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Partout on se battait. La réputation des Chevaliers n’était pas usurpée : à un contre trois, ils luttaient vaillamment, et leurs épées étaient rouges du sang des monstres. Lorsqu’un de leurs compagnons mordait la poussière sous les coups des créatures déchaînées, leur rage augmentait et ils frappaient encore plus fort. Urien de Troïl, dos à dos avec Valentin qui couvrait ses arrières, restait le plus impressionnant : l’épée dans une main, sa hache de guerre dans l’autre, la barbe poussiéreuse et l’écume aux lèvres, il envoyait à terre les Orks les uns après les autres avec une force titanesque. Le Commandeur portait également des coups mortels contre les rangs ennemis. Sa poigne était froide, méthodique, précise. Les cicatrices qui zébraient son visage de vétéran luisaient sous le soleil. Ambor et Bertolen, dos à dos comme la plupart des Chevaliers, habitués à combattre de concert, luttaient comme des lions. Mais la bataille était perdue d’avance, ils le savaient tous. Leurs adversaires semblaient innombrables, et chaque Ork tombé était remplacé par un autre…

– Commandeur ! souffla Maître Qadehar au chef des Chevaliers. Ma magie est impuissante ! Il faut essayer de se dégager. Nous ne tiendrons plus très longtemps !

Le Sorcier balança la pointe de son épée vers la gorge d’un monstre. Il entendit un râle étouffé.

– Vois-tu un endroit où se réfugier ? lui demanda le Commandeur en déviant un coup de hache et en écrasant le nez d’un Ork avec son coude.

– J’ai repéré un bâtiment, tout près. Nous pourrions essayer de nous y réfugier…

– D’accord, approuva-t-il.

Il lança immédiatement quelques ordres brefs.

Les Chevaliers, s’abritant du mieux possible derrière leurs boucliers, se regroupèrent tant bien que mal, et battirent lentement en retraite. Le Commandeur et Qadehar, bientôt rejoints par Ambor et Bertolen, ouvraient la marche. Urien et Valentin la fermaient. L’odeur âcre de la bataille prenait les combattants à la gorge.

– Nous y sommes presque ! lança le Sorcier pour redonner courage aux hommes, en pénétrant dans une petite rue perpendiculaire.

Bientôt, ils purent progresser plus vite. Les maisons les protégeaient des attaques latérales, et seuls leurs arrières étaient désormais harcelés par les Orks.

Ils parvinrent au pied de l’édifice repéré par Qadehar, une grosse bâtisse carrée en pierre de taille, qui dépassait en hauteur les maisons voisines, et qui semblait être le temple du quartier. La porte en était solidement fermée, mais un Chevalier ne tarda pas à trouver une échelle, dans une cour, le long d’un mur. L’un après l’autre, les hommes à l’armure turquoise grimpèrent sur le toit et l’occupèrent comme une position militaire.

– C’est à nous de jouer, annonça Urien à Valentin, restés parmi les derniers pour protéger l’escalade de leurs compagnons.

Le colosse se tourna et empoigna l’échelle. Mais il ne vit pas l’Ork qui débouchait de l’autre côté de la ruelle et fonçait sur lui, brandissant un pieu en avant.

– Urien ! Attention ! cria Valentin en s’interposant entre son ami et le monstre.

Le choc fut violent. Le pieu se planta dans la cuirasse, au niveau du ventre, et Valentin s’écroula par terre, mollement, sans un bruit.

– Valentin ! hurla Urien en sautant au bas de l’échelle. Valentin !

D’un coup de hache, il repoussa l’Ork qui tentait de se jeter sur lui. Puis il releva son ami. Une impressionnante tache rouge maculait le sol. Urien brisa la lance de bois au niveau de la cuirasse. Il chargea le majordome inanimé sur ses épaules et grimpa sur le toit.

Une centaine de Chevaliers avaient réussi à gagner le sommet de l’édifice providentiel, et s’étaient déployés de façon à en défendre efficacement l’accès. Les autres combattants étaient restés sur le champ de bataille, morts, blessés, ou prisonniers. Le Commandeur respira. Même si les pertes étaient lourdes, cela aurait pu être pire…

Le Maître Sorcier s’activait au chevet de Valentin, à côté d’Urien qui pleurait à chaudes larmes, avec des hoquets, comme un enfant.

