Les FDC évitèrent les bombardements au hasard à large échelle des principales cités, puisque la mort gratuite des civils n’était pas le but. Le service de renseignement des FDC soupçonnait des pertes importantes en aval des barrages démolis, mais à cela on ne pouvait remédier. Les Whaidiens n’auraient jamais été en mesure d’empêcher les FDC de raser leurs villes principales, mais l’idée était qu’ils auraient assez de problèmes avec les maladies, la famine, l’agitation politique et sociale qui surviendraient inévitablement suite à la destruction de leur base industrielle et technologique. Par conséquent, s’acharner sur la population civile était considéré comme un acte inhumain et (détail tout aussi important pour les pontes des FDC) un usage inefficace des ressources. À part la capitale, visée strictement comme un exercice dans la guerre psychologique, aucune offensive au sol ne fut envisagée.
Non pas que les Whaidiens de la capitale parurent apprécier cette considération. Projectiles et rayons ricochèrent sur nos transports de troupes alors même que nous atterrissions. On aurait dit des grêlons et des œufs en train de frire sur la coque.
— Deux par deux, ordonna Viveros en appariant sa section. Personne n’agit tout seul. Consultez vos cartes et ne vous faites pas prendre. Perry, tu devras surveiller Bender. Tâche de l’empêcher de signer des traités de paix, s’il te plaît. Et, en prime, vous êtes tous les deux les premiers à franchir la porte. Du nerf et débarrassez-vous des francs-tireurs.
— Bender, dis-je en lui faisant signe de me rejoindre, règle ton MF sur roquette et suis-moi. Camouflage activé. Com Amicerveau uniquement.
La rampe du transporteur se déroula. Bender et moi sautâmes par le sas. Droit devant moi, à quarante mètres, s’élevait une sorte de sculpture abstraite. Je l’arrosai pendant que Bender et moi courions. L’art abstrait n’avait jamais été ma tasse de thé.
Je pris la direction d’un vaste bâtiment au nord-ouest de notre point d’atterrissage. Derrière la paroi en verre, dans le vestibule, j’avisai plusieurs Whaidiens tenant de longs objets dans leurs pattes. Je lançai deux missiles dans leur direction. Les missiles feraient éclater le verre. Ils ne tueraient probablement pas les Whaidiens, mais les distrairaient le temps que nous disparaissions. Je demandai à Bender par Amicerveau de réduire en miettes une fenêtre du premier étage. Il s’exécuta et nous nous élançâmes par cette fenêtre, atterrissant dans une sorte d’enfilade de minuscules bureaux. Hé, même les aliens doivent travailler. Mais aucun Whaidien vivant en vue, cela dit. J’imagine que la plupart avaient préféré rester à la maison ce jour-là. Ma foi, qui les en blâmerait ?
Bender et moi découvrîmes une rampe en colimaçon menant aux étages. Aucun Whaidien se trouvant dans le vestibule ne nous suivait. Je subodorais qu’ils étaient si occupés avec les autres soldats des FDC qu’ils nous avaient complètement oubliés. La rampe se terminait sur le toit. Je fis stopper Bender juste avant qu’on devienne visibles et rampai lentement pour découvrir trois Whaidiens sur le flanc du bâtiment, qui tiraient. J’en descendis deux et Bender le troisième.
Et maintenant ? (Bender.)
Viens avec moi. (Ma réponse.)
Le Whaidien type ressemble à un croisement entre un ours noir et un grand écureuil volant en colère. Ceux que nous avions abattus ressemblaient à de grands écureuils-ours volants en colère armés de fusils et l’arrière de leurs têtes arraché. Nous progressâmes en crabe le plus vite possible jusqu’au bord du toit. D’un geste, j’ordonnai à Bender de rejoindre l’un des tireurs morts. Je pris celui qui gisait à côté.
Glisse-toi dessous. (Mon ordre.)
Quoi ? (Bender.)
Je désignai les autres toits.
Autres Whaidiens sur ces toits. Camouflage le temps que je les élimine.
Je fais quoi ? (Bender.)
Surveille l’accès au toit et empêche-les de nous faire ce qu’on leur a fait. (Ma réponse.)
