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— La dernière fois qu’on est allés sur Corail, on a essuyé une raclée magistrale, dit Jesse.

— Nous n’aurons pas le choix, Jesse, repartit Harry doucement. Nous devons nous procurer cette technologie. Si jamais elle se répand, toutes les espèces de l’univers seront capables de repérer les mouvements de nos troupes. Au sens strict du terme, elles sauront que nous arrivons avant notre arrivée.

— Ce sera un nouveau massacre, dit Jesse.

— Je présume que nous enverrons cette fois beaucoup plus de Forces spéciales.

— À propos des Forces spéciales…

Je narrai à Harry ma rencontre de la nuit précédente avec Jane ; j’étais en train de la raconter à Jesse quand il nous avait rejoints.

— On dirait qu’après tout elle n’a pas l’intention de te tuer, observa Harry après que j’eus terminé.

— Comme ça devait être étrange de lui parler ! fit Jesse. Même sachant qu’elle n’était pas vraiment ta femme.

— Sans ajouter qu’elle n’a que six ans. Mon vieux, ça fait bizarre, dit Harry.

— Ça se voit. Qu’elle n’a que six ans. Elle n’a guère de maturité émotionnelle. Elle n’a pas l’air de savoir gérer ses émotions quand elle en ressent. Elle m’a jeté à travers le réfectoire parce qu’elle ne savait pas comment réagir autrement.

— Bof, tout ce qu’elle sait faire, c’est se battre et tuer, dit Harry. Nous, nous avons toute une vie de souvenirs et d’expériences pour nous stabiliser. Même les jeunes soldats dans les armées traditionnelles ont vingt ans d’expérience. Au sens strict du terme, ces troupes des Forces spéciales sont des enfants guerriers. C’est à la limite de l’éthique.

— Je ne veux pas rouvrir d’anciennes blessures, intervint Jesse, mais as-tu reconnu Kathy en elle ?

Je réfléchis avant de répondre :

— Elle ressemble à Kathy, c’est évident. Et je crois avoir reconnu en elle un peu du sens de l’humour de ma femme et un peu de son tempérament. Kathy pouvait se montrer impulsive.

— Ça lui est arrivé de te jeter à travers une pièce ? demanda Harry avec un sourire malicieux.

Je répondis à son sourire.

— Si elle en avait été capable, elle ne s’en serait pas privée.

— Bon score pour la génétique.

Fumier se mit soudain en marche.

Caporal Perry, annonçait le message, votre présence est requise au briefing avec le général Keegan à 1000 heures au QG opérationnel du module Eisenhower de la station Phénix. Soyez à l’heure.

J’accusai réception du message et prévins Jesse et Harry.

— Et moi qui pensais avoir des amis bien placés, dit-il. John, tu nous as caché des choses.

— Je n’ai pas la moindre idée de ce dont il s’agit. Je n’ai jamais rencontré Keegan.

— Ce n’est que le commandant de la deuxième armée des FDC. Je suis sûr que c’est sans importance.

— Très drôle.

— Il est 0915, John, précisa Jesse. Tu ferais bien d’y aller. Tu veux qu’on t’accompagne ?

— Non, finissez votre petit-déjeuner, s’il vous plaît. Marcher me fera du bien. Le module Eisenhower n’est qu’à deux bornes. J’arriverai à l’heure.

Je me levai, pris un donut pour la route et partis.

En réalité, le module Eisenhower se trouvait à plus de deux bornes, mais ma jambe avait fini par repousser et j’avais envie d’exercice. Le Dr Fiorina avait raison : la nouvelle jambe était supérieure et, dans l’ensemble, j’avais l’impression d’avoir davantage d’énergie. Bien sûr, je venais de guérir de blessures si graves que c’était miracle d’être en vie. Qui, après cela, ne se serait pas senti débordant d’énergie ?

— Ne te retourne pas, me glissa Jane à l’oreille, juste derrière moi.

Je faillis avaler de travers un morceau de donut.

— J’aimerais que tu ne me files pas, dis-je sans me retourner.

