*
Dans l’obscurité totale, Langdon percevait des vibrations, des sons étouffés. Des voix ? Il se mit à tambouriner sur les parois en hurlant à pleins poumons :
— Au secours ! Il y a quelqu’un ?
Loin, à peine audible, une voix répondit :
— Robert ! Oh mon Dieu ! Non !
C’était Katherine. Elle avait l’air terrifié. Mais la savoir tout près lui mit du baume au cœur. Il gonfla ses poumons pour l’appeler à nouveau, mais il s’arrêta net. Il y avait quelque chose sous son cou. Une sorte de courant d’air.
Comment est-ce possible ? Il s’immobilisa, tous les sens en alerte...
Oui, c’est bien ça !
Il sentait ses poils se hérisser sur sa nuque.
Par réflexe, Langdon fouilla à tâtons le fond de la caisse, à la recherche de la source d’air. C’était une minuscule buse ! On eût dit la bonde d’un évier ou d’une baignoire, sauf que de l’air s’en échappait.
Il m’envoie de quoi respirer ! Finalement, il ne veut pas me faire mourir d’asphyxie.
Mais sa joie fut de courte durée. Un gargouillis sinistre monta de la buse. Un liquide se déversait !
*
Katherine regarda avec effroi le liquide transparent descendre dans l’un des tuyaux en direction du conteneur où se trouvait Langdon. Elle avait l’impression d’assister à un tour de magie – une parodie sinistre.
Le fou allait remplir le caisson d’eau !
Elle tirait sur ses liens, ignorant la morsure du fil de fer. Totalement impuissante, elle ne pouvait qu’assister, horrifiée, à la mort de Langdon. Elle l’entendait cogner contre les parois avec l’énergie du désespoir, pendant que le réceptacle se remplissait. Soudain, les coups cessèrent. Un grand silence, pétri d’horreur. Puis, les tambourinements reprirent de plus belle.
— Sortez-le de là ! Je vous en supplie. Ne faites pas ça...
— La noyade est une mort horrible. (L’homme parlait calmement, en tournant à pas lents autour d’elle.) Votre assistante, Trish, en sait quelque chose.
Lorsque Katherine entendit ces paroles, son cerveau eut du mal à traiter l’information.
— Je vous rappelle que, moi-même, j’ai failli mourir noyé. Dans votre maison de Potomac. Votre frère m’a tiré dessus au bord du ravin, près du Pont de Zach, et je suis tombé dans la rivière gelée.
Katherine lui retourna un regard haineux.
— La nuit où vous avez tué ma mère !
— Les dieux m’ont protégé ce jour-là. Ils m’ont montré le chemin... le chemin pour devenir l’un d’eux.
*
L’eau qui gargouillait autour de Langdon était chaude... exactement à la température corporelle. Elle remplissait le caisson sur plus de vingt centimètres et recouvrait déjà son ventre. Quand il vit le liquide monter le long de sa cage thoracique, il comprit qu’il n’en avait plus pour longtemps.
C’est la fin.
Dans un nouvel accès de panique, il se remit à cogner aux parois.
101.
— Libérez-le, je vous en supplie ! implorait Katherine en larmes. Nous ferons tout ce que vous voudrez !
Elle entendait les coups de poing frénétiques de Langdon.
Le démon tatoué lui retourna un sourire.
— Vous êtes moins revêche que votre frère. Quand je pense à tout ce que j’ai dû lui faire subir pour lui arracher ses secrets...
— Où est-il ? Où est Peter ! Dites-le-moi ! Nous avons fait exactement ce que vous souhaitiez ! On a déchiffré la pyramide et...
— Non. Vous ne l’avez pas déchiffrée. Vous avez joué à un jeu dangereux. Vous avez fait de la rétention d’information et attiré les autorités chez moi ! Je ne vois pas en quoi ce comportement mérite la moindre récompense.
