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– Bon, à supposer que nous parvenions à tenir tête aux mercenaires présents dans la cité, comment combattrons-nous le pouvoir des prêtres ? Il n’y aura que toi, Gérald et moi, peut-être le vieux Qadwan s’il se rétablit d’ici là, pour nous y opposer ! Je ne mets pas en doute la qualité de ta magie, Seigneur Sha, ni celle de Gérald, mais même conjugués, nos pouvoirs ne pèseront pas lourd devant ceux des prêtres !

– C’est donc cela qui t’inquiète, comprit soudain Yorwan : la faiblesse de nos moyens magiques…

Le chef de l’Ours ne répondit pas, et se contenta d’acquiescer d’un signe de tête.

Ils installèrent le campement définitif dans un vallon abrité, à proximité d’une hauteur d’où ils pouvaient observer la plaine, la mer et plus loin, la ville de Yénibohor. Les guerriers des steppes, semblables à de grands fauves, se dispersèrent alentour pour monter une garde discrète et efficace.

Les quatre jeunes gens laissèrent Kushumaï et les trois Sorciers discuter de leurs chances de succès, et s’assirent un peu à l’écart.

– Je me demande ce que peut faire ma sœur. Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas déjà là ?

– Coralie… la route est longue jusqu’au Désert Vorace, essaya encore de la rassurer Romaric. Laisse-lui le temps de revenir !

– Romaric a raison, dit Gontrand. C’est plutôt Bertram qui devrait nous inquiéter ! Vous avez compris, vous, où il était parti ?

– Non, et moi aussi je suis inquiète, avoua Agathe. Bertram avait ce sourire idiot qui précède les catastrophes dont il a seul le secret…

– On n’aurait jamais dû le laisser partir, dit Coralie.

– Bah… faisons-lui confiance, proposa Romaric. Il nous a assez prouvé qu’il était capable du pire comme du meilleur !

– Espérons que cette fois-ci, ce sera le meilleur ! s’exclama Gontrand avec un soupir.

Un nuage de poussière dans la plaine annonça l’arrivée d’une troupe importante. Tout le monde fut aussitôt sur le qui-vive.

– Ça vient de l’ouest, dit Gérald avec les mains en visière pour ne pas être aveuglé par le soleil.

– Non, du sud, rectifia Qadwan.

En réalité, deux troupes avançaient en direction des Collines Grises.

– Est-ce que ce sont les hommes de Yénibohor ? s’inquiéta Gérald.

– Yénibohor est à l’est, répondit Kushumaï. Non, je pense que ce sont les renforts ameutés par l’Ours. Le Seigneur Sha les a mentalement prévenus du changement de notre lieu de rendez-vous.

Effectivement, les troupes qui se rapprochaient, bien qu’hétéroclites, ne rassemblaient ni Orks ni prêtres, mais bien des hommes en armes, équipés d’épées et de lances, d’arcs, de haches, de faux et de bâtons…

– Combien sont-ils ? s’étonna Qadwan.

– Difficile à dire… Peut-être mille, lui répondit Yorwan.

Kushumaï s’avança à la rencontre des premiers groupes d’hommes armés. Ceux-ci la saluèrent avec respect.

– Mais…, s’exclama Gontrand en remarquant un individu parmi la foule. Je le connais, le grand blond, au milieu des hommes roux ! C’est le luthier qui m’a vendu une cithare, un jour, dans un village de l’Ouest !

Il s’approcha de l’homme. Celui-ci ne le reconnut pas tout de suite. Mais, lorsque Gontrand se présenta, il lui serra la main avec chaleur.

– Alors comme ça, vous êtes membre de l’Ours ? lui demanda Gontrand.

– N’oublie pas ce que j’ai dit un jour, dans mon magasin, à un garçon déguisé en Petit Homme de Virdu : chacun a le droit d’avoir ses secrets !

Ils rirent au souvenir de leur rencontre.

