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— Fantômas, disait-il, s’est aperçu de quelque chose, ce qui ne présage rien de bon ! Tant mieux ! Je ne redoute personne d’autre ! Et, s’il revient, ce qui est certain, eh bien alors ce sera grave !

L’homme, cependant, s’assurait qu’il avait toujours son revolver dans sa poche.

— J’ai six bonnes balles dans un browning… même lorsqu’on est pris au piège, on se défend !

— Avez-vous entendu ?

— Parbleu ! c’est la sonnerie !

Le chef de la surveillance, qui somnolait dans un petit bureau, au deuxième étage de la Monnaie, sursautait. Le tintement grêle d’un grelot d’alarme se faisait entendre en effet.

Le chef de surveillance s’adressait à un gardien de l’hôtel des Monnaies, qui était assis à côté de lui :

— Brigadier ! s’écria-t-il, cela signifie qu’il y a quelqu’un de pincé dans le piège que nous avons disposé dans la cave. Il faut aller voir sans plus tarder !…

Le brigadier devint tout pâle.

— Dites-donc, chef ! Il est sept heures du soir et nous ne sommes plus que tous les deux…

— Eh bien, brigadier ?

— Eh bien, chef, n’avez-vous pas peur ?

— Peur de quoi ?

Le chef de surveillance posait la question, mais son accent troublé démontrait nettement qu’il partageait les appréhensions de son subordonné.

Néanmoins, il ne voulait rien en laisser paraître.

— Qu’est-ce que cela peut faire ! dit-il. Nous n’avons rien à risquer. Cette sonnerie nous prévient que le piège que l’on a posé dans la cave vient de se refermer et que, par conséquent, le coupable que l’on recherche depuis si longtemps a enfin fini par se laisser prendre…

— Chef, articula le brigadier, je ne peux pas croire cela ! Le piège que l’on a disposé est un moyen grossier, et comme, dans la maison, tout le monde est au courant de son existence, le voleur a dû certainement savoir ce que nous avons préparé et a pris ses dispositions pour éviter de tomber dans le traquenard que nous lui avons tendu… Car, ajoutait le brigadier, je ne puis admettre que le mystérieux bandit qui circule si librement dans l’hôtel des Monnaies ne soit pas quelqu’un de la maison très au courant de la disposition des lieux, quelqu’un qui peut-être nous coudoie tous les jours, que nous connaissons aussi bien qu’il nous connaît et que nous voyons comme je vous vois !…

Le chef de la surveillance paraissait très ébranlé par les propos que lui tenait le gardien.

— Mais alors, demanda-t-il, comment se fait-il que la sonnette ait été agitée, que le grelot tinte toujours ?

— C’est bien simple, articula le brigadier. On veut nous attirer dans ce sous-sol… L’homme a fait se refermer le piège et agir la sonnette pour nous surprendre, nous attaquer dans un véritable guet-apens. Méfiez-vous !… Monsieur le chef, méfions-nous !…

À ce moment, un coup violent était frappé à la porte de la pièce qu’occupaient les deux hommes.

— Mon Dieu ! dit le chef en sursautant, qu’est-ce qu’il y a encore ? Que veut-on ?

Et il devenait livide.

Le brigadier se précipitait pour ouvrir, mais quelqu’un, qui n’avait pas attendu l’autorisation d’entrer, se présentait devant les deux hommes.

Ceux-ci demeurèrent stupéfaits, abasourdis.

Ils avaient en face d’eux un personnage modestement vêtu de noir, au col relevé, au chapeau de feutre mou abaissé sur le nez.

Il n’enleva pas son chapeau, il ne salua même pas. Il demeurait immobile devant le chef et le brigadier et, à brûle-pourpoint, interrogea :

— Léon Drapier n’est donc pas avec vous ?

Léon Drapier !…

Cet homme parlait de M. le directeur avec une déconcertante familiarité.

Le chef de la surveillance était si troublé qu’il ne trouvait rien à rétorquer, mais le brigadier articula :

— M. le directeur quitte le bureau généralement entre cinq heures et demie et six heures ; or, il est six heures passées…

L’homme reprit sèchement :

— Léon Drapier n’a pas quitté la Monnaie ce soir !

