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— Non. J’ai demandé au général Keegan d’accélérer votre sortie de l’infanterie et il a accepté. Vous avez achevé le premier terme du service. Vous serez tous les deux réaffectés.

— Mais de quoi tu parles ? s’exclama Harry.

— Tu es réaffecté dans le bras de la recherche militaire des FDC. Harry, ils étaient au courant que tu fouinais. Je les ai convaincus que, de cette manière, tu ferais moins de mal à toi-même et aux autres. Tu vas travailler sur ce que nous rapporterons de Corail.

— Je ne peux pas faire ça. Je n’ai pas le niveau en maths.

— Je suis sûr que ce n’est pas ça qui t’arrêtera. Jesse, tu entres aussi dans la RM, aux services généraux. C’est tout ce que j’ai pu t’obtenir en un délai si court. Ça ne sera pas très intéressant, mais tu auras la possibilité de te former pendant ce temps pour d’autres fonctions. Et vous serez à l’écart des zones de combat.

— Ce n’est pas juste, John, dit Jesse. Nous n’avons pas terminé notre temps de service. Nos camarades de compagnie vont retourner au combat pendant que nous resterons peinards ici pour quelque chose que nous n’avons pas fait. Toi, tu retournes là-bas. Je refuse. Je ferai mon temps de service.

Harry approuva du chef.

— Jesse, Harry, s’il vous plaît, écoutez ! Alan est mort. Susan et Thomas sont morts. Maggie est morte. Il ne reste personne de mon escadron et de ma compagnie. Tous ceux à qui je tenais ici sont partis sauf vous deux. J’avais une chance de vous garder en vie et je l’ai saisie. Je ne pouvais rien faire pour les autres. Mais, pour vous, je peux faire quelque chose. J’ai besoin de vous vivants. Vous êtes tout ce qui me reste ici, loin de tout.

— Tu as Jane, avança Jesse.

— Je ne sais toujours pas ce que Jane représente pour moi. Mais, vous, je le sais. Vous êtes ma famille maintenant. Jesse, Harry. Vous êtes ma famille. Ne soyez pas fâchés contre moi parce que je veux que vous restiez en sécurité. Simplement en sécurité. Pour moi. S’il vous plaît.

Trois

L’Épervier était un bâtiment paisible. Le vaisseau de troupes moyen résonne du tintamarre des conversations, des rires, des cris et de toutes les manifestations verbales qui accompagnent la vie. Les soldats des Forces spéciales ne se livrent à aucune de ces conneries.

D’ailleurs, le commandant du vaisseau me l’avait expliqué alors que je montais à bord.

— N’attendez pas qu’on vous parle, m’avait averti Crick quand je me fus présenté.

— Mon commandant ?

— Les soldats des Forces spéciales. N’y voyez rien de personnel. Mais nous ne sommes pas loquaces. Entre nous, nous communiquons presque exclusivement par Amicerveau. C’est plus rapide et nous n’avons pas de parti pris pour la parole, comme vous. Nous sommes nés avec des Amicerveaux. La première fois que quelqu’un nous parle, c’est par leur intermédiaire. Donc c’est ainsi que nous nous entretenons la plupart du temps. Ne soyez pas offensé. De toute façon, j’ai donné l’ordre aux troupes de vous adresser la parole si elles ont besoin de vous transmettre quelque chose.

— Ce n’est pas nécessaire, mon commandant. Je peux utiliser mon Amicerveau.

— Vous ne serez pas à la hauteur. Votre cerveau est réglé pour communiquer sur une vitesse et les nôtres sur une autre. Parler aux vrais-nés, c’est comme parler au ralenti. Si vous avez discuté un moment avec l’un de nous, vous avez peut-être remarqué que nous paraissons abrupts et secs. C’est l’effet secondaire d’avoir l’impression de parler à un enfant lent, soit dit sans vous offenser.

— Il n’y a pas de mal, mon commandant. Vous semblez très bien communiquer.

— En tant qu’officier commandant, je passe beaucoup de temps avec les forces conventionnelles. Et je suis aussi plus âgé que la plupart de mes hommes de troupe. J’ai acquis des manières sociales.

