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Je dois ici faire observer au chef d'orchestre que l'expérience m'a démontré que je me suis trompé en indiquant: «un poco meno sostenuto;» il est vrai que le grand mouvement précédent est assez lent au début surtout pour le premier solo du Hollandais; petit à petit jusqu'à la fin il s'anime involontairement mais de façon telle que forcément il doit de nouveau un peu ralentir, en rentrant en mi mineur, afin de donner au commencement du moins de cette phrase l'expression nécessaire, solennelle et calme. Cette phrase de quatre mesures doit même être retardée de manière que la quatrième mesure soit exécutée avec un grand «ritenuto». Le même cas se représente dans la première phrase chantée du Hollandais.

Sur la neuvième mesure et sur la dixième, pendant le solo de timbales, il s'approche encore de Senta d'un pas d'abord et de deux pas ensuite.

Pour la onzième et la douzième mesure, il s'agit de serrer un peu le mouvement afin d'arriver sur la phrase en la mineur «Dois-tu donner ta main, etc.» dans le vrai mouvement, toujours modéré, mais moins traînant, mouvement qui doit être maintenu par la suite sans être altéré. Dans le «piu animato:» «Quoi, pour toujours» le Hollandais trahit l'impression vivifiante qu'a faite sur lui la sincérité des premières paroles de Senta: il faut déjà qu'il chante cette phrase avec une grande émotion.

Mais l'exclamation passionnée de Senta: «De ses tourments qu'enfin je le délivre», le remue au plus profond de l'être. Plein d'étonnement et d'admiration, il est pris d'un tremblement, en disant à voix presque basse: Ô doux accents au sein de ma douleur.»

Dans le «molto piu animato», il n'est presque plus maître de lui; il chante avec feu et passion, et tombe à genoux en disant: «Qu'il vienne d'elle, ô Dieu puissant.»

Avec l'agitato en si mineur, il se relève par un mouvement violent: son amour pour Senta se fait sentir tout de suite dans la plus terrible angoisse qui l'étreint en songeant au sort auquel elle s'expose en lui tendant la main pour le sauver. Cette pensée entre dans son esprit comme un effrayant remords, et dans ce passage passionné où il dissuade Senta de compatir à sa destinée, il devient tout à fait un être humain véritable, tandis que jusqu'alors il ne faisait surtout, la plupart du temps, que l'horrible impression d'un fantôme.

Là encore l'acteur doit s'abandonner, en son attitude extérieure, à la passion la plus humaine. Comme anéanti, il se prosterne devant Senta, aux paroles «Fidélité ne brille en toi», de sorte que Senta, debout, le domine, sublime, pareille à un ange, tandis que par les paroles suivantes, elle lui donne l'assurance de ce qu'elle entend par «Fidélité».

Dans l'«allegro molto» qui suit, pendant la ritournelle le «Hollandais» se redresse tout debout avec une émotion solennelle et un transport grandiose: ses accents s'échauffent jusqu'au plus sublime chant de victoire.

Pour ce qui reste, il ne peut y avoir aucun malentendu: dans sa dernière entrée au troisième acte, tout est passion, douleur et désespoir.

Tout particulièrement je recommande de ne jamais élargir les récitatifs, mais de tout prendre au contraire dans le mouvement le plus vif, le plus serré.

Il serait difficile de rendre mal le rôle de Senta. Il suffit d'avertir l'interprète d'un point seulement: on ne doit pas concevoir cet être «rêveur» dans le sens d'une sentimentalité moderne, maladive! Bien au contraire, Senta est une jeune fille du Nord, tout à fait énergique, et même, sous son apparence de sentimentalité, elle est absolument naïve. Ce n'est précisément que sur une jeune fille tout à fait naïve, avec le caractère spécial de la nature du Nord, que les impressions telles que celles de la ballade du Vaisseau fantôme et du portrait du pâle marin pouvaient produire un attrait aussi miraculeusement puissant, tel que celui qui la pousse à la délivrance du Maudit. Cette impulsion se manifeste chez elle comme une puissante folie que seules les natures tout à fait naïves sont capables de ressentir. Il a été reconnu que des jeunes filles du Nord éprouvaient des émotions d'une telle puissance que la mort était instantanée par arrêt subit du coeur. Il en serait à peu près de même pour l'état maladif en apparence de la pâle Senta.

Érik non plus ne doit pas paraître un être larmoyant et sentimental; il est au contraire impétueux, véhément et sombre, tel que doit l'être un solitaire, surtout dans les hautes terres du Nord. Celui qui chanterait la cavatine du troisième acte d'une façon agréable, me rendrait un mauvais service, car elle ne doit respirer qu'une douloureuse mélancolie et une profonde tristesse. Tout ce qui pourrait justifier une fausse conception de ce morceau, par exemple le passage chanté en voix de tête et le point d'orgue final, doit être changé ou supprimé, je le demande avec instance.

Je prie encore l'acteur chargé du rôle de Daland, de ne pas tourner ce rôle au comique proprement dit. C'est une exacte manifestation de l'existence vulgaire, c'est un marin qui brave les tempêtes et les dangers par amour du gain; l'on ne doit pas du tout considérer, par exemple, comme immoral-bien que cela puisse paraître mériter ce nom-l'acte par lequel il vend sa fille à un homme riche. Il pense et agit, comme font bien d'autres, et sans supposer à cela le moindre mal.

RICHARD WAGNER.

PERSONNAGES

LE HOLLANDAIS MM. BOUVET.

DALAND, marin Norvégien BELHOMME.

ÉRIK, chasseur JÉROME.

LE PILOTE, de Daland CARBONNE.

SENTA, fille de Daland Mlle MARCY.

MARIE, nourrice de Senta Mme CARRÉ-DELORN.

L'action se passe en Norvège, au bord de la mer.

LE VAISSEAU FANTÔME

ACTE PREMIER

Le Théâtre représente un rivage bordé de rochers à pic.-La mer occupe une grande partie de la scène.-La vue s'étend au loin sur les flots.-Temps sombre.-Violent ouragan.

SCÈNE PREMIÈRE

LES MATELOTS NORVÉGIENS, DALAND, LE PILOTE.

(Le navire de Daland vient de jeter l'ancre près du rivage. Les Matelots travaillent bruyamment à carguer les voiles, à lancer des câbles.

Daland est à terre, il gravit un rocher et regarde autour de lui pour reconnaître la contrée.)

LES MATELOTS, travaillant.

Hiva! ho! hiva! ho!

DALAND, descendant du rocher.

Plus de doute. En ce jour, l'orage

Nous a poussés à sept milles du port.

Si près du but d'un long voyage,

Faut-il subir ce coup du sort?

LE PILOTE, criant du bord à travers ses mains.

Eh! capitaine! hé!...

DALAND.

Tout va-t-il bien à bord?

LE PILOTE.

Ici le fond est bon, tout va bien, capitaine.

DALAND.

C'est bien Sandwik! La chose est trop certaine!