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J’ai servi fidèlement mes maîtres, et ils vont m accueillir tel un dieu.

Solomon, pétrifié, ne pouvait détacher son regard du couteau dans sa main.

— Je le veux, insista Mal’akh. Je suis une offrande volontaire. C’est votre rôle. Vous allez me transformer, me libérer de mon corps. Si vous refusez, vous pouvez dire adieu à votre sœur et à vos frères maçons. Vous serez seul. (Il se tut et regarda son prisonnier avec un sourire.) Ce que je vous demande là, c’est finalement votre dernière punition.

Peter Solomon releva la tête.

— Vous tuer ? Une punition ? Vous croyez que je vais hésiter ? Vous avez assassiné mon fils. Ma mère. Tous les miens !

— Non ! cria Mal’akh avec une véhémence qui le surprit lui-même. C’est faux ! Ce n’est pas moi qui les ai tués, c’est vous ! C’est vous qui avez choisi d’abandonner Zachary dans sa geôle ! Et, à partir de là, la roue du destin s’est mise en branle ! C’est vous l’assassin, pas moi !

Plein de rage, Solomon serra le couteau dans sa main. Ses doigts pâlirent sur la poignée.

— Vous ne savez pas pourquoi j’ai laissé Zachary en prison. Vous ne savez rien !

— Au contraire, je sais tout ! J’étais là. Vous prétendiez que c’était pour son bien, pour l’aider. Et lui avoir demandé de choisir entre la sagesse et la richesse, c’était aussi pour son bien ? Et cet ultimatum où vous lui ordonniez de rejoindre la franc-maçonnerie, c’était pour son bien encore ? Quel père forcerait son fils à décider entre « sagesse ou richesse » ? Comment pouvait-il faire ce choix impossible ? Quel père laisserait son propre fils en prison au lieu de le ramener chez lui ?

Mal’akh s’accroupit devant le fauteuil roulant, et approcha son visage tatoué à quelques centimètres de celui de Solomon.

— Mais, plus important encore... Quel père pourrait avoir son fils sous les yeux, même après toutes ces années... et ne pas le reconnaître ?

Ces derniers mots résonnèrent dans la grande salle.

Puis le silence tomba.

Peter Solomon semblait avoir reçu une décharge électrique. Il ouvrait de grands yeux incrédules.

Oui, père, c’est moi !

Mal’akh attendait ce moment depuis si longtemps. Il pouvait enfin prendre sa revanche sur cet homme qui l’avait abandonné... le regarder dans les yeux et lui révéler cette vérité qu’il avait tue toutes ces années. Le moment était venu...

Il parla lentement, savourant l’instant, regardant chaque mot transpercer le cœur de Peter Solomon comme autant de flèches.

— Tu devrais être content. Le fils prodigue est revenu.

Peter Solomon était d’une pâleur cadavérique.

— Mon propre père a pris la décision de me laisser en prison. À cet instant, j’ai décidé que ce serait la dernière fois qu’il me rejetterait. Désormais, je ne serais plus son fils. Zachary Solomon avait cessé d’exister.

Deux larmes perlèrent dans les yeux du père. Mal’akh exultait. C’était sa plus belle récompense.

Peter Solomon regarda Mal’akh comme s’il le voyait pour la première fois.

— Tout ce que voulait le directeur de la prison, poursuivit Mal’akh, c’était de l’argent. Tu ne t’es jamais dit que mon argent était aussi tentant que le tien ? Le directeur se fichait de savoir d’où venaient les billets. Quand je lui ai proposé une somme rondelette, il a choisi un détenu de ma corpulence, l’a vêtu de mes vêtements, et l’a bastonné à mort pour qu’il soit méconnaissable. Sur les photos, dans le cercueil que tu as mis en terre, ce n’était pas moi, mais un inconnu.

À présent, le visage de Peter Solomon était encore plus pâle que celui d’un cadavre.

— Oh mon Dieu... Zachary...

— Je ne suis plus Zachary. Quand Zachary est sorti de prison, il était transformé.

