Выбрать главу

— Agent de police, fit-il, si vous voulez.

Caroline, toutefois, demeurait abasourdie, elle regardait l’inspecteur de la Sûreté et son visage exprimait une réelle émotion.

— Mon Dieu, mon Dieu, balbutia-t-elle, c’est vous M. Juve !… Le fameux Juve !

— N’exagérez pas !

— Oh, fit Caroline, j’ai bien souvent entendu parler de vous, lu votre nom sur les journaux !…

Elle s’arrêtait net et reprenait, presque terrifiée :

— Ah ça ! vous croyez donc que Fantômas est compromis dans l’affaire ?

— Pourquoi ? demanda Juve interloqué.

— Mais parce que, monsieur… fit naïvement la brave cuisinière, chaque fois qu’il s’agit d’une affaire de Fantômas, vous y êtes mêlé, chaque fois que vous vous occupez d’un drame, c’est qu’à ce drame se mêle le nom de Fantômas… Enfin, comme qui dirait, dès qu’il y a du grabuge quelque part, là où on trouve Juve, on trouve Fantômas, et là où vient Fantômas, Juve ne tarde pas à arriver ! Je m’explique peut-être mal, mais c’est là ma façon de penser !

Juve, malgré lui, souriait…

— Fantômas n’est pas nécessairement dans toutes les affaires dont je m’occupe, et rien ne prouve qu’il soit intervenu dans l’assassinat de ce malheureux Firmin ! Mais le temps passe et vous seriez bien aimable de m’annoncer à M. Drapier. N’est-ce pas, ma bonne Caroline ?

La cuisinière qui tournait les talons s’arrêta, stupéfaite :

— Vous me connaissez, monsieur Juve ?

— Depuis cinq minutes, oui !

— Mais vous savez mon nom !

Le policier souriait encore :

— Affaire d’habitude, nous sommes tous comme ça, nous, les agents de la police, mais ne vous émotionnez pas et dépêchez-vous !…

« Mme Drapier, tout à l’heure, semblait fort ennuyée du temps que vous mettiez à venir ouvrir, et je suis convaincu que M. Drapier, qui travaille actuellement dans son bureau, doit se demander quels sont les gens qui bavardent ainsi dans son antichambre !

Caroline était de plus en plus étonnée.

— C’est pas Dieu possible, murmura-t-elle, ces gens de la police savent tout !

Elle interrogeait Juve.

— Qui c’est qui vous a donc dit que monsieur était là ? Je parie que c’est encore la concierge ; cette femme se mêle de tout ce qui ne la regarde pas !…

— Ça n’est pas la concierge, fit Juve doucement, c’est son chapeau.

— Son chapeau ? Elle n’a pas de chapeau !

Juve insistait toujours avec calme.

— Je vous parle du chapeau de M. Drapier qui est pendu ici à ma droite, au porte-manteau, et dont le cuir intérieur est encore tout luisant de la légère transpiration de M. Drapier, ce qui prouve qu’il est rentré il y a dix minutes à peine et qu’il a marché très vite, car il ne fait pas une température à transpirer, si l’on marche à son pas !

— Mais, vous êtes sorcier !

— Ma bonne Caroline, interrompit Juve, je suis surtout un peu pressé, voulez-vous avoir l’obligeance de prévenir ?

Enfin, Caroline se décidait…

Et perdant de plus en plus la tête, au lieu d’observer les règles protocolaires, elle ouvrit simplement en grand la porte du cabinet de M. Drapier, et d’une voix de stentor annonça :

— Monsieur Juve, agent de police !

— Elle y tient décidément, pensa l’inspecteur de la Sûreté !

Juve, toutefois, avait trop le respect et l’amour de sa profession pour estimer qu’il y avait quelque chose de dégradant dans la qualification d’agent de police…

M. Drapier se leva, et vint au devant du célèbre personnage.

Il lui désigna un siège, d’un air grave et compassé, Juve fit semblant de ne pas apercevoir cette offre et resta debout cependant qu’il prenait un air aimable, pour entreprendre sa conversation avec M. Drapier.

