnique. Langdon ne pouvait distinguer leur visage dans la pénombre, mais il savait où se déroulait cette cérémonie.

Le décorum était traditionnel, le même que dans toutes les loges du monde, mais le fronton bleu roi au-dessus du fauteuil du maître était unique en son genre. Cette cérémonie se déroulait dans la plus ancienne loge de Washington : la loge Potomac n° 5 – berceau des pères fondateurs francs-maçons qui avaient posé les pierres angulaires de la Maison Blanche et du Capitole.

La loge était toujours active aujourd’hui.

Peter Solomon, en plus de diriger la Maison du Temple, était le Vénérable Maître de cette loge. C’était là qu’un franc-maçon commençait son voyage initiatique, en passant les trois degrés fondamentaux de la franc-maçonnerie.

— Mes frères, déclara la voix familière de Peter Solomon, au nom du Grand Architecte de l’univers, j’ouvre cette loge pour la cérémonie d’initiation du premier degré.

Il y eut un coup de maillet.

Langdon regarda, stupéfait, la suite où l’on voyait Peter Solomon accomplir le rituel, dont certains passages étaient particulièrement sinistres :

Il plaquait un couteau sur la poitrine nue du candidat, le menaçant de mort s’il révélait les « Mystères de la franc-maçonnerie », expliquant que les carreaux noirs et blancs du sol représentaient « les vivants et les morts », décrivant en détail le châtiment réservé au parjure – à savoir qu’il aurait la gorge tranchée, la langue arrachée et que son corps serait « enterré dans les sables de la mer ».

Je suis témoin de ça ?

Langdon n’en revenait pas. Les rites d’initiation maçonniques étaient restés secrets depuis des siècles. Les seules descriptions que l’on pouvait trouver provenaient d’une poignée de frères exclus de l’Ordre. Langdon avait lu ces documents, bien entendu, mais il n’avait jamais vu une initiation de ses propres yeux. Et la cérémonie était plutôt saisissante.

Surtout, présentée de cette façon...

Cette vidéo était mensongère, un montage dans la pure tradition anti-maçonnique, occultant les aspects les plus nobles de l’initiation pour ne montrer que le plus troublant. Si elle était diffusée sur le Net, elle allait faire le tour du monde. Les adeptes du complot judéo-maçonnique allaient se précipiter dessus comme des requins affamés. La franc-maçonnerie ainsi que Peter Solomon se retrouveraient emportés dans une tempête médiatique qui leur ferait beaucoup de mal, même si ce rituel était innocent et purement symbolique.

Curieusement, le Vénérable Maître citait, à un moment, un passage de la Bible qui faisait référence au sacrifice humain... « Tel Abraham offrant son fils unique Isaac en holocauste, pour montrer sa soumission à l’Être suprême. » Langdon songea à Peter. Cet hélicoptère ne pouvait-il avancer plus vite !

D’autres images s’affichèrent.

La même loge, une autre nuit. Un groupe de maçons plus nombreux. Peter Solomon se tenait dans son fauteuil de Vénérable Maître. C’était le passage au second degré, la cérémonie de réception. Un rituel plus intense. Le candidat était agenouillé devant l’autel, jurait de ne jamais révéler « les arts cachés de la franc-maçonnerie », demandait, s’il ne tenait pas sa parole, à avoir « son sein ouvert et son cœur, battant encore, jeté en offrande aux corbeaux ».

Le propre cœur de Langdon manqua de s’arrêter quand apparut la séquence suivante. Même lieu. Autre nuit. Une foule plus nombreuse encore. Un cercueil était dessiné sur le tapis de la loge.

Le troisième degré ! La cérémonie d’élévation.

Il assistait au rituel de la mort : le degré le plus difficile de la franc-maçonnerie, celui où l’initié devait affronter son propre trépas. Même si Langdon connaissait la teneur de ce rituel, y assister de visu lui causa un choc.

Il s’agit d’un meurtre...

À travers des images entrecoupées, la vidéo montrait, de façon subjective, le meurtre rituel de l’initié. Le novice recevait des coups sur la tête – simulés –, dont un avec un maillet maçonnique. Pendant ce temps, quelqu’un récitait, d’une voix lugubre, l’histoire du « fils de la veuve » : Hiram Abiff, l’architecte du temple de Salomon, qui avait préféré mourir plutôt que de révéler ses secrets.

L’assaut était mimé, bien sûr, mais l’image restait terrifiante. Après le coup fatal, l’initié, désormais « mort pour son ancien Moi », était porté dans son cercueil symbolique. On fermait ses paupières, croisait ses bras sur sa poitrine, comme on le fait pour un cadavre. Les frères francs-maçons se levaient et se mettaient en cercle autour du mort, pendant qu’un orgue entonnait une marche funèbre.

La scène macabre était profondément troublante.

Mais le pire restait à venir.

Grâce à la caméra cachée dans les cheveux de l’initié, on voyait tous les visages des maçons disposés en cercle autour de leur frère mort. Peter Solomon n’était pas la seule figure connue de l’assistance. L’un d’entre eux passait quasiment tous les jours à la télévision.

Il s’agissait d’un sénateur célèbre.

Seigneur...

Une nouvelle scène : dehors cette fois, la nuit... Les mêmes images saccadées apparaissaient sur l’écran. L’homme marchait dans une rue, ses mèches blondes dansant devant l’objectif. Un carrefour, une autre rue : la caméra pivotait vers la main, qui tenait un billet de un dollar. Gros plan sur le Grand Sceau, l’Œil qui voit tout, la Pyramide inachevée... Soudain, la caméra se redressait pour montrer une forme similaire à l’horizon, un gros bâtiment pyramidal, les faces triangulaires s’élevant vers un sommet tronqué.