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— Je ne pense pas que tu étais censée te servir des couteaux de cette manière, dis-je.

Elle haussa les épaules et fit sauter le second dans ses mains.

— Personne ne m’a jamais dit que c’était interdit.

L’ambassadeur se faufila vers moi, contournant le Consu tombé.

— Vous avez gagné le droit à quatre questions, déclara-t-il. Vous pouvez les poser maintenant.

Quatre questions, c’était davantage que ce que nous avions escompté. Nous en avions espéré deux et préparé trois. Nous avions cru que les Consus représenteraient un plus grand défi. Non pas qu’un soldat mort et des membres ainsi que des organes sectionnés traduisaient une victoire totale, tant s’en faut. Mais on se contente de ce qu’on a.

Quatre questions, ce serait parfait.

— Les Consus ont-ils procuré aux Rraeys la technologie de détection de la propulsion par saut ? demandai-je.

— Oui, répondit l’ambassadeur succinctement.

Réponse qui nous convenait. Nous n’escomptions pas que les Consus nous informent davantage qu’ils ne s’étaient engagés à le faire. Mais la réponse de l’ambassadeur nous fournissait celles à un certain nombre d’autres questions. Puisque les Rraeys avaient reçu cette technologie des Consus, il était hautement probable qu’ils ne connaissaient pas son fonctionnement à un niveau fondamental. Nous n’avions plus à nous inquiéter qu’ils étendent son usage ou la vendent à d’autres espèces.

— Combien de dispositifs de détection les Rraeys possèdent-ils ?

Nous avions d’abord pensé demander combien les Consus leur en avaient fourni, mais si, à tout hasard, les Rraeys en avaient fabriqué d’autres, nous avions conclu qu’il valait mieux rester dans les généralités.

— Un, répondit l’ambassadeur.

— Combien d’autres espèces connues des humains ont-elles la capacité de détecter les sauts ?

Notre troisième principale question. Nous supposions que les Rraeys connaissaient davantage d’espèces que nous. Demander combien possédaient cette technologie ne nous avancerait pas. C’était trop général. De même que leur demander à qui d’autre ils l’avaient fournie, puisqu’une autre espèce avait fort bien pu développer elle-même cette technologie. Toutes les découvertes dans l’univers ne viennent pas de cultures plus avancées. Parfois, des inventeurs doués les mettent au point par eux-mêmes.

— Aucune, dit l’ambassadeur.

Encore un heureux répit pour nous. À défaut, il nous donnait un peu de temps pour trouver une solution.

— Tu as encore une question, rappela Jane.

Elle me désigna l’ambassadeur, qui attendait mon ultime requête. Pourquoi ne pas risquer le tout pour le tout ?

— Les Consus sont en mesure de rayer la plupart des espèces de cette région de l’espace, dis-je. Pourquoi ne le faites-vous pas ?

— Parce que nous vous aimons, répondit l’ambassadeur.

— Pardon ?

Techniquement, on aurait pu qualifier cette exclamation de cinquième question, à laquelle le Consu n’était pas tenu de répondre. Mais il le fit quand même.

— Nous chérissons toute vie qui a le potentiel de Ungkat – ce dernier mot prononcé comme une barrière raclant un mur de briques – c’est-à-dire de participer au grand cycle de la renaissance. Nous veillons sur vous, sur toutes les espèces inférieures, en consacrant vos planètes afin que tous leurs habitants puissent renaître dans le cycle. Nous estimons de notre devoir de concourir à votre évolution. Les Rraeys croient que nous leur avons donné la technologie dont vous vous êtes enquis parce qu’ils nous ont offert une de leurs planètes, mais c’est faux. Nous avons vu l’occasion de faire avancer vos deux espèces vers la perfection, et c’est avec joie que nous sommes intervenus.

L’ambassadeur ouvrit ses bras-faux et nous découvrîmes ses bras et ses mains secondaires ouvertes, comme implorantes.

