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— Vous lancerez le signal de chaque rencontre, dit l’ambassadeur.

Il recula derrière ses congénères. Maintenant il ne restait plus que deux lignes de combattants de part et d’autre de moi, à quinze mètres, attendant patiemment de s’entretuer. Je m’écartai sur le côté, toujours entre les deux rangées, et désignai le soldat et le Consu les plus proches.

— Commencez, dis-je.

Le Consu déplia ses bras-faux, révélant les lames aplaties et tranchantes comme un rasoir de sa carapace modifiée, et libérant de nouveau ses bras et ses mains secondaires, plus petits et presque humains. Son hurlement transperça le dôme et il s’avança. Le caporal Mendel abandonna un de ses couteaux, tint l’autre dans sa main gauche et s’avança droit sur le Consu. Quand ils furent à trois mètres l’un de l’autre, tout devint flou. Dix secondes après le début du tournoi, le caporal Mendel avait déjà une entaille sur toute la longueur de la cage thoracique jusqu’à l’os, et le Consu un couteau planté profondément dans la partie tendre où sa tête s’unissait à la carapace. Mendel avait été blessé en restant coincé dans les bras du Consu. Il avait reçu cette entaille en échange d’un coup lancé dans le point faible le plus apparent de son adversaire. Celui-ci se trémoussait tandis que Mendel faisait tourner sa lame, sectionnant le cordon médullaire d’un mouvement brusque, coupant le paquet de nerfs secondaires de la tête du cerveau primaire situé dans le thorax. Le Consu s’effondra. Mendel arracha son couteau et regagna le groupe des Forces spéciales, son bras droit plaqué contre son flanc pour le maintenir en place.

Je lançai un signe à Goodall et son Consu. Goodall sourit jusqu’aux oreilles et s’avança en dansant, tenant ses deux couteaux à bout de bras, lames pointées en arrière. Son Consu beugla et chargea tête la première, les bras-faux grands ouverts. Goodall chargea à son tour mais, à la dernière seconde, se baissa comme un coureur à une partie de base-ball lors d’un jeu serré. Le Consu donna un coup de faux à l’instant où Goodall glissait dessous, rasant la joue et l’oreille gauche. Goodall lui trancha une patte chitineuse d’un rapide mouvement vertical. La patte craqua comme une pince de homard et fusa perpendiculairement à la direction du coup de Goodall. Le Consu tangua et s’écroula.

L’homme pivota sur les fesses, lança ses lames, exécuta un saut périlleux en arrière et atterrit sur ses pieds juste à temps pour rattraper ses couteaux. Le côté gauche de sa tête était couvert d’un caillot gris, mais il souriait encore en s’élançant sur son Consu qui s’efforçait de se relever. Il battit des bras dans l’espoir de frapper Goodall, mais trop lentement, tandis que celui-ci pirouettait, levait en arrière son bras armé et plantait son premier couteau comme une pique dans la carapace dorsale. Il répéta le même mouvement et entama la carapace thoracique. Puis il pivota de cent quatre-vingts degrés pour faire face au Consu, tint avec force les deux manches des couteaux et les planta avec violence en tournant. Le Consu tressauta quand les parties tranchées de son corps tombèrent devant et derrière lui. Puis il chut comme une masse et ne se releva plus. Goodall regagna sa place souriant, en dansant la gigue. Il s’était à l’évidence bien amusé.

Le soldat Aquinas ne dansa pas et elle n’avait pas du tout l’air de s’amuser. Elle et son adversaire tournèrent l’un autour de l’autre avec prudence pendant vingt secondes avant que le Consu ne se décide à charger, levant son bras-faux comme pour harponner Aquinas par les tripes. Projetée en arrière, Aquinas perdit l’équilibre et tomba à la renverse. Le Consu sauta sur elle, épingla son bras gauche en le transperçant à hauteur de la chair tendre entre le radius et le cubitus avec son bras-faux gauche. Il approcha en même temps son autre bras-faux du cou, planta ses pattes postérieures de manière à se donner un appui pour la décapiter, puis déplaça un peu son bras-faux droit vers la gauche pour prendre de l’élan.

