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— L’ennui, observa Marie-Angéline, est qu’Aldo était en Angleterre au même moment et pas bien loin...

— Non. Trop mal fichu, il est déjà dans l’avion qui le ramène en France avant de rentrer à Venise, mais les dates des billets de transport, du passeport n’ont l’air d’intéresser personne, surtout pas la police de Mussolini dont on sait ce qu’elle vaut. Comme Aldo veut régler la chose lui-même, c’est le Quai des Orfèvres qui lui donne un coup de main, et les voilà partis déguisés comme on sait. Nous en sommes là. On a récupéré Vidal... machin mais c’est tout ! À qui la parole ?

— À moi ! fit Marie-Angéline en levant le doigt comme à l’école. Au fond, Adalbert ne risque pas grand-chose. Il était chez lui au moment du vol...

— ... sinon la complicité, et si Mitchell lui met le grappin dessus, il le passera au gril.

— On pourrait peut-être en toucher un mot aux Astor ? proposa Mary. Il se passe chez eux des trucs frisant la criminalité et ils ne bougent même pas le petit doigt ! Probablement qu’ils n’en savent rien. Je ne suis même pas certaine qu’ils sachent qu’il y a un « trou de curé » dans leur plus vieux cottage !

— Alors nous, on fait quoi ?

— On commence par réfléchir ! dit Peter. D’abord je garde A... dalbert chez moi, où il ne risque rien, pour le remettre d’aplomb et lui rendre sa couleur de cheveux habituelle. Pour l’instant, c’est une espèce de petit gazon jaune. On a déjà coupé tout le reste.

— Vous savez qu’il possède une maison non loin d’ici ? demanda Mary.

— Non, mais de toute façon il sera mieux chez moi. Quelqu’un a une idée à présent ?

— Oui. Moi, répondit Mme de Sommières. Nous allons rentrer à Paris...

— Oh non ! gémit Plan-Crépin, ce qui lui valut un coup d’œil glacé.

— Je n’ai pas dit qu’on ne reviendrait pas, mais j’aimerais en discuter avec Pierre Langlois. Si quelqu’un peut nous aider, je pense que c’est lui.

On approuva. De toute façon, cela ne pouvait nuire en rien...

— Il y a surtout quelqu’un qu’il faut arriver à trouver à n’importe quel prix, conclut Peter, c’est le vrai voleur. Celui qui a joué le rôle du prince Morosini... et aussi l’élément trouble qui dirige les menées souterraines chez les Astor...

Ce fut à ce moment-là que Timothy introduisit Lisa. Mary savait qu’elle revenait mais elle ignorait encore le jour et l’heure. Dans tous les cas, sa chambre était prête à la recevoir. En la voyant, Peter rougit comme une belle pivoine et se cassa en deux pour un salut qui eût satisfait la reine. Naturellement, elle fut aussitôt entourée, nantie d’une tasse de thé et de petits gâteaux – pas plus qu’Aldo elle n’aimait les sempiternels sandwichs aux concombres – qui ramenèrent des couleurs sur ses joues.

— Que nous apportes-tu comme nouvelles ? interrogea Mary. À première vue, elles n’ont pas l’air réjouissantes. Oh, tu peux parler sans crainte : tu n’as ici que des amis.

— Pas vraiment ! Je sais où est mon père, au Brésil. Selon la dernière information, il aurait quitté Manaus pour remonter l’Amazone en pirogue, on ne sait pas jusqu’où...

— Et on ne peut pas le rattraper ? s’enquit Peter. Ce n’est pas un hors-bord, une pirogue ?

— Non, sur un fleuve de cette dimension et en pleine forêt vierge, cela n’est pas si facile à repérer.

— Il cherche quoi ? s’étonna Mme de Sommières.

— Des émeraudes, paraît-il ! Comme s’il n’en avait pas encore assez ! ragea Lisa, tandis que Peter levait le doigt :

— Je parie pour les fameuses émeraudes de Cabral, le conquistador portugais qui les aurait trouvées dans une espèce de temple. C’est d’ailleurs toujours la même chanson quand il s’agit d’un truc fabuleux : un temple caché, le front d’une idole... Je sais bien que cela s’est produit à maintes reprises, mais comme on nous le sert tout le temps, cela finit par manquer d’imagination.