— On n’a pas eu le choix ! répliqua-t-elle, en ravalant ses sanglots. La CIA nous est tombée dessus, nous forçant à venir escortés. Je vais vous dire tout ce que je sais. Mais, par pitié, libérez Robert.
Katherine entendait Langdon crier et cogner dans le caisson, elle voyait l’eau couler dans le tuyau. Il fallait agir vite.
Devant elle, Mal’akh se frotta le menton d’un air pensif.
— Je suppose que des agents m’attendent à Franklin Square ?
Katherine ne répondit pas. L’homme, de ses grosses mains, saisit ses épaules et les tira lentement vers lui. La douleur fut fulgurante ; Katherine eut la sensation que ses bras allaient se disloquer.
— Oui, hurla-t-elle. Il y a des agents à Franklin Square !
Il tira encore plus fort.
— Quelle est l’adresse sur la coiffe ?
Le feu dans ses poignets et ses épaules était insupportable, mais Katherine resta silencieuse.
— Vous feriez mieux de me le dire, madame Solomon, ou je vous arrache les bras avant de vous reposer la question.
— Huit ! hoqueta-t-elle. C’est le mot manquant, « Huit » ! C’est écrit : Le secret est à l’intérieur de l’Ordre – Huit Franklin Square ! C’est la vérité, je vous le jure ! C’est tout ce que je sais. C’est Huit Franklin Square !
L’homme tirait toujours sur ses épaules.
— C’est tout ce que je sais, répéta-t-elle. C’est l’adresse ! Lâchez-moi. Et sortez Robert de ce caisson !
— Ce serait avec plaisir... Mais un problème subsiste. Je ne peux aller au Huit Franklin Square sans me faire prendre. Alors dites-moi... qu’y a-t-il à cette adresse ?
— Je n’en sais rien.
— Et les symboles sous la pyramide ? Sur sa face inférieure ? Vous savez ce qu’ils signifient ?
— Quels symboles ? fit Katherine, déconcertée. Il n’y a rien sous la pyramide. Rien du tout !
Apparemment sourd aux appels à l’aide de Langdon, l’homme tatoué ouvrit tranquillement le sac et sortit la pyramide de granité. Il la coucha à l’horizontale pour que Katherine puisse voir sa base.
En découvrant les symboles gravés, elle eut un hoquet de stupeur.
Mais... c’est impossible !
La face interne de la pyramide était couverte d’inscriptions.
Il n’y avait rien tout à l’heure ! J’en suis certaine !
Katherine ignorait, évidemment, leur signification. La collection de symboles semblait recouvrir toutes les traditions mystiques, dont beaucoup lui étaient inconnues.
Le chaos.
— Je... je ne sais pas ce que ça veut dire.
— Moi non plus. Par chance, nous avons un spécialiste parmi nous... Pourquoi ne pas lui poser la question.
Muni de la pyramide, l’homme tatoué se dirigea vers le caisson.
Pendant un instant, Katherine espéra qu’il ouvrirait le couvercle. Mais il s’assit sur le conteneur, et tira un petit volet, révélant un hublot de Plexiglas au sommet du caisson.
*
De la lumière !
Langdon cligna des paupières. À peine ses yeux se furent-ils acclimatés que son fol espoir s’éteignit, ne laissant place qu’à la perplexité. Une sorte de fenêtre s’était matérialisée au-dessus de lui ; derrière la vitre, il y avait un plafond blanc, éclairé par des tubes fluorescents.
Soudain, le visage tatoué du monstre apparut au hublot, le fixant de ses yeux perçants.
— Où est Katherine ? cria Langdon. Laissez-moi sortir !
— Votre amie est ici, avec moi, répondit l’homme avec un sourire. Vous pouvez lui sauver la vie. Et la vôtre aussi. Mais il va falloir faire vite. Alors je vous conseille de m’écouter attentivement.
Langdon avait du mal à l’entendre derrière la paroi de Plexiglas. Et l’eau montait toujours. A présent, elle lui recouvrait toute la poitrine.