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— Non. Mais fort peu, apparemment.

— Moins d’une centaine, y compris les sept du Modesto, précisa Newman.

— Et savez-vous combien ont atteint la surface de Corail ? demanda Javna.

— D’après ce que j’ai entendu, la mienne uniquement.

— C’est exact.

— Et alors ?

— Et alors, reprit Newman, il semble que vous ayez eu une très grande chance d’ordonner la démolition des portes juste à temps pour faire sortir votre navette juste à temps pour atterrir vivant.

Je fixai Newman d’un air déconcerté.

— Me soupçonnez-vous de quelque chose, mon colonel ?

— Reconnaissez qu’il y a là une série intéressante de coïncidences, dit Javna.

— Absolument pas, rétorquai-je. J’ai donné l’ordre après que le Modesto eut été frappé. Mon pilote avait la formation et la présence d’esprit suffisantes pour nous amener assez près du sol de Corail afin que je sois en mesure de survivre. Et si vous vous en souvenez, j’y ai réussi de justesse : mon corps a raclé une zone de la taille de Rhode Island. L’unique « chance » que j’ai eue, c’est qu’on m’ait retrouvé avant ma mort. Tout le reste relève de la capacité ou de l’intelligence, que ce soit la mienne ou celle du pilote. Excusez-moi si nous avons été bien formés, mon colonel.

Javna et Newman échangèrent un regard.

— Nous nous contentons de suivre toutes les pistes, répondit Newman d’un ton doucereux.

— Seigneur ! Réfléchissez. Si j’avais réellement eu l’intention de trahir les FDC et de survivre, j’aurais probablement tenté de le faire sans devoir y laisser ma mâchoire.

Je pensais que, vu mon état, je pouvais m’en prendre à un officier supérieur sans subir de conséquences. J’avais raison.

— Continuons, dit Newman.

— Certainement.

— Vous avez signalé avoir vu un croiseur de combat rraey tirer sur un FDC alors qu’il sautait dans l’espace de Corail.

— Exact.

— Il est intéressant que vous ayez réussi à le voir, avança Javna.

Je lâchai un soupir.

— Allez-vous recommencer pendant tout l’entretien ? Nous avancerions beaucoup plus vite si vous ne cherchiez pas sans arrêt à me faire admettre que je suis un espion.

— Caporal, revenons à l’attaque de missiles, fit Newman. Est-ce que vous vous rappelez si les missiles ont été lancés avant ou après que le vaisseau FDC a sauté dans l’espace de Corail ?

— À mon avis, juste avant. Du moins, c’est ce qu’il m’a semblé. Ils savaient quand et où le vaisseau allait surgir.

— D’après vous, comment est-ce possible ? s’enquit Javna.

— Je n’en sais rien. J’ignorais même comment la propulsion de saut fonctionne une journée avant l’opération. Sachant ce que je sais, il semble qu’il n’existe aucun moyen de prévoir l’arrivée d’un vaisseau.

— Que voulez-vous dire par « sachant ce que je sais » ? demanda Newman.

— Alan, un autre chef d’escadron (je préférais ne pas leur dire qu’il était un ami parce que je présumais qu’ils trouveraient ça suspect), a expliqué que la propulsion de saut opère en transférant un vaisseau dans un nouvel univers semblable en tout point à celui qu’il vient de quitter, et que son apparition comme sa disparition sont tout à fait imprévisibles. Si c’est le cas, j’en déduis que nul n’est capable de savoir quand et où un vaisseau apparaîtra. Il apparaît, c’est tout.

— Alors que s’est-il passé sur Corail, d’après vous ? demanda Javna.

— Que voulez-vous dire ?

— Vous venez d’affirmer qu’il n’existe aucun moyen de savoir où un vaisseau saute, répondit Javna. L’unique raison qui explique cette embuscade est donc que quelqu’un a renseigné les Rraeys.

