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Katherine était perdue.

— Mais... Pourquoi n’y a-t-il pas plus de gens qui étudient ces textes ?

— Oh, ça va venir, répondit Peter, sibyllin.

— Comment ça ?

— Katherine, nous vivons une époque exceptionnelle. Un grand changement se profile à l’horizon. L’humanité se trouve à l’orée d’une nouvelle ère, elle va bientôt se retourner et reporter son attention sur la nature, sur la voie des Anciens. Sur les idées contenues dans des livres comme le Zohar, issus de toutes les cultures. La vérité exerce une force d’attraction puissante qui, tôt ou tard, ramène les gens vers elle. Le jour viendra où la science moderne se concentrera sur le savoir des Anciens. Et ce jour-là, l’humanité commencera à obtenir les réponses aux énigmes fondamentales qui lui échappent encore.

Katherine le soir même s’était plongée avec ferveur dans les ouvrages de son frère et avait rapidement compris qu’il avait raison. La science moderne ne « découvrait » rien, elle ne faisait que redécouvrir. L’être humain avait jadis entrevu la nature profonde de l’univers... avant d’abandonner. Et d’oublier.

La physique moderne peut nous le rappeler ! s’était-elle dit.

Katherine en avait fait sa mission : se servir des dernières technologies pour exhumer ce savoir perdu. Sa motivation dépassait largement le cadre de la recherche fondamentale. Elle était persuadée que le monde avait désespérément besoin de cette connaissance – maintenant plus que jamais.

Katherine Solomon vit la blouse blanche de son frère, accrochée à côté de la sienne au fond du laboratoire. Par réflexe, elle sortit son téléphone pour voir si elle avait des messages. Rien. « Cette chose que votre frère croit enfouie à Washington... Je sais comment la trouver. Parfois, lorsqu’une légende perdure pendant des siècles, il y a une bonne raison. »

— Non, dit-elle à voix haute. C’est impossible.

Parfois, une légende n’est rien d’autre que cela : une légende.

16.

Furieux, le chef de la police du Capitole repartit comme une tornade en direction de la Rotonde, fulminant contre l’échec de son équipe de sécurité. L’un de ses hommes venait de trouver une écharpe et un manteau de l’armée dans une alcôve près du portique est.

— Ce salaud est sorti tranquillement, les mains dans les poches !

Anderson avait déjà formé des équipes chargées de visionner les enregistrements des caméras extérieures, mais le suspect allait disparaître bien avant qu’ils trouvent quoi que ce soit.

En entrant dans la Rotonde pour évaluer les dégâts, il vit que ses hommes avaient géré au mieux la situation ; ils avaient bloqué les quatre accès de la manière la plus discrète à leur disposition : avec des cordons de velours, des panneaux « Salle temporairement fermée pour nettoyage » et un garde posté devant chaque entrée pour s’excuser auprès des touristes. Ils avaient rassemblé la dizaine de témoins sur le périmètre est de la Rotonde, et récupéraient téléphones et appareils photo ; la dernière chose dont Anderson avait besoin, c’était qu’un rigolo envoie une photo à CNN.

L’un des témoins, un homme de grande taille aux cheveux bruns avec une veste en tweed, semblait vouloir à tout prix s’éloigner du groupe et parler avec le chef. Il était en grande discussion avec l’un des policiers.

— Je m’occupe de lui dans une minute ! lança Anderson à ses hommes. Pour l’instant, emmenez-les tous dans le hall principal. Personne ne sort tant qu’on n’aura pas éclairci la situation.

Anderson porta son attention sur la main amputée, toujours au garde-à-vous au milieu de la salle. Pour l’amour du Ciel... En quinze ans de service au Capitole, il en avait vu de belles, mais rien de comparable à cela.

La police scientifique a intérêt à se remuer et à virer cette horreur d’ici.

En s’approchant, il vit que la main était plantée sur un socle en bois.

De la chair, des os et du bois : invisibles aux détecteurs de métaux.

Il y avait bien une chevalière en or, mais Anderson supposa que le suspect l’avait montrée au garde à son arrivée ou laissée sur la main sectionnée en faisant croire qu’il s’agissait de ses propres doigts.

Anderson s’accroupit pour examiner le membre amputé. Il appartenait probablement à un homme d’une soixantaine d’années. La bague s’ornait d’un sceau représentant un oiseau bicéphale et le numéro 33. Cela ne lui disait rien. En revanche, les petits tatouages sur la pointe du pouce et de l’index attirèrent son attention.

C’est quoi ce cirque ? se dit-il.

— Chef ?

L’un des gardes le rejoignit en toute hâte et lui tendit un téléphone.

— Un appel pour vous, ça vient du PC.

Anderson le regarda comme s’il avait perdu la raison.

— Vous ne voyez pas que je suis occupé ? gronda-t-il.

Le garde blêmit. Il couvrit le combiné d’une main et murmura :

— C’est la CIA.

Anderson marqua un temps d’arrêt. La CIA est déjà prévenue ?

— C’est leur Bureau de la sécurité, chef.

Anderson se raidit. Et merde ! Il jeta un coup d’œil hésitant au portable.

Dans le vaste océan des services de renseignements basés à Washington, le Bureau de la sécurité de la CIA était l’équivalent du triangle des Bermudes – une zone dangereuse et mystérieuse que ceux qui la connaissaient évitaient à tout prix. Investi d’un mandat en apparence autodestructeur, le Bureau avait été créé pour remplir une mission paradoxale : espionner la CIA elle-même. Telle une police des polices omnisciente, le Bureau surveillait tous les employés de la CIA à la recherche d’activités illicites : détournements de fonds, fuites d’informations, vols de technologies, recours à des méthodes de torture illégales – pour ne citer que quelques exemples.

Ils espionnent nos espions.

Ses agents avaient carte blanche pour toutes les questions relatives à la sécurité nationale ; son autorité connaissait peu de limites. Anderson ne comprenait pas pourquoi ils s’intéressaient à cette main, et encore moins comment ils avaient été au courant, si vite... Après tout, on racontait qu’ils avaient des yeux partout, qu’ils recevaient les images des caméras du Capitole en direct. Bien que ce type d’incident n’entre absolument pas dans leurs compétences, la coïncidence était trop grande pour que leur appel ne concerne pas cette main amputée.

— Chef ? répéta le policier en lui tendant le téléphone comme une patate brûlante. Vous devriez répondre immédiatement. C’est...

Il se tut et articula deux syllabes : SA-TO.

Anderson le dévisagea en plissant les yeux. C’est une blague ? Ses paumes devinrent moites.

Sato s’en occupe personnellement ?

Autorité suprême du Bureau de la sécurité, Sato était une légende dans la communauté du renseignement, en raison d’un caractère en acier trempé forgé en partie sur son lieu de naissance : le camp d’internement de Manzanar, en Californie, construit après Pearl Harbor pour y détenir les Japonais et les Américains d’origine japonaise. Sato n’avait jamais oublié les horreurs de la guerre, ni les dangers qu’engendraient des services de renseignements déficients ; ces souvenirs l’accompagnèrent tout au long de son ascension jusqu’à l’un des postes les plus secrets et influents dans son domaine. Sato se distinguait par un patriotisme intransigeant et une férocité terrifiante pour ceux qui se mettaient en travers de son chemin. Personnage de l’ombre rarement croisé mais universellement redouté, Sato hantait les eaux troubles de la CIA tel un Léviathan qui n’émergeait à la surface que pour dévorer sa proie.

Anderson se remémorait très précisément leur unique face-à-face. Se rappelant son regard noir et glacial, il s’estima heureux d’avoir cette conversation au téléphone.