A ma mère, son sourire, à mon père, son regard.
A Coline, Yoann et Lison, sur leur île, à Anaïs, Juliette et Lorraine, sur la Toile.
Avant de commencer…
Guillemot de Troïl est un enfant originaire du Pays d’Ys, terre isolée entre le Monde Certain et le Monde Incertain, où se côtoient, entre ordinateurs et salles de cinéma, chevaliers en armures et sorciers aux pouvoirs étonnants.
Le jour où Maître Qadehar, le plus fameux Sorcier de la Guilde, découvre chez Guillemot des prédispositions pour la magie, le destin du jeune garçon bascule.
Devenu Apprenti Sorcier, Guillemot découvre la magie des Graphèmes qui a été révélée à la Guilde par Le Livre des Étoiles, avant que cet ouvrage ne soit volé par Yorwan, un jeune sorcier. Mais Guillemot se rend compte que l’Ombre, puissance démoniaque et malfaisante vivant dans le Monde Incertain, cherche à l’enlever pour une raison qu’il ignore…
Lorsqu’Agathe est enlevée à sa place, Guillemot n’hésite pas à s’introduire dans ce monde terrible. Il doit faire appel à toute sa magie balbutiante pour lui porter secours.
Il emmène dans cette traversée périlleuse ses amis de toujours, Ambre, Gontrand, Romaric et Coralie. Mais une erreur dans la formulation d’un sortilège sépare les cinq amis, et les entraîne chacun dans des aventures extraordinaires, jonchées de pièges, à travers un monde peuplé de personnages étonnants.
C’est dans les geôles du commandant Thunku, chef des brigands de Yâdigâr, que Guillemot retrouve ses amis, et Agathe. Grâce à l’intervention de Maître Qadehar, les sept jeunes gens parviennent à s’évader et rentrent sains et saufs au Pays d’Ys.
Pour tenter d’y voir plus clair, la Guilde, alertée, décide de conduire une action dans le Monde Incertain. Mais les Sorciers, menés par Qadehar, tombent dans une embuscade. Pendant ce temps, un homme mystérieux, le Seigneur Sha, pénètre dans le "monastère de la Guilde et se lance à la poursuite de Guillemot. Il s’agit de Yorwan, le voleur du Livre des Etoiles, en quête d’un fils disparu ! Mais Guillemot n’est pas celui qu’il cherche…
Maître Qadehar est condamné par un tribunal de Sorciers qui le rend responsable de l’échec de l’expédition. Grâce à l’aide de son ami Gérald, il s’enfuit, persuadé que la Guilde abrite un traître à la solde de l’Ombre. Mais, avant d’aller mener sa propre enquête dans le Monde Incertain, il obtient de Bertram, un jeune Sorcier, de veiller sur Guillemot.
A l’issue d’un bal donné à Dashtikazar, Ambre la fougueuse s’en prend à Agathe et, talonnée par ses amis inquiets, la poursuit jusque sur la lande. Ils sont tous attaqués et capturés par des Korrigans bien décidés à les livrer à l’Ombre. C’est finalement grâce à la ruse de Guillemot et au sang-froid de Bertram qu’ils parviennent à se libérer !
Peu après, à l’occasion d’un rendez-vous dans le monde réel, le Seigneur Sha révèle à Guillemot que Le Livre des Étoiles, qu’il était en vérité chargé de protéger, vient de lui être volé. Guillemot décide de confier l’histoire à Qadehar, et de se rendre pour cela dans le Monde Incertain, accompagné du seul Bertram… Le Seigneur Sha confirme également à Guillemot qu’il n’est pas son père, même s’il a aimé Alicia.
Guillemot rentre à Ys plus désemparé que jamais…
I Ultimatum
La cité de Yénibohor, aux imposantes murailles surplombant la Mer des Brûlures, était comme chaque jour en proie à une grande agitation.
Un petit groupe de prêtres, reconnaissables à leur crâne rasé et à leur tunique blanche, encadraient des jeunes gens qui marchaient, tête baissée, en direction des bâtiments où on leur enseignait le culte de Bohor, divinité maléfique régnant dans l’Obscurité.
Un peu plus loin, des Orks portant le blason de Yâdigâr, ville de brigands et de mercenaires, recevaient des mains d’un prêtre une bourse de pierres précieuses en paiement d’une embuscade qu’ils avaient tendue pour le compte de la cité.