Bender grimaça puis se faufila sous le Whaidien mort. Je fis de même sous l’autre et le regrettai aussitôt. Je ne connaissais pas l’odeur d’un Whaidien vivant mais, mort, il pue atrocement. Bender changea de position et visa la porte. J’envoyai un message à Viveros, lui transmis une vue en plongée par Amicerveau puis entrepris de régler le compte des autres snipers sur les toits.
J’en liquidai six sur quatre toits différents avant qu’ils ne commencent à comprendre ce qui se passait. Finalement, j’en vis un braquer son arme vers mon toit. Je lui tirai le premier un pruneau dans le cerveau et demandai à Bender d’abandonner son cadavre et de dégager du toit. Cela nous prit quelques secondes avant que les roquettes ne fassent mouche.
En redescendant, nous tombâmes sur les Whaidiens que j’avais cru croiser en montant. Lesquels furent les plus surpris, nous ou eux ? La réponse à cette question fut donnée quand Bender et moi ouvrîmes le feu et fonçâmes trouver refuge au niveau le plus proche. Je lançai plusieurs grenades dans la rampe pour donner aux Whaidiens matière à réflexion pendant que nous détalions.
— Qu’est-ce qu’on fout maintenant ? hurla Bender.
Amicerveau, gros con ! (Moi, en contournant un angle.) Tu vas nous trahir.
Je m’approchai d’une baie vitrée pour regarder dehors. Nous étions au moins à trente mètres de haut. Impossible de sauter, même avec nos corps améliorés.
Les voilà. (Bender.)
Derrière nous retentissait un tintamarre que je soupçonnais émaner de Whaidiens fous de rage.
On se planque. (Moi.)
Je pointai mon MF sur le mur vitré le plus proche et fis feu. Le verre s’étoila mais ne se cassa pas. Je saisis ce qui était sans doute un fauteuil whaidien et le jetai sur la baie vitrée. Puis je disparus dans le bureau rejoindre Bender.
Nom de nom ! (Bender.) Maintenant ils vont se ruer droit sur nous.
Attends (Moi.) Ne bouge pas. Sois prêt à tirer quand je te le dirai. Automatique.
Quatre Whaidiens surgirent de l’angle et s’avancèrent prudemment vers le panneau de verre brisé. Je les entendis gargouiller entre eux. J’ouvris le circuit de traduction.
— … Sortis par le trou dans le mur, disait l’un alors qu’ils approchaient.
— Impossible, répondit l’autre. C’est trop haut. C’est la mort assurée.
— Je les ai vus sauter sur de grandes distances. Peut-être ont-ils survécu.
— Même ces [intraduisible] ne peuvent tomber de 13o deg [unité de mesure] et vivre, dit le troisième en rejoignant ses compagnons. Ces [intraduisible] mangeurs de [intraduisible] sont encore ici je ne sais où.
— Tu as vu [intraduisible ; sans doute un nom personnel] sur la rampe ? Ces [intraduisible] [l’]ont pulvérisé avec leurs grenades, dit le quatrième.
— Nous sommes montés par la même rampe que toi, reprit le troisième. Bien sûr que nous [l’]avons vu. Maintenant silence et on fouille le secteur. S’ils sont ici, nous nous vengerons sans merci de ces [intraduisible] et le célébrerons pendant le service.
Le quatrième rejoignit le troisième et tendit vers lui une grande patte comme en signe de commisération. Les quatre se tenaient opportunément devant le trou béant dans le mur.
Maintenant. (Moi, en ouvrant le feu.)
Les Whaidiens tressautèrent comme des marionnettes pendant quelques secondes, puis basculèrent dans le vide à l’instant où la force de l’impact des projectiles les propulsait contre le mur qui n’existait plus. Bender et moi attendîmes quelques secondes puis nous repliâmes discrètement sur la rampe. Elle était déserte, excepté les restes de [intraduisible ; sans doute un nom personnel] qui dégageaient une puanteur pire que ses compatriotes snipers morts sur le toit. Jusqu’à présent, l’expérience du monde natal des Whaidiens s’était réduite à un réel feu d’artifice nasal. Nous redescendîmes au premier étage et repartîmes par où nous étions venus, passant à côté des quatre Whaidiens que nous avions jetés par la fenêtre.