– C’est moi qui l’ai tué, répétait le géant effondré, c’est moi qui les ai tous tués… C’est ma faute, oui, c’est ma faute… Par mon orgueil, et ma folie…

– Il ne sert à rien de se lamenter, dit Qadehar durement. Ce qui est fait est fait, et ton irresponsabilité sera jugée plus tard. Aide-moi plutôt !

Ils déshabillèrent le vieil homme, qui leur parut encore plus maigre sans son armure. La pointe du pieu était profondément enfoncée dans son ventre.

– Il a perdu beaucoup de sang, dit Qadehar, inquiet.

Le Sorcier fouilla dans la poche de son manteau et en sortit une poignée d’herbes sèches, qu’il mouilla de sa salive et appliqua avec précaution sur les pourtours de la blessure.

– C’est une vilaine plaie, annonça-t-il.

– Il faut le sauver ! gémit Urien. Il le faut !

– Si je possédais le moindre pouvoir, ici, répondit Qadehar en posant une main qui se voulait réconfortante sur l’épaule du géant, j’aurais pu te le promettre. Mais sans Graphèmes pour renforcer et compléter l’action des plantes guérisseuses… je doute fort du résultat. Il nous faut attendre, Urien. Je ne peux rien faire de plus.

Au même moment, les Orks lancèrent un assaut sur la terrasse, en utilisant une dizaine d’échelles semblables à celle qui avait permis aux Chevaliers de s’y réfugier. Ils furent repoussés assez facilement. Quelques flèches s’écrasèrent ensuite sur le toit, tirées depuis un bâtiment voisin. Les Chevaliers s’abritèrent derrière leurs boucliers et bientôt les tirs cessèrent. Visiblement, les hordes d’Orks n’étaient bonnes qu’au combat au corps ! Mais les Chevaliers ne se faisaient pas d’illusions…

– Il leur suffit d’attendre, grommela Bertolen. Nous n’avons ni nourriture ni eau !

Mais l’intention des maîtres de Yénibohor était autre. Perché sur un toit de la ville, non loin des Chevaliers, un homme de grande taille s’adressa à eux d’une voix de stentor :

– Toute résistance est inutile ! Vous êtes condamnés ! Je pourrais attendre que le temps fasse son œuvre, mais… je suis impatient de nature !

– C’est le Commandant Thunku, leur révéla Qadehar, le tyran de Yâdigâr. C’est son armée que nous venons d’affronter.

La nouvelle se répandit parmi les Chevaliers comme une traînée de poudre.

– En un sens, avoua Ambor à son ami Bertolen, je préfère ça. J’aurais trouvé inquiétant que de simples prêtres puissent mettre à mal les hommes de la Confrérie…

– Mais que se passe-t-il ? s’étonna Bertolen en voyant une vingtaine d’hommes portant l’armure turquoise et attachés rejoindre Thunku sous la menace d’Orks armés jusqu’aux dents.

Thunku prit à nouveau la parole :

– Comme vous pouvez le voir, j’ai fait quelques prisonniers ! Je vous demande de poser les armes et de vous rendre ! Je vais compter jusqu’à deux cents : à chaque nouvelle dizaine, je tuerai l’un des vôtres ! Jusqu’à ce que vous obéissiez ! Un… deux…

– Commandeur, le pressa Ambor, il faut se rendre ! Nous sommes perdus, de toute manière ! Inutile de faire mourir nos compagnons pour rien !

– Tu as raison, bien sûr, acquiesça celui-ci avant de se tourner vers Thunku et de crier : Arrête ! Nous nous rendons !

Thunku en était à neuf et un Ork brandissait déjà une hache au-dessus de la tête du Chevalier qu’il avait fait agenouiller. Le maître de Yâdigâr fit signe au monstre de reculer, et laissa le prisonnier se relever.

– Sage décision, Commandeur ! Laissez toutes vos armes sur le toit et descendez l’un après l’autre dans la rue !