D’autres surprises de ce genre attendaient les jeunes gens d’Ys. Entre les vaillants paysans de l’Ouest, et les hommes en armure qui portaient au sommet de leur casque un crâne d’animal sauvage, et dont on disait qu’il s’agissait de la garde personnelle de Kushumaï, une centaine de brigands, aux visages souvent amochés et rudes, distribuaient de franches poignées de main à leurs compagnons de fortune. Gontrand reconnut le jeune brigand, l’Archer, qui avait affronté Tofann, lors de l’embuscade que ses compères et lui leur avaient tendue, sur la route de Yâdigâr. Le géant avait épargné son valeureux adversaire en se contentant de le blesser. Les retrouvailles entre Tofann et l’Archer furent d’ailleurs amicales, le premier se souvenant du courage du brigand, et le second de la générosité du guerrier qui lui avait laissé la vie sauve.

Au côté de l’Archer se tenait un garçon qui les regardait avec des yeux ronds, comme si le ciel venait de lui tomber sur la tête…

– Toti ! lança joyeusement Coralie qui avait reconnu le jeune page, prisonnier en même temps qu’eux dans les geôles de Thunku, à Yâdigâr.

Ils se précipitèrent vers leur ami, totalement incrédule, et l’entraînèrent à l’écart. Tandis que s’achevait l’arrivée des hommes de l’Ours dans les collines, ils se racontèrent leurs aventures respectives. Ils apprirent ainsi que Toti était le frère de l’Archer, et que tous deux, l’un parmi les brigands et l’autre dans le palais de Thunku, servaient d’informateurs à la Société de l’Ours. Quant à Toti, qui trembla et applaudit au récit des exploits de Guillemot dans le palais du Commandant Thunku, dont l’effondrement était resté un mystère, il n’en finissait pas de se réjouir de retrouver ainsi ses amis. Seule l’absence de l’Apprenti Sorcier et d’Ambre faisait une ombre au tableau.

– Oh ! bon sang, si vous saviez combien je suis content ! J’avais vraiment peur de me retrouver tout seul au milieu des brutes et des soldats, comme la dernière fois, dans les prisons du palais !

– Rassure-toi, répondit amicalement Romaric, nous sommes là et nous sommes ensemble. Et je te promets qu’on ne s’ennuiera pas plus ces jours-ci qu’on ne s’est ennuyés à Yâdigâr !

A l’approche de la nuit, un millier d’hommes bien décidés à vaincre les armées de Yénibohor installèrent leur campement dans les Collines Grises. Il ne manquait plus que Bertram, Ambre et Thomas…

XXVI Conseil de guerre

– Coralie, hé, Coralie…

Qadwan secoua doucement la jeune fille qui dormait à côté de ses amis, recroquevillée dans son duvet. Le petit groupe s’était sagement retiré dans un coin du vallon quand les feux de bivouac s’étaient allumés et que les hommes s’étaient mis à rire, à chanter et à discuter…

– Que se passe-t-il ? grommela-t-elle en soulevant tant bien que mal ses paupières.

– Quelqu’un te cherche, une personne qui veut absolument te voir.

Coralie, les cheveux en désordre et les yeux papillonnant, prit le temps de se réveiller complètement. Le jour se levait à peine sur un ciel rempli de nuages. Elle s’habilla prestement, se leva et, après un regard d’envie sur ses compagnons encore endormis, elle suivit le vieux Sorcier.

Qadwan la conduisit jusqu’au sommet de la colline où Kushumaï avait installé son état-major. Aux côtés de la jeune femme se tenaient Gérald, dans le manteau sombre de la Guilde, Yorwan drapé dans celui du Seigneur Sha, Tofann, tout de cuir et de métal, le Chasseur de l’Irtych Violet, en armure légère, le Luthier habillé de la toile épaisse des paysans de l’Ouest et l’Archer, vêtu de pièces hétéroclites dérobées aux victimes de ses embuscades. Tous les sept faisaient face à une petite silhouette qui ne semblait pas intimidée le moins du monde, et qui se jeta dans les bras de Coralie quand elle l’aperçut.

– Coralie ! Coralie !

– Matsi ? Mais… mais…, bégaya-t-elle en serrant dans ses bras la fillette aux cheveux et aux yeux blancs.

– Les gens de la Quatrième Tribu nous ont transmis ton message, expliqua Matsi tout en caressant avec ravissement le visage de la seule véritable amie qu’elle ait jamais eue.