— Quel âge avez-vous, mon commandant ?

— J’aurai quatorze ans la semaine prochaine… Demain à o600, il y aura une réunion de mon état-major. D’ici là, installez-vous et mettez-vous à l’aise, mangez et prenez un peu de repos. Nous parlerons davantage demain matin.

Il me salua. Il m’avait congédié.

Jane m’attendait dans mes quartiers.

— Encore toi, dis-je en souriant.

— Encore moi, répondit-elle simplement. Je voulais savoir comment tu t’en sors.

— Bien, compte tenu du fait que je ne suis sur le vaisseau que depuis quinze minutes.

— On ne parle que de toi.

— Je le sais à cause des bavardages interminables. (Jane ouvrit la bouche pour parler, mais je levai la main.) C’était une plaisanterie. Le commandant Crick m’a mis au courant pour l’Amicerveau.

— C’est pourquoi j’aime te parler de cette façon, dit Jane. Différemment qu’avec tous les autres.

— Si j’ai bonne mémoire, tu parlais au moment où tu m’as sauvé.

— Nous redoutions d’être pistés. Parler était plus sûr. Nous parlons aussi quand nous sommes en public. Nous n’aimons pas attirer l’attention sur nous.

— Pourquoi as-tu arrangé ça ? M’obtenir une affectation sur l’Épervier.

— Tu nous es utile. Tu as une expérience qui peut être précieuse à la fois sur Corail et pour un autre aspect de nos préparatifs.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Le commandant Crick en parlera demain au briefing. J’y assisterai. Je dirige une compagnie et travaille dans les renseignements.

— C’est l’unique raison ? Mon utilité ?

— Non, mais c’est la raison de ton affectation sur ce vaisseau. Écoute, je ne vais pas rester beaucoup de temps avec toi. J’ai trop à faire pour préparer la mission. Mais je veux la connaître. Kathy. Comment était-elle ? Ce qu’elle aimait. Je veux que tu me le dises.

— Je te le dirai, mais à une condition.

— Laquelle ?

— Que tu me parles de toi.

— Pourquoi ?

— Parce que, pendant neuf ans, j’ai vécu avec l’idée que ma femme était morte, et toi, tu surgis du néant et ça me chamboule complètement. Plus je te connaîtrai, plus je pourrai m’habituer à l’idée que tu n’es pas elle.

— Je ne suis pas assez intéressante, répliqua Jesse. Et je n’ai que six ans. Je n’ai guère eu le temps de faire grand-chose.

— J’ai fait davantage de choses au cours de cette dernière année que pendant toutes celles qui m’y ont conduites. Crois-moi. Six ans, c’est beaucoup.

— Lieutenant, vous voulez d’la compagnie ? demanda le jeune (quatre ans sans doute) et sympathique soldat des Forces spéciales en tenant son plateau-repas avec quatre de ses potes au garde-à-vous.

— La table est libre, répondis-je.

— Certaines personnes préfèrent être seules.

— Je n’en fais pas partie. Je vous en prie, asseyez-vous tous.

— Merci, mon lieutenant, dit le soldat en posant son plateau sur la table. Je suis le caporal Sam Mendel. Et eux, les soldats George Linné, Will Hegel, Jim Bohr et Jan Fermi.

— Lieutenant John Perry.

— Alors que pensez-vous de l’Épervier, lieutenant ? demanda Mendel.

— Il est agréable et tranquille.

— Pour ça, oui, mon lieutenant. Je viens juste de faire remarquer à Linné que je ne pense pas avoir prononcé plus de dix mots en un mois.

— Vous venez de battre votre record, alors.

— Est-ce que vous accepteriez qu’on parie à votre sujet, mon lieutenant ? demanda Mendel.

— Il faudra que je fasse quelque chose d’épuisant ?

— Non, mon lieutenant. Nous voulons seulement connaître votre âge. Voyez-vous, Hegel parie que vous êtes deux fois plus âgé que l’ensemble de notre escadron.