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— Bien ! bien ! approuvait Juve qui était certain de ne point se tromper, car il ramenait tous les événements extraordinaires à un enchaînement réellement logique. Bien ! très bien ! Mais maintenant, que vais-je faire ?

Juve semblait hésiter sur le parti à prendre. Parvenu sur les quais, il prêta l’oreille. On n’entendait plus aucun bruit. Non seulement la lutte était finie, mais les agents avaient dû renoncer eux-mêmes à toute espèce de poursuite qui pouvait être dangereuse et dont l’utilité n’apparaissait pas.

Le policier hocha la tête. Quelques instants plus tard, toutefois, il ajoutait :

— Décidément, il est très habile, ce M. Mix qui a fait ma capture ! À l’occasion, il faudra que je le félicite !…

Et Juve souriait d’un air bonhomme, en songeant à ces louanges qui, cependant, étaient à coup sûr méritées…

XX

Complications conjugales

C’était décidément un homme étrange que ce M. Mix !

Pendant quarante-huit heures, il avait disparu et désormais, ce soir-là, il se trouvait à nouveau fort tard dans le cabinet de Léon Drapier, au propre domicile du directeur de la Monnaie.

Léon Drapier n’était pas là, et la sonnerie du téléphone vint à résonner.

Mix se précipitait aussitôt, décrochait le récepteur.

— Allô ! fit une voix que le détective privé reconnut être celle de M. Havard, chef de la Sûreté.

Celui-ci au surplus se nommait ; il demanda en premier lieu :

— Est-ce bien à M. Léon Drapier que j’ai l’honneur de parler ?

Chose extraordinaire, Mix contrefaisait alors sa voix et rétorquait au chef de la Sûreté :

— C’est en effet à M. Léon Drapier que vous parlez. Que me voulez-vous ?

Le chef de la Sûreté ne remarquait nullement qu’il n’avait point affaire au directeur de la Monnaie et que c’était une autre personne qui lui répondait.

— Je désire, fit-il, vous voir tout à l’heure, et je vous prie de ne point quitter votre domicile sans mon autorisation.

Mix affecta une attitude indignée.

— Sans votre autorisation ! s’écria-t-il, est-ce donc, monsieur le chef de la Sûreté, que vous vous arrogez le droit de déterminer la conduite qu’il m’appartient d’avoir ?

Le chef de la Sûreté, sèchement, rétorquait :

— Prenez-le comme vous voudrez, monsieur le directeur, mais il s’est passé des événements tellement graves ces jours derniers et les circonstances dans lesquelles nous vous avons découvert dans les caves de l’hôtel des Monnaies sont tellement extraordinaires que je peux avoir l’opinion qui me plaît !

Mix affectait alors une attitude plus humble et un ton plus courtois.

— Eh bien, déclara-t-il, monsieur le chef de la Sûreté, c’est une affaire entendue !

Il raccrochait à peine l’appareil que la porte du cabinet dans lequel il se trouvait s’ouvrait précipitamment. Léon Drapier arriva.

— Qu’y a-t-il ? demanda celui-ci. Est-ce à moi que l’on téléphone ?

Mix avait repris un air impassible, et nettement il déclara :

— Pas le moins du monde, mon cher monsieur Drapier ! C’était une affaire personnelle, et je m’étais permis en votre absence de me servir de votre appareil !

Pourquoi donc Mix faisait-il au directeur de l’hôtel des Monnaies une semblable réponse ?

Depuis quelques jours, l’attitude de Mix était véritablement extraordinaire et, si Léon Drapier n’avait pas été si abasourdi, si préoccupé par les aventures qui lui survenaient, il l’aurait à coup sûr remarqué.

Mix était pour lui un ami, à la manière de l’ours du jardinier qui jetait un pavé sur la tête de son maître afin d’écraser une mouche susceptible de l’importuner !