À l’instant où il la frappait pour lui trancher la tête, Aquinas poussa un grognement puissant et exerça une traction sur son bras gauche épinglé. Sa main et son bras se déchiquetèrent, tissus et tendons cédant sous la force de la pression. Puis le Consu roula comme elle ajoutait son élan au sien. Coincée dans ses bras, Aquinas réussit à pivoter et se mit à poignarder frénétiquement la carapace, le couteau dans la main droite. Le Consu s’efforça de l’écarter. Elle serra les jambes à mi-corps de la créature et s’y accrocha. Le Consu réussit à lui entailler le dos à plusieurs reprises, mais ses bras-feux manquaient d’efficacité au corps à corps. Aquinas s’arracha et franchit la moitié de la distance vers les autres soldats avant de choir comme une masse. Il fallut la transporter.

Je comprenais à présent pourquoi j’avais été exempté de combat. Ce n’était pas seulement une question de vitesse et de force, même si les soldats des Forces spéciales m’étaient très supérieurs. Ils employaient des tactiques nées d’une appréciation différente de la perte acceptable. Un soldat normal n’aurait pas sacrifié un membre comme Aquinas venait de le faire. Sept décennies vécues avec la connaissance que les membres sont irremplaçables et que la perte de l’un d’eux risque de conduire à la mort s’y opposaient. Or ce n’était pas un problème pour les soldats des Forces spéciales, dont les membres pouvaient toujours repousser et qui se savaient une tolérance aux blessures bien plus élevée qu’un soldat normal ne pouvait l’estimer. Non pas que les soldats des Forces spéciales ne connaissaient pas la peur. Elle surgissait bien plus tard.

Je fis signe au sergent Hawking et à son Consu de commencer. Pour une fois, le Consu n’ouvrit pas ses bras-faux. Il se contenta d’avancer au centre du dôme et attendit son adversaire. Pendant ce temps, Hawking, ramassé sur lui-même, progressait prudemment, pas à pas, cherchant le moment de frapper : un pas, stop, un pas de côté, stop, un pas, stop et encore un pas. Ce fut au cours de ces petits mouvements étudiés et prudents que le Consu ouvrit les bras comme un insecte qui explose et empala Hawking de ses deux bras-faux, le projetant en l’air. Alors qu’il retombait, l’autre lui lança un coup de faux vicieux qui lui sectionna la tête et la taille. Le torse et les jambes valdinguèrent dans des directions opposées. La tête retomba juste devant le Consu. Celui-ci la considéra pendant un moment, puis l’embrocha du bout de son bras-faux et la jeta de toutes ses forces en direction des humains. Elle rebondit dans un bruit humide puis tourbillonna par-dessus leurs têtes, les arrosant de débris de cerveau et de Sangmalin.

Pendant les quatre précédents combats, Jane avait attendu dans la ligne avec impatience, faisant sauter ses couteaux dans ses mains en une sorte de tic nerveux. Maintenant, elle s’avançait, prête à se battre, de même que son adversaire, le dernier Consu. Je leur signifiai de commencer. Le Consu fit un pas en avant agressif, étendit brusquement ses bras-faux et poussa un cri de guerre assez sonore pour briser le dôme et nous aspirer tous dans l’espace, en ouvrant très grand ses mandibules. À trente mètres de distance, Jane cligna des yeux puis lança un couteau dans la mâchoire béante. Elle avait injecté une telle vigueur dans son coup que la lame transperça le fond de la tête du Consu et s’enfonça jusqu’à la garde dans la carapace du crâne. Le cri de guerre à briser le dôme fut tout à coup et de façon inattendue remplacé par le bruit d’un énorme insecte étranglé par le métal et le sang. Il voulut déloger le couteau mais mourut avant d’achever son geste, tombant comme une masse en avant et expirant dans un ultime bruit de déglutition.

Je rejoignis Jane.