Des cris et des gémissements d’innombrables prisonniers enfermés dans les sous-sols montaient par les soupiraux ouvrant sur la rue. C’était, pour la plupart, de pauvres gens qui avaient commis l’erreur de s’opposer aux prêtres… Yénibohor faisait régner la terreur dans le Monde Incertain.
Ces hommes en tunique blanche, ces étudiants, ces Orks, ces prisonniers, avaient tous quelque chose en commun : la même peur les traversait chaque fois qu’ils portaient leurs regards sur la tour dominant la cité ! La tour qui abritait le Grand Prêtre du culte de Bohor, le Maître des ténèbres…
Au sommet de l’imposant donjon qui lui tenait lieu de repaire, la silhouette familière de l’Ombre arpentait le sol dallé d’un laboratoire rempli de livres et d’instruments. Elle était furieuse.
Le scribe Lomgo, qui tenait toujours à la main la missive annonçant la mauvaise nouvelle, n’en menait pas large. Il s’était recroquevillé contre le mur et se faisait le plus petit possible ; il observait avec effroi son maître s’agiter et les débris d’ombre qu’il semait se consumer au contact de la pierre dans une affreuse odeur de brûlé.
Tout à coup, l’Ombre fit volte-face et lança un regard de braise sur le scribe qui se recroquevilla un peu plus :
– Échappé… Ces maudits Korrigans l’ont laissé échapper… Gnomes stupides… Incapables… Traîtres… Ma vengeance sera terrible…
L’Ombre gémit et leva les bras au ciel.
– Si près, si près du but… J’ai le grimoire… il ne me manque que l’enfant… Je ne peux plus attendre… Il faut le ramener… Lomgo…
– Oui, Maître ! répondit l’homme en se jetant au sol, comme s’il voulait implorer la clémence du démon.
– Je veux que mes serviteurs les plus fidèles… sortent de l’ombre… Je veux l’enfant… à n’importe quel prix… Écris-leur… Je veux l’enfant ici… dans deux jours… pas un de plus… Sous peine de voir ma colère se déchaîner contre eux…
Le scribe se redressa en tremblant, et courut à petits pas précipités vers son écritoire.
Derrière lui, la silhouette au manteau de ténèbres s’efforça de retrouver son calme. Elle se dirigea vers une table sur laquelle était posé un grand livre à la couverture de cuir noir piquetée d’étoiles. Elle tourna une page jaunie par le temps, et se plongea dans l’étude d’un sortilège compliqué.
II L’heure du coq
Guillemot dormait profondément lorsque sa mère ouvrit la porte de sa chambre. Les premières lueurs du jour commençaient à répandre une douce clarté dans la pièce. Alicia regarda avec tendresse son fils endormi. Il paraissait si petit, si fragile, ainsi blotti dans son lit ! Soudain, elle eut du mal à croire qu’il avait réalisé les exploits qu’on lui attribuait. Elle frissonna en imaginant les monstres et les brutes sanguinaires qu’il avait dû affronter dans le Monde Incertain.
Tout à coup, elle sentit tout le poids de sa solitude. Oui, c’était cela le plus difficile, finalement : n’avoir personne sur qui s’appuyer, personne qui vienne la rassurer ou la réconforter. Et puis elle devait être forte, toujours. Ou du moins en avoir l’air…
Elle avança de quelques pas et soupira. Elle aurait beau essayer d’être la meilleure mère du monde, se dit-elle, jamais elle ne remplacerait l’homme qui manquait dans cette maison, et dont ils auraient eu besoin tous les deux ! Yorwan… Mais que lui était-il passé par la tête ? Qu’est-ce qui lui avait pris de disparaître, sans raison, quelques jours seulement avant leur mariage ? Ils étaient tellement heureux, ensemble, si amoureux l’un de l’autre ! Yorwan ne cessait de lui répéter qu’il l’aimait, et elle voyait bien dans ses yeux qu’il ne mentait pas. Quelque chose avait dû se produire. Quelque chose s’était passé, qui avait obligé Yorwan à fuir et à l’abandonner. Elle en était intimement persuadée, contrairement à Urien, son frère, qui avait interprété cette disparition soudaine comme la réaction d’un lâche au moment de s’engager dans le mariage. Et le vol du livre sacré de la Guilde n’avait pas arrangé les choses…