— Navrée. Je n’avais pas l’intention de t’importuner. Mais je ne suis pas censée te parler. Écoute, ce briefing où tu te rends…

— Comment le sais-tu, ça ?

— Peu importe. Ce qui importe, c’est d’accepter ce qu’ils te demanderont. C’est l’unique façon de rester sain et sauf dans ce qui va se produire ensuite. Aussi sauf que possible.

— Qu’est-ce qui va se produire ?

— Tu le découvriras bien assez tôt.

— Et mes amis, Jesse et Harry ? Ils ont des ennuis ?

— Nous avons tous des ennuis. Je ne peux rien faire pour eux. Je me suis arrangée pour te vendre. Fais ça. C’est important.

Elle effleura mon bras. Puis je sentis qu’elle était partie encore une fois.

— Caporal Perry, dit le général Keegan en me rendant mon salut. Repos !

J’avais été escorté dans une salle de conférence par une quantité impressionnante d’huiles. J’étais de loin le moins gradé de l’assemblée. Le rang inférieur suivant était, d’après ce que je pouvais apercevoir, le lieutenant-colonel Newman, mon estimé enquêteur. Je me sentais un rien mal à l’aise.

— Vous m’avez l’air un peu perdu, mon gars, ajouta le général Keegan.

On lui aurait donné, comme à tous ceux présents dans la salle et à tous les soldats des FDC, moins de trente ans.

— Je me sens en effet un peu perdu, mon général.

— Ma foi, c’est compréhensible. S’il vous plaît, asseyez-vous. (Il désigna un siège inoccupé à la table. Je m’y installai.) J’ai beaucoup entendu parler de vous, Perry.

— Ah bon, mon général, dis-je en m’efforçant de ne pas jeter un coup d’œil à Newman.

— Cela n’a pas l’air de vous enthousiasmer, caporal.

— Je m’efforce de ne pas me faire remarquer, mon général. Simplement de tenir mon rôle.

— Quoi qu’il en soit, vous avez été remarqué. Une centaine de navettes ont réussi à se lancer au-dessus de Corail, mais la vôtre a été la seule à atterrir à la surface, en grande partie grâce à votre ordre de faire sauter les portes de la soute et de décamper. (Le général pointa le pouce vers Newman.) Le colonel m’a tout raconté. Il estime que nous devrions vous donner une médaille pour cela.

Keegan aurait aussi bien pu dire « Newman estime que tu devrais être le danseur étoile de la représentation annuelle de l’armée du Lac des cygnes », et je n’aurais pas été plus surpris. Keegan remarqua mon expression et sourit.

— Oui, je sais ce que vous pensez. Newman est celui qui garde le mieux son sérieux. Voilà pourquoi il fait ce boulot. Alors, caporal, qu’en dites-vous ? Cette médaille, vous pensez la mériter ?

— Avec tout mon respect, non, mon général. Nous nous sommes écrasés et il n’y a eu aucun survivant à part moi. Ce n’est guère un service méritoire. De surcroît, tout éloge pour avoir atteint la surface doit revenir à mon pilote, Fiona Eaton.

— Le pilote Eaton a déjà été décorée à titre posthume, caporal, annonça le général Keegan. Une piètre consolation pour elle puisqu’elle était bien morte, mais il est important pour les FDC que sa conduite soit relevée, et, en dépit de votre modestie, caporal, vous serez vous aussi décoré. D’autres ont survécu à la bataille de Corail, mais c’était par pure chance. Vous avez pris des initiatives et avez fait preuve du sens du commandement dans une situation adverse. Et vous aviez déjà montré votre capacité à réfléchir par vous-même. La solution de tir contre les Consus. Le commandement de votre compagnie de formation. L’adjudant Ruiz a signalé votre utilisation ingénieuse de l’Amicerveau au cours de l’ultime jeu de guerre d’entraînement. J’ai servi avec ce fils de pute, caporal. Ruiz ne complimenterait jamais sa mère pour lui avoir donné la vie, si vous voyez ce que je veux dire.