— Le moment où votre peuple sera qualifié pour nous rejoindre est maintenant beaucoup plus proche. Aujourd’hui, vous êtes souillés et devez être injuriés quand bien même vous êtes aimés. Mais contentez-vous de savoir que la délivrance viendra un jour. Moi-même je me rends à la mort, déshonoré d’avoir parlé dans votre langue, mais assuré d’une place dans le cycle parce que j’ai fait avancer votre peuple vers sa position dans la grande roue. Je vous méprise et je vous aime, vous qui êtes à la fois ma damnation et mon salut. Retirez-vous maintenant, que nous puissions détruire ce site et célébrer votre progrès. Partez.

— Je n’aime pas ça, déclara le lieutenant Tagore lors de notre débriefing, une fois que nous lui eûmes narré nos expériences. Je n’aime pas ça du tout. Les Consus ont donné aux Rraeys cette technologie pour qu’ils puissent nous baiser. Ce maudit insecte l’a dit lui-même. Ils nous ont fait danser comme des marionnettes au bout de leurs fils. Ils ont peut-être déjà prévenu les Rraeys de notre arrivée.

— Ce serait redondant, avança le capitaine Jung, compte tenu de leur dispositif de détection des sauts.

— Vous m’avez compris, rétorqua Tagore. Les Consus ne nous feront aucune faveur, puisqu’il est clair qu’ils veulent que nous nous battions avec les Rraeys afin de « progresser » à un autre niveau cosmique, selon leur charabia.

— De toute façon, les Consus n’allaient nous accorder aucune faveur, déclara le commandant Crick. Suffit avec eux. Nous agissons en accord avec leurs plans, mais n’oubliez pas que leurs plans coïncident avec les nôtres jusqu’à un certain point. Et, à mon avis, les Consus se foutent éperdument que ce soit nous ou les Rraeys qui remportent la palme. Donc concentrons-nous sur ce que nous allons faire au lieu de ce que vont faire les Consus.

Mon Amicerveau cliqua. Crick transmit une carte de Corail et d’une autre planète, le monde natal des Rraeys.

— Étant donné que les Rraeys utilisent une technologie empruntée, nous avons une chance d’agir, de les frapper vite et durement, à la fois sur Corail et sur leur monde natal, expliqua Crick. Pendant que nous baratinions les Consus, les FDC ont avancé des vaisseaux à distance de saut. Nous avons six cents bâtiments – pratiquement un tiers de nos forces – en position et prêts à sauter. À notre signal, les FDC lanceront le compte à rebours pour mener des attaques simultanées sur Corail et sur le monde natal des Rraeys. L’objectif est à la fois de reprendre Corail et de paralyser les renforts potentiels. La frappe de leur monde natal mettra les vaisseaux qui y stationnent hors d’état d’intervenir et obligera les Rraeys opérant dans d’autres régions de l’espace à choisir d’assister en priorité soit Corail, soit leur monde natal.

» Les deux assauts dépendent d’une seule condition : que nous détruisions leur capacité à prédire notre arrivée. Autrement dit, il faut nous emparer de leur station de repérage et la mettre hors d’usage… mais sans la démolir. Les FDC sauront faire leurs choux gras de la technologie présente dans cette station. Peut-être les Rraeys ne sont-ils pas fichus de la comprendre, mais nous sommes loin devant eux sur la courbe technologique. Nous ne ferons sauter la station qu’en cas de nécessité absolue. Nous allons nous emparer d’elle et la tenir jusqu’à l’arrivée de renforts à la surface.

— Combien de temps ça va prendre ? s’enquit Jung.

— Les assauts simultanés seront coordonnés pour commencer quatre heures après notre entrée dans l’espace de Corail, répondit Crick. Selon l’intensité des affrontements vaisseau contre vaisseau, on peut escompter que des troupes supplémentaires nous apportent leurs renforts après les quatre premières heures de combat.

— Quatre heures après notre entrée dans l’espace de Corail ? demanda Jung. Pas après que nous aurons investi la station de repérage ?