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Paulette se laissa choir dans un fauteuil.

— Que me dites-vous là, monsieur, ce n’est pas possible. Firmain, Firmain est mort assassiné ! Mais c’est épouvantable, c’est affreux ! Ah ! mon Dieu ! mon Dieu !

La demi-mondaine semblait sur le point de défaillir. Juve alla ouvrir la fenêtre ; un peu d’air frais pénétra, le policier lui frappa dans les mains ; Paulette au surplus réagissait.

Elle sanglotait, désormais, doucement.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! balbutiait-elle, dire que j’ai lu tout cela sans comprendre ! et que Léon ne m’a rien dit ! Mais, là… pas un mot de cette affaire ! Oh ! c’est affreux ! affreux !…

Juve sévèrement reprit :

— Mademoiselle, il faut me dire la vérité ! C’est très grave ! Quel est ce Firmain ?

— Mais, fit Paulette à travers ses larmes, c’est quelqu’un que je connais, qui cherchait du travail ; il m’a dit qu’il pourrait se placer s’il avait de bons certificats, que sans ça c’était inutile de chercher une condition. Alors j’ai écrit, moi, tout ce qu’il voulait.

Juve, fixement, considérait la jeune femme.

— Ce garçon, n’est-ce pas, c’était votre amant ?

— Non ! non ! monsieur ! C’était pas mon amant ! Ça, je vous le jure sur la tête de ma mère ! Ah ! par exemple ! mon Dieu ! mon Dieu ! le pauvre garçon !…

— Comment le connaissiez-vous ?

— Je ne sais pas ! je ne sais pas !… Vous savez, nous autres, on connaît un tas de gens qu’on voit, qu’on ne voit plus ou qu’on retrouve !…

Juve, malgré lui, se sentait gagné à là pitié par la douleur très sincère que semblait éprouver la demi-mondaine. Douleur toute faite d’émotion et de sensibilité, d’ailleurs ; il n’insista plus.

Au demeurant, la conviction de Juve était à peu près faite.

Et cependant que son interlocutrice se recueillait, cherchait à calmer sa douleur, le policier imaginait ce qui avait dû se passer.

Garçon d’hôtel ou de restaurant, sans doute, ce Firmain… qui, certainement avait eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Paulette de Valmondois, vraisemblablement était ou avait été son amant. Il tenait d’elle deux certificats faux qui lui permettaient de se placer et le hasard ou la mauvaise chance le conduisait chez Léon Drapier.

Par suite d’une fâcheuse coïncidence, il advenait que Léon Drapier reconnaissait cet homme, ou alors apprenait, devinait peut-être ses relations avec Paulette de Valmondois, leur commune maîtresse. Une scène éclatait entre les deux hommes et, furieux d’être trompé par son valet de chambre, Léon Drapier, au cours d’une altercation, assassinait ce dernier !

C’était là une hypothèse vraisemblable, il ne s’agissait plus que de savoir dans quelles conditions le drame s’était produit et ce qui avait pu le déterminer.

Juve laissait Paulette de Valmondois se reprendre, se réconforter, puis doucement il l’interrogea :

— Mademoiselle, fit-il, voulez-vous me dire la vérité très exacte ? Cela a beaucoup d’importance pour vous, comme d’ailleurs pour M. Léon Drapier…

« Dites-moi, le vendredi 27, qu’est-il arrivé, lorsque vous avez passé la soirée au théâtre, toute seule ?

« Êtes-vous rentrée chez vous ? Étiez-vous accompagnée ?

Juve s’attendait à une réponse négative, il fut très surpris lorsque Paulette lui déclara sur un ton de naïve sincérité :

— Mais oui, monsieur ! Mon amant est venu me chercher à la sortie. Il a passé la nuit entière chez moi, ce qui ne lui arrivait presque jamais…

— Votre amant ? fit Juve, duquel voulez-vous parler ?

— Mais, déclara Paulette, de Léon, de Léon Drapier !

— Ah ! murmura le policier, voilà qui change mon hypothèse !