Lors de la fameuse affaire de l’hôtel des Monnaies, Mix avait en réalité plus compromis M. Léon Drapier qu’il ne l’avait aidé.

Était-ce volontaire ? Ou était-ce le résultat de coïncidences fortuites ?

Nul n’aurait pu le dire.

Mais un fait demeurait certain, c’est que Mix, ayant appelé la police au moment où la sonnerie retentissait, annonçant que, dans la cave, quelqu’un était pris au piège, avait fait découvrir dans ce piège le directeur de la Monnaie lui-même et qu’il avait laissé s’étonner singulièrement le chef de la Sûreté !

Ce n’était pas la première bêtise que commettait le détective privé à la solde de Léon Drapier.

Sur les conseils de Mix, le directeur de la Monnaie avait, en effet, commis des actes réellement suspects, indiscutablement susceptibles de le compromettre.

Il s’était introduit dans l’appartement de sa maîtresse, Paulette de Valmondois, pour y faire disparaître les traces qu’il pouvait y avoir laissées.

Il s’était rendu coupable de bris de scellés à son domicile et de substitution de faux cachets aux cachets véritables que la justice avait apposés sur certains meubles de son cabinet de travail.

Enfin, si telles étaient les fautes commises par Léon Drapier sur l’instigation de Mix, ce dernier, qui avait acquis la certitude que quelqu’un avait précédé dans le piège de la cave le directeur de la Monnaie, quelqu’un qui vraisemblablement devait être le coupable, n’en avait rien dit au chef de la Sûreté, que cette révélation aurait certainement intéressé.

Le détective privé avait laissé partir la police officielle et, alors que Léon Drapier soignait sa jambe meurtrie, le détective privé avait interrogé son client de telle façon que celui-ci pouvait croire un moment qu’il était suspect aux yeux de celui qu’il avait attaché à sa personne à titre de témoin de son innocence.

Ce soir-là, le soir du drame, sur les instances de Léon Drapier, Mix avait consenti à redescendre avec lui dans la cave.

Le directeur de la Monnaie voulait, en effet, être renseigné sur un fait qui lui paraissait extraordinaire.

Y avait-il réellement quelqu’un de caché sous l’amoncellement des pièces d’or éparpillées dans la cave ?

Et, dans l’affirmative, quel était ce quelqu’un ?

Les deux hommes étaient donc descendus vers onze heures du soir, c’est-à-dire après la capture de Léon Drapier dans le piège, revoir la cave mystérieuse.

Or, ils avaient retrouvé le tas de pièces d’or, et ils s’étaient bien rendu compte qu’assurément quelqu’un avait dû fuir par un trou creusé à même le sol, mais lorsque Léon Drapier avait voulu en aviser la police, Mix s’y était opposé.

— À quoi bon ? disait le détective. En voulant trop prouver, on ne prouve rien, et si nous montrons à M. Havard ce passage souterrain, qui communique certainement avec l’extérieur et par lequel a dû s’introduire le voleur, nous sommes certains que tout le monde sera au courant de ce qui s’est passé et que plus jamais on ne parviendra à prendre le coupable ! Il faut avoir l’air d’ignorer que nous avons découvert le chemin par lequel l’homme dérobe les pièces d’or, l’homme qui s’est fait prendre au piège et qui s’est échappé, et ceci pour que le personnage, convaincu qu’il ne risque rien, se décide à revenir. Alors nous le prendrons, et non seulement votre innocence, monsieur Léon Drapier, sera prouvée, mais encore nous apporterons à la justice les preuves de cette innocence, et le coupable ne pourra plus nier !

Léon Drapier, peu à peu, s’était rendu à ce raisonnement, car Mix lui avait fait valoir cet argument :

— Ce passage souterrain, du moment qu’il n’y a personne dedans et que nul ne s’en sert, ne justifie pas votre honnêteté ! Et si la police vous soupçonne, elle imaginera très certainement que c’est vous-même qui avez fait creuser ce passage afin de lui donner le change !…