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Il faisait venir alors le directeur des services de surveillance.

— Monsieur, ordonna Léon Drapier, vous allez me faire le plaisir de doubler votre personnel de veilleurs de nuit !

— C’est déjà fait depuis huit jours, monsieur le directeur !

— Ces hommes n’ont rien découvert, ne se sont aperçus de rien !

Léon Drapier réfléchissait une seconde, puis il invita le comptable et le trésorier à se retirer.

Lorsqu’il fut seul avec le chef de surveillance, Léon Drapier le regarda dans les yeux.

— Voyons, voyons ! fit-il, ça n’est pas possible ! Nous avons des fuites extraordinaires, formidables !

— Hélas ! monsieur le directeur, je le sais, mais qu’y faire ?

— Les empêcher ! pincer les coupables !

— C’est facile à dire !…

— Il faut y parvenir, monsieur ! Dussiez-vous mettre des pièges à loup dans les escaliers, des cartouches de dynamite sous le couvercle des coffres, je ne veux pas, je ne veux pas, entendez-vous, que cela continue quarante-huit heures de suite !

Le chef de surveillance suggéra :

— On pourrait peut-être aviser le service de la Sûreté et demander des inspecteurs ?

Léon Drapier haussa les épaules.

— Vous savez bien que nous l’avons déjà fait ! Lorsqu’il y a des inspecteurs de la Sûreté ici, certes, aucun vol ne se produit, mais sitôt qu’ils ont le dos tourné, les vols recommencent ! Il importe donc de protéger autrement, car les agents de la Sûreté sont certainement connus du voleur.

Léon Drapier s’était approché de la fenêtre, qui donnait sur la troisième cour intérieure, celle par laquelle on allait du musée aux ateliers de la frappe des monnaies.

Il regarda quelques instants, avec une certaine stupéfaction, un groupe de touristes qui traversait la cour et se dirigeait vers l’atelier de l’or.

— Que font ces gens-là ? demanda-t-il à son subordonné.

Le chef de la surveillance s’approcha de la fenêtre.

— Mais, monsieur le directeur, déclara-t-il, ce sont les visiteurs. Il y en a comme ça tous les jours, nous donnons des autorisations assez régulièrement pour qu’on puisse visiter.

Léon Drapier se tourna tout d’une pièce vers le chef de la surveillance.

— Eh bien ! vous ne donnerez plus de ces autorisations à partir de maintenant. Je décide qu’on ne visitera plus la Monnaie jusqu’à nouvel ordre, et, pour commencer, vous allez me faire expulser tous ces gens-là !

Quelques instants après, le groupe des visiteurs, qui déjà s’était introduit dans l’atelier de la frappe d’or, éprouvait une grosse désillusion…

Tandis que le guide, vraiment documenté, était en train de leur expliquer avec le concours des ouvriers la façon ingénieuse et pratique grâce à laquelle on faisait les mélanges des métaux pour obtenir la solidité nécessaire aux pièces d’or, un huissier de l’administration intervenait, coupait la parole à l’orateur, puis lisait une déclaration rapidement écrite sur papier à en-tête aux termes de laquelle les visiteurs étaient priés de se retirer immédiatement.

Le guide n’essayait pas de protester, car il savait que ces sortes de décision sont immuables, mais les clients étaient furieux.

Ils avaient payé d’avance leur voyage, le programme de celui-ci comportait la visite des ateliers de la Monnaie…

L’un d’eux, tout particulièrement, une sorte d’Américain, tempêtait plus que les autres.

— Je vous ferai un procès ! faisait-il au guide, cela ne se passera pas comme ça !

— Cas de force majeure, monsieur, articulait le guide.

Et, quelques instants après, la foule des visiteurs obligée de quitter l’atelier se retrouvait dans la cour de l’hôtel, gagnait la sortie.

L’Américain continuait à tempêter, il ameutait les autres voyageurs. Le guide ne savait plus où donner de la tête, et comme tous ces gens faisaient un formidable tapage, quelques ouvriers qui travaillaient à l’atelier des monnaies d’or quittèrent leurs occupations pour aller dans la cour assister en curieux à la discussion.