Et, en effet, il se disait :

— J’étais convaincu que Léon Drapier n’avait pas passé la nuit dans son lit au moment du crime, mais je ne croyais pas qu’il était venu coucher chez Paulette !

« J’imaginais qu’au contraire il était resté tout le temps dans son cabinet de travail. L’affaire se complique singulièrement.

Juve, soudain, se demandait :

— Cette petite femme me dit-elle la vérité ? Drapier a-t-il réellement passé la nuit avec elle ?

Le policier interrogea encore :

— Quelqu’un a-t-il vu votre amant pendant cette nuit, soit entrer, soit sortir de chez vous ? C’est très important ce que je vous demande là… Réfléchissez bien…

Paulette obéissait, elle ferma les yeux, serra son front dans ses mains, puis au bout d’un instant déclara :

— Ma foi, oui, monsieur ; lorsque nous sommes rentrés vers deux heures du matin Léon Drapier s’est souvenu qu’il avait dans sa poche une lettre qu’il fallait mettre à la poste pour sa tante, une dame qui habite Poitiers, je me rappelle cela parce que je connais Poitiers, et alors il m’a dit : « Descendons jusque chez la concierge et donne-lui cette lettre qu’elle la mette à la boîte le plus tôt possible, demain matin… »

— Alors ? fit Juve.

— Alors, poursuivit la demi-mondaine, je suis allée jusque chez la concierge, et j’y ai dit : « C’est une babillarde à coller dare dare dans la fissure du bureau de poste ! » J’ai glissé une pièce de vingt sous avec et la concierge est allée faire la commission sur le coup de six heures du matin…

— C’est parfait, cela ! pensa Juve tout haut. Bien !… L’affaire, tout en se compliquant, s’éclaircit et l’innocence de Drapier m’apparaît désormais ! Certes, il a menti en déclarant qu’il avait passé la nuit chez lui ; mais je comprends qu’il l’a fait pour éviter une scène avec sa femme légitime. Seulement, ce mensonge aurait pu lui coûter cher !

Juve se leva.

— Mademoiselle, dit-il sévèrement avant de quitter Paulette, je dois vous prévenir que vous vous êtes mise dans une situation fort grave en fabriquant de faux certificats.

« Je reconnais que c’est dans une bonne intention, mais je vous conseille vivement de ne pas recommencer, et je vous signale qu’à l’heure actuelle vous encourez deux ans de prison !

Paulette devint livide.

— Ah, monsieur ! monsieur ! de grâce, ne m’arrêtez pas !

— Je ne vous arrête pas ! fit Juve, mais prenez garde !

Et sur cette recommandation le policier quittait la demi-mondaine.

Celle-ci demeurait écroulée, abasourdie, à demi effondrée sur le divan où elle venait de sangloter.

Soudain la Normande réapparut.

Elle avait son air niais et stupide de ses plus grands jours de bêtise.

Elle articula à voix haute :

— C’étions encore un autre homme pour madame, tout de même, ça en fait-t’y des billets !

Paulette sursautait de colère.

— Qu’on me foute la paix ! cria-t-elle, je ne veux voir personne !

Mais il était trop tard, la bonne avait introduit le visiteur dans le petit boudoir et s’éclipsait immédiatement.

— Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Paulette au nouveau venu.

Celui-ci souriait aimablement, il avait l’air élégant, distingué, cossu, des yeux noirs brillaient dans son visage, qu’encadrait une grande barbe poivre et sel.

— Je veux vous voir, vous regarder, jolie Paulette, et vous dire aussi les tendres sentiments que vous m’inspirez !

— Zut alors ! fit la demi-mondaine, maussade, je crois que c’est pas le moment ! La police sort d’ici… j’ai plein d’embêtements !

— Vraiment ? fit le personnage, subitement intéressé, ne pourrais-je pas vous aider ?

— Qui c’est que vous êtes ? demanda Paulette.

— Un homme, ma chère enfant, qui s’intéresse à vous et qui ne manque pas de relations, bien au contraire ! Dites-moi ce qui s’est passé exactement avec le policier qui sort d’ici. Racontez-moi ce que vous lui avez dit.

Et l’homme ajoutait à part :