— Encore ! Voyons, même si vous présumez l’existence d’un traître, comment a-t-il fait ? Même s’il avait réussi je ne sais comment à prévenir les Rraeys de l’arrivée d’une flotte, il est impossible qu’il ait su où chaque vaisseau allait apparaître dans l’espace de Corail. Les Rraeys nous attendaient, n’oubliez pas. Ils nous ont attaqués pendant que nous émergions du saut.

— Alors, encore une fois, dit Javna, d’après vous, que s’est-il passé ?

Je haussai les épaules.

— Peut-être que le saut n’est pas aussi imprévisible que nous le pensons, avançai-je.

— Ne te mets pas martel en tête à cause des interrogatoires, dit Harry en me tendant un verre de jus de fruit qu’il s’était procuré au réfectoire du centre médical. À nous aussi, ils nous ont seriné que notre survie était suspecte.

— Comment as-tu réagi ?

— Diable, j’étais d’accord avec eux. C’est foutrement suspect. Le plus drôle, c’est qu’à mon avis ils n’ont pas apprécié davantage cette réponse. Mais, en fin de compte, tu ne peux pas les blâmer. Les colonies viennent d’avoir l’herbe coupée sous les pieds. Si nous ne trouvons pas ce qui s’est passé sur Corail, nous sommes dans la panade.

— Ma foi, c’est là un point de vue intéressant. Quel est ton avis sur ce qui s’est passé ?

— Je n’en sais rien, répondit Harry. Peut-être que le saut n’est pas aussi imprévisible que nous le pensons. Il but une gorgée de jus de fruit.

— C’est drôle, j’ai dit la même chose.

— Oui, mais, moi, je le pense. Je n’ai pas la formation scientifique d’Alan, Dieu ait son âme, mais tout le modèle théorique sur lequel repose notre compréhension du saut doit être faux quelque part. Il est évident que les Rraeys avaient le moyen de prédire avec une très grande précision où nos vaisseaux allaient sauter. Comment ?

— En principe, on n’en est pas capable.

— Tout à fait exact. Mais eux l’ont fait. Donc il est évident que notre modèle de fonctionnement du saut est erroné. Quand l’observation prouve qu’une théorie est fausse, on la jette à la corbeille. La question est maintenant la suivante : que s’est-il réellement passé ?

— Des idées à ce sujet ?

— Deux-trois, mais ce n’est pas vraiment mon domaine, répondit Harry. Je n’ai pas le niveau nécessaire en maths.

J’éclatai de rire.

— Tu sais, Alan m’a dit à peu près la même chose il n’y a pas longtemps.

Harry sourit et leva son verre.

— À Alan, dis-je. Et à tous nos amis absents.

— Amen, conclut Harry.

Nous bûmes nos jus de fruit.

— Harry, tu m’as dit que tu étais là lorsqu’ils m’ont ramené à bord de l’Épervier.

— En effet. Tu étais en compote, soit dit sans t’offenser.

— Y a pas de mal… Est-ce que tu te souviens de quelque chose à propos de l’escadron qui m’a ramené ?

— Un peu. Mais pas grand-chose. Ils nous ont tenus isolés du restant du vaisseau pendant presque toute la traversée. Je t’ai vu dans le poste des malades quand ils t’y ont conduit. Ils nous examinaient.

— Il y avait une femme parmi l’équipe de sauvetage ?

— Oui. Grande, brune. C’est tout ce que je me rappelle au pied levé. Pour être franc, je faisais davantage attention à toi qu’à ceux qui te ramenaient. Je ne les connaissais pas. Pourquoi ?

— Harry, l’un de mes sauveteurs était ma femme. Je le jure.

— Je croyais que ta femme était morte.

— Bel et bien morte. Mais c’était elle. Ce n’était pas la Kathy que j’ai connue au moment de notre mariage. C’était un soldat des FDC, avec la peau verte et tout.

Harry eut l’air dubitatif.

— John, tu hallucinais sans doute.

— Oui, mais, si j’hallucinais, pourquoi halluciner Kathy en soldat des FDC ? J’aurais dû plutôt me souvenir d’elle telle qu’elle était.