Deux d’entre eux venaient à peine d’abandonner leur poste que de sous une sorte de tréteau surgissait une forme humaine qui s’y était dissimulée.

Assurément, ce personnage s’était introduit dans l’atelier avec les visiteurs et il s’était abstenu de sortir en même temps qu’eux.

Ce personnage était vêtu de noir, portait un vêtement souple n’attirant point l’attention. Il tenait à la main des gants noirs et une sorte de foulard, noir également, qui avait tout à fait l’air d’une cagoule.

Évidemment, pour s’être dissimulé de la sorte et caché dans un endroit si surveillé, l’homme devait avoir une audace extrême !

À peine sorti de sous le tréteau qui lui avait servi momentanément d’abri, il ne s’attarda point dans l’atelier de l’or où se trouvaient encore un contremaître et deux autres ouvriers.

Sans faire le moindre bruit, car assurément il avait des semelles feutrées, il se glissa le long d’un mur obscur, se confondant presque avec la cloison.

Puis, à un moment donné, comme une sorte de monte-charge parvenait à la hauteur d’une ouverture pratiquée dans ce mur, l’homme, avec une extraordinaire agilité, se lança dans ce monte-charge qui ralentissant à peine sa marche, continuait à s’élever au sommet de l’immeuble.

Le mystérieux personnage, au moment où il allait arriver dans les combles de l’hôtel des Monnaies, tout en restant accroupi dans le monte-charge, sortait un revolver de sa poche et l’armait.

— On ne sait jamais qui l’on peut trouver ! grommelait-il sourdement. Malheur à quiconque voudrait m’empêcher de passer !

L’homme, toutefois, ne trouvait aucun obstacle.

Le monte-charge, qu’il avait obligé à monter jusqu’au sommet en actionnant la corde qui le commandait, venait de s’arrêter à l’entrée d’un grand grenier absolument vide.

L’homme sauta prestement hors de son ascenseur improvisé, renvoya le monte-charge à son point de départ, s’élança dans le grenier et, dès lors, inspecta le local dans lequel il se trouvait.

C’était une grande salle vide qui ne présentait rien de particulier, si ce n’était toutefois une petite porte encastrée dans la charpente du toit.

L’homme qui venait de s’introduire dans cette salle sortit de sa poche un trousseau de clés ; il en choisit une qui lui permit d’ouvrir la serrure de cette porte dissimulée sans la moindre difficulté.

Assurément, ce n’était pas première fois qu’il passait par ce chemin !

La porte s’entrebâilla ; elle donnait accès au sommet d’une sorte de petit escalier, excessivement étroit, et qui pivotait comme une vrille autour d’un mât central.

L’homme alors referma la porte prudemment, puis se mit à descendre cet escalier. Il descendit la valeur de deux cent seize marches.

Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait, l’obscurité se faisait de plus en plus épaisse. Lorsqu’il parvint au bas de l’escalier, il se heurta encore à une porte qu’il ouvrait au moyen d’une des clés de son trousseau…

Le personnage, dès lors, frissonnant machinalement, releva le col de son vêtement. La température, en effet, était singulièrement fraîche.

L’homme prêta l’oreille ; il n’entendit aucun bruit, sauf celui du pêne qui grinça dans la serrure, lorsqu’il referma la porte sur lui.

Dès lors, le mystérieux individu, sortant de sa poche une petite lampe électrique, appuya sur le commutateur et la lampe s’illumina, éclairant autour d’elle la salle dans laquelle se trouvait l’étrange visiteur.

C’était une cave immense et profonde.

De solides et robustes piliers de pierre en soutenaient les voûtes arrondies comme la crypte de quelque église romane.

Le rayon lumineux de la lampe électrique se reflétait toutefois sur d’énormes blocs de matière jaune et brillante, qui étaient amoncelés dans cette cave. Lorsqu’on considérait ces blocs aux reflets éblouissants, on se rendait compté qu’il s’agissait là, non point de blocs compacts, mais d’innombrables pièces d’or disposées en pile les unes au-dessus des autres et maintenues dans des sortes de cuves en verre !