Cette réponse lui valut de la part de Lisa un coup d’œil bien proche de l’indignation, et elle lui rétorqua que son père, en général, savait ce qu’il faisait. Sagement, Mary les laissa à leur controverse en pensant que, si c’était dommage de ne pouvoir rattraper Kledermann, le temps qu’il revienne du bout du monde sa fille serait peut-être alors veuve depuis un moment. Car, enfin, il faudrait lui parler du sauvetage quasi miraculeux d’Adalbert... et ce qui s’ensuivait, c’est-à-dire, rien !

Comment Lisa allait-elle prendre cela ?

Mary pensait avoir encore un laps de temps pour réfléchir parce que Plan-Crépin, un peu agacée par les vastes connaissances de Sa Seigneurie, se lançait elle aussi dans l’affaire Cabral, mais Lisa coupa court :

— Et ici ? Que sait-on de plus ?

Au soulagement de Mary, Mme de Sommières vint s’asseoir sur le canapé où se tenait Lisa et prit l’une de ses mains dans les siennes :

— Oui, nous avons du nouveau et du nouveau plus qu’encourageant.

— Et vous n’avez pas commencé par cela ? Qu’est-ce que c’est ?

— Adalbert a été retrouvé par sir Peter, son majordome Finch et Plan-Crépin.

— Et Aldo ?

— Pas encore !

Sentant se crisper la main qu’elle tenait et voyant monter les larmes, la marquise l’attira contre elle :

— Allons ! Ne vous mettez pas dans cet état ! Que l’on n’en ait retrouvé qu’un ne signifie pas que l’autre soit mort, au contraire. Il se peut qu’Aldo ait réussi à se libérer et que le sort d’Adalbert serve de monnaie d’échange. La logique veut qu’ils soient vivants tous les deux.

— Et si vous me racontiez ?

— Laissons la parole à Mlle du Plan-Crépin, décréta Peter avec son sourire en demi-lune qui, en lui-même, était rassurant. D’ailleurs ce n’est que justice, puisque c’est elle la cheville ouvrière de l’aventure. Elle a été géniale !

— Je ne suis pas la seule héroïne de l’histoire. Sans cette fête à tout casser que sir Peter a réussi à monter en un temps record, nous n’aurions guère avancé !

Incontestablement, elle savait raconter, en bonne lectrice qu’elle était, et brossa un tableau magistral du château, des jardins, de la fête, de la foule extraordinairement colorée qui environnait les personnalités royales et les fabuleux joyaux portés par le nabab, sa femme et sa suite, en y prenant un plaisir évident, mais elle ne s’étendit pas au-delà du supportable. Ce n’était pas cela que Lisa attendait. Pourtant, elle ne l’interrompit pas une seule fois. Pas davantage quand elle entreprit l’incroyable aventure vécue dans le vieux cottage et l’incroyable hasard qui leur avait permis de découvrir le « trou de curé » et ce qu’il contenait. Quand enfin elle en fut à la conclusion : Adalbert confortablement installé chez sir Peter sous la garde de Finch, elle parut entrer dans une profonde méditation qui n’eut cependant pas l’air de lui remonter beaucoup le moral :

— Et vous trouvez cela encourageant ? Je croirais plutôt que ces gens ont dû juger inutile de charger leur conscience d’un crime de plus !

— Ça m’étonnerait que ce genre d’individu en soit à un près ! ronchonna Peter.

En dépit de l’espèce de fascination qu’exerçait sur lui la beauté de Lisa, il ne pouvait s’empêcher de plaindre Mary qui, jour après jour, allait devoir subir une angoisse qui refusait tout apaisement. Le portrait du duc de Gordon était terminé et c’était à présent le palais royal qui attendait l’artiste. La consécration suprême, mais vécue dans quelles conditions ? Même si c’était un bonheur de revoir la princesse, elle aurait beaucoup mieux fait de rester en Autriche dans le cercle chaleureux de sa grand-mère et de ses enfants !