Son physique d’adolescent, son visage enfantin, tout cela avait été gommé par les hormones de croissance et les stéroïdes. Même sa voix avait changé pour prendre ce timbre rauque et éraillé.

Zachary était devenu Andros.

Andros était devenu Mal’akh.

Et ce soir... Mal’akh allait connaître une nouvelle métamorphose, la plus importante de toutes.

*

Pendant ce temps, Katherine, à Kalorama Heights, se tenait devant le tiroir ouvert et contemplait son contenu : une collection de reliques, composée d’anciennes coupures de journaux et de photographies.

— Je ne comprends pas, murmura-t-elle. Ce dingue est obsédé par ma famille, mais je ne...

— Regardez encore, insista Bellamy en s’asseyant sur une chaise, trop ébranlé pour rester debout.

Katherine examina un à un les articles. Tous parlaient du clan Solomon : les succès de Peter, les recherches de Katherine, la mort tragique de sa mère Isabel, la vie de débauche de Zachary, son incarcération, puis sa mort atroce dans une prison turque.

Cette fascination pour sa famille frôlait le fanatisme, mais Katherine n’en comprenait pas encore les raisons.

Puis elle regarda les clichés. Sur le premier, on voyait Zachary au bord de la mer, une eau turquoise, une plage bordée de petites maisons blanches. La Grèce ? Le portrait devait dater de l’époque où Zachary sillonnait l’Europe, de défonce en défonce ; pourtant, il avait l’air en forme. Rien à voir avec les photos des paparazzi qui sortaient alors dans la presse à scandale. Ce n’était pas le jeune homme maigre et émacié qu’elle connaissait. Il paraissait plus musclé, plus mûr.

Troublée, elle regarda la date du tirage, tamponnée derrière.

C’est impossible !

Apparemment, cette photo avait été prise un an après la mort de Zachary en prison.

Katherine examina les autres clichés, fébrile. Sur tous, on voyait Zachary, de plus en plus vieux. Ils formaient une sorte de biographie en images, témoignant d’une lente métamorphose. Plus on avançait dans le temps, plus les transformations étaient saisissantes. Le corps de Zachary mutait, ses muscles enflaient, son visage se modifiait sous l’effet des stéroïdes. Son corps doublait en volume, et une férocité nouvelle brillait dans ses yeux.

Il est méconnaissable !

Cet homme n’avait plus rien de commun avec son neveu.

Quand elle découvrit un tirage sur lequel on le voyait avec le crâne rasé, Katherine se sentit défaillir. Puis elle vit son corps nu, orné de ses premiers tatouages.

Son cœur cessa de battre.

Oh non...

120.

— À droite ! lança Langdon dans la Lexus.

Simkins tourna dans la Rue S et traversa à toute vitesse un quartier résidentiel. Au carrefour de la 16e Rue, la silhouette de la Maison du Temple se dressait, aussi imposante qu’une montagne.

Simkins observa l’édifice. On eût dit le Panthéon de Rome surmonté d’une pyramide égyptienne. L’agent se prépara à prendre à droite pour se garer devant le bâtiment.

— Ne tournez pas. Allez tout droit !

Simkins obéit.

— Tournez sur la 15e Rue ! ordonna Langdon.

Simkins suivit les indications de son copilote. Quelques instants plus tard, il lui indiqua une allée, quasiment invisible, qui menait à l’arrière du temple. Simkins s’y engagea en trombe.

— Regardez ! s’exclama l’agent en montrant un véhicule sur le parking, près de l’entrée. Ils sont ici !

Simkins s’arrêta et coupa le moteur. Sans bruit, ils descendirent de voiture. L’agent contempla la grande construction.

— Vous dites que la loge est tout en haut ?

Langdon acquiesça.

— La partie tronquée au sommet est en fait une verrière.

— Il y a une verrière dans la loge ?

— Bien sûr, répondit Langdon ne comprenant pas l’étonnement de Simkins. Un oculus vers le ciel... juste au-dessus de l’autel.