— Qu’en savez-vous ? fit le chef de la surveillance.

L’homme, plus sèchement encore, répliqua :

— Je le sais, cela suffit ! Mais je vous répète ma question : savez-vous ce qu’il est devenu ?

— Ah ça ! commença le brigadier, mais d’abord qui êtes-vous ? À qui avons-nous l’honneur de parler, et comment vous êtes-vous introduit vous-même dans l’hôtel des Monnaies ?

Un léger sourire erra sur les lèvres du personnage, qui murmura entre ses dents :

— Je suis comme chez moi à la Monnaie, je m’appelle M. Mix !

Ce nom ne disait rien au brigadier, mais le chef de la surveillance salua légèrement en l’entendant prononcer ce nom.

— Ah ! pardon ! dit-il, j’ignorais… Je ne vous connaissais pas… ou plutôt je ne vous reconnaissais pas, monsieur, car lorsque je vous ai vu dans le cabinet de M. le directeur, vous aviez, il me semble, une grande barbe blonde…

M. Mix, car c’était bien lui, sourit encore :

— Alors, c’était un vendredi !… Généralement, le vendredi, je mets ma barbe blonde. Je réserve ma barbe blanche pour les dimanches, les jours où l’on s’habille, car c’est plus salissant… Il m’arrive parfois d’être borgne aussi et d’avoir un grand bandeau sur l’œil… Quelquefois, je mendie armé de béquilles, mais c’est irrégulier… entre onze heures et midi toutefois. Enfin, monsieur, je suis détective et, par ce fait, cela n’a rien d’étonnant à ce que vous ne m’ayez pas reconnu !

Le brigadier qui, avec stupeur, avait écouté le commencement de ce récit, s’écria à son tour :

— Ah ben, par exemple ! Je ne suis pas fâché de savoir qui vous êtes et de vous rencontrer en ce moment ! Puisque vous êtes M. Mix, le détective du patron, vous êtes certainement au courant de ce qui se passe ici ?

— Oui, fit le détective.

Le chef de la surveillance faisait signe de se taire et, ayant obtenu le silence, il articula :

— Vous entendez cette petite sonnerie, qui tinte depuis quelques instants ?

— Oui, fit encore Mix, et je sais que cela signifie que l’un des pièges disposés dans l’immeuble vient de se refermer sur quelqu’un, le coupable vraisemblablement…

— À moins que…, commença le brigadier qui voulait préciser à nouveau les appréhensions qu’il avait déjà formulées.

Mais M. Mix ne lui en laissa pas le temps.

— J’ai entendu, moi aussi, cette sonnerie, tout à l’heure, non pas la vôtre, celle que l’on entend dans le bureau de Léon Drapier. J’y suis entré…

— Dans le bureau ? s’écria le gardien, il était fermé à clé…

— Ne vous en inquiétez pas, fit Mix, j’ai sur moi de quoi l’ouvrir. Léon Drapier n’y était pas. Qu’est-il devenu ?

Le chef de la surveillance s’épouvantait de plus en plus.

Il courut dans la direction de son appareil téléphonique.

— Il faut prévenir la police ! s’écria-t-il, il faut demander le chef de la Sûreté et ses hommes !

Le détective l’arrêtait d’un geste et d’un mot :

— Laissez donc ! C’est déjà fait… Ces messieurs vont arriver d’un instant à l’autre.

— Ouf, s’écria l’homme qui était pris au piège dans la cave.

Après un effort surhumain, il venait enfin d’écarter les deux terribles mâchoires de fer qui serraient sa jambe meurtrie. Il était libre !…

Toutefois, sa plaie saignait abondamment et il souffrait le martyre, mais l’homme avait une énergie farouche.

Déchirant son mouchoir, il le serra autour de sa cheville. Ayant ainsi arrêté l’épanchement de sang, l’homme s’efforça de marcher. Il faisait quelques pas, boitait affreusement…