C’était la première fois que le policier venait à la maison du crime.

Assommé d’être obligé d’interrompre son voyage, il n’avait consenti à s’occuper de l’affaire qu’avec une certaine mauvaise grâce.

Il estimait qu’elle s’embarquait fort mal pour lui, les conditions de l’assassinat étaient mystérieuses, les motifs du crime n’apparaissaient point, la qualité de la victime, c’était triste à dire, mais vrai, n’avait rien de bien sensationnel, et enfin Juve considérait qu’il était dans une situation peu favorisée, par ce fait qu’il n’avait pas assisté aux premières constatations et que très certainement il n’arriverait jamais à reconstituer exactement ce qui avait pu se passer.

Toutefois, ces objections, lorsqu’il les avait eu faites dans son esprit, n’avaient pas été pour le décourager, bien au contraire !

Juve, en effet, estimait que dans ces sortes de problèmes plus les inconnues sont nombreuses, et plus les problèmes sont attrayants.

Toutefois, au lieu d’aller vite en besogne, il se proposait d’agir doucement, de faire une enquête de tout repos.

Il s’était fait préciser les détails du crime par le commissaire de police, il avait noté la position dans laquelle on avait retrouvé le mort dans le cabinet de travail de M. Drapier et, bien qu’il se trouvât pour la première fois dans cette pièce, dont la disposition des meubles avait été changée, il se rendait parfaitement compte de l’endroit exact où était tombé le cadavre.

Il y avait, recouvrant le tapis qui était étendu sur le plancher, de petits tapis en peau de chèvre, disposés çà et là. Juve, qui ne s’était pas assis, malgré l’invitation de M. Drapier, alla soudain près d’un petit guéridon, enleva le petit tapis qui était à sa base, et découvrit alors une tache brunâtre, qu’il considéra quelques instants.

— C’est là, n’est-ce pas, monsieur, fit-il, que s’est produit l’épanchement de sang ?

Drapier paraissait étonné mais voulut n’en rien montrer, et se contenta de répondre :

— En effet, monsieur !

Juve, d’ailleurs, n’attendait pas d’approbation.

Il avait sorti de sa poche un mètre et un morceau de craie et sur le tapis il traçait quelques lignes, sans souci de faire des saletés.

— Oui, continua-t-il, comme s’il se parlait à lui-même, il avait les pieds tout près de la cheminée, et s’il est tombé de côté, c’est parce qu’en s’effondrant sa tête est venue heurter le bureau de travail et qu’elle a rebondi en avant…

« Voilà, d’ailleurs, la trace bien nette de ce choc…

Juve appuyait le doigt sur l’angle du bureau empire de M. Drapier, et le directeur de la Monnaie, machinalement, regardait. Il remarquait en effet une légère écorchure au vernis du panneau.

Juve, alors, se dirigea du côté de la fenêtre et, de la façon la plus indifférente, demanda à M. Drapier :

— Voulez-vous avoir l’obligeance de m’ouvrir cette fenêtre ?

Léon Drapier obéissait sans comprendre.

Juve s’éloignait.

— Restez là, dit-il à Drapier qui voulait faire comme lui.

Le directeur de la Monnaie obéit.

— Merci ! lui cria le policier du milieu de la pièce ; maintenant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, ayez donc l’obligeance de fermer cette fenêtre, car il me semble qu’il ne fait pas très chaud !

Ces paroles simples, qui semblaient cependant dissimuler un projet mystérieux, étonnaient profondément le directeur de la Monnaie…

Léon Drapier, toutefois, n’osait rien dire ; il savait que Juve, dont la réputation était mondiale, passait pour un original et qu’il aurait été d’une mauvaise politique de le contrarier.

Après avoir ouvert la fenêtre, Léon Drapier la referma donc ; or, comme il tournait l’espagnolette, la voix de Juve retentit à nouveau.

Elle était toute changée, elle se faisait désormais aimable, cordiale ; Juve, du milieu de la pièce, appelait Léon Drapier et lui disait :

— Et maintenant, monsieur, voulez-vous que nous causions ?