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— Vraiment, Juve, fit-il, vous allez m’attirer des histoires avec mon propriétaire, j’avais là un panneau de mur à peu près convenable et vous le détériorez !

Juve comprenait que le chef plaisantait et il rétorqua sur le même ton :

— Je paierai les dégâts, vous m’enverrez la facture !

Toutefois, redevenant sérieux, il articula :

— Dans cinq minutes, M. Mix va être ici. Faites-moi un plaisir, M. Havard, passez dans ce cabinet noir et demeurez-y jusqu’à ce que vous jugiez utile d’apparaître ! En collant votre oreille au mur vous entendrez ce qui se dira dans votre cabinet, en mettant l’œil au trou que je viens de faire dans la cloison vous verrez ce qui se passera dans cette pièce !

— Qu’entendrai-je donc et que se passera-t-il ? demandait alors M. Havard, de plus en plus intrigué.

— Voici, fit Juve. Je recevrai M. Mix à votre place. Nous causerons tous les deux, vous me verrez faire certaines choses qui vous étonneront d’abord et qui vous rassureront ensuite !

— Ma foi ! je ne vous comprends pas du tout ! fit Havard.

Mais Juve insistait d’un ton persuasif :

— Vous allez comprendre ! commença-t-il, lorsqu’il s’arrêta net.

Un coup de sonnette venait de retentir à la porte d’entrée ; les deux hommes se regardèrent.

— Eh bien ! fit Juve.

— Eh bien, articula Havard, c’est lui, mais qui donc ira ouvrir, si je dois me dissimuler ?

— Ne vous en inquiétez pas ! fit Juve, je me charge de tout !

La porte d’entrée s’ouvrait quelques secondes après.

L’antichambre était obscure et Juve, qui venait de remplir l’office de valet de chambre, aperçut, sur le palier, M. Mix.

— Entrez donc, monsieur ! fit-il.

Le détective privé s’avança.

Il ne voyait point Juve dans l’obscurité, il passa sans faire attention à l’homme qui venait de lui ouvrir la porte et qu’il prenait pour un domestique.

Sans enlever son pardessus, se contentant de tenir son chapeau à la main, Mix, machinalement se dirigea vers une pièce au fond de l’antichambre, qui lui apparaissait éclairée et dont la porte était entrebâillée.

Il était suivi de près par le personnage qui lui avait ouvert.

Tous deux entraient dans le cabinet de travail de M. Havard et dès lors M. Mix, s’étant retourné pour voir l’homme qui le suivait, s’arrêta interdit.

— Juve ! s’écria-t-il, Juve ! Monsieur Juve ! Ah ! par exemple, quelle bonne surprise !

Il semblait que M. Mix, en prononçant ces paroles, éprouvait une certaine gêne et Juve, qui observait tout, remarquait qu’instinctivement M. Mix avait porté la main à la poche de son veston à la manière de quelqu’un qui y cherche un objet familier.

— Oh ! oh ! pensa Juve, le gaillard est armé !

À l’exclamation de Mix, Juve, toutefois, répondait par une inclinaison de tête :

— Je suis heureux, monsieur, fit-il, de me trouver en votre présence !

— Tout le plaisir est pour moi ! fit aigrement Mix.

— Pas du tout, précisa Juve, je vous affirme qu’il est pour moi !

Les deux hommes se regardaient comme deux adversaires qui se cherchent. Ils voulaient respectivement lire leurs pensées dans leurs yeux et tous deux avaient évidemment l’habitude de dissimuler leurs sentiments, car ils restaient impénétrables l’un pour l’autre.

Juve, cependant, reprenait la parole :

— Monsieur Mix, vous avez rendez-vous avec M. Havard, ce soir à son domicile ?

— En effet !

Juve continuait :

— M. Havard m’a chargé de l’excuser auprès de vous s’il est en retard de quelques instants, mais, vous savez, un chef de la Sûreté ne fait pas du tout ce qu’il veut ! Vous êtes au courant d’ailleurs des choses de la police étant vous-même détective privé et, si je ne me trompe, sur le point de devenir mon collègue en qualité d’inspecteur de la Sûreté ?

— En effet, monsieur ! articula Mix.

Juve se faisait de plus en plus aimable :

— Tous mes compliments ! dit-il.

Il désignait un siège à son interlocuteur, mais, au moment où celui-ci allait s’asseoir, Juve, brusquement, se précipitait sur lui.

— Je suis un bien mauvais maître de maison ! fit-il. Il est vrai que je le suis par intérim ! En tout cas je m’excuse, M. Mix, de ne pas vous avoir invité à ôter votre pardessus ! Il fait une chaleur ici… M. le chef de la Sûreté est d’un frileux… Permettez que je vous aide ?

Et, sans attendre de réponse, Juve obligeait pour ainsi dire le détective privé à quitter son pardessus.

Certes, à ce moment, si M. Havard regardait par le trou percé dans le mur, il voyait quelque chose de bien extraordinaire…

En même temps que Juve, aimablement, posait le pardessus de M. Mix, il le dépouillait du portefeuille que celui-ci avait dans la poche intérieure de son veston !

Et cela était fait, d’ailleurs, avec une rapidité telle, une habileté si grande, qu’il était à peu près impossible de s’en apercevoir !

M. Mix n’avait rien remarqué, il s’asseyait dans un fauteuil ; Juve se mettait en face de lui.

Il y eut un léger silence, après quoi le célèbre inspecteur, considérant son interlocuteur, se mit à bavarder.

— Quelle étrange affaire, n’est-ce pas, monsieur Mix, que celle du directeur de la Monnaie qui vient de s’achever par l’arrestation de M. Léon Drapier ?

— En effet ! déclara Mix.

Juve poursuivit :

— Ce qui me paraît fort original dans cette aventure, c’est que ce soit un homme qui, comme vous, monsieur Mix, était tout d’abord préoccupé de prouver l’innocence de Léon Drapier, qui soit la cause, en somme, en définitive, de l’arrestation de ce dernier !

— Évidemment ! reconnut Mix d’un air évasif. J’avais cru à son innocence, mais M. le chef de la Sûreté m’a démontré sa culpabilité et, comme je suis un honnête homme, que je cherche surtout le châtiment des coupables, je n’ai pas cru devoir m’opposer à l’arrestation de M. Léon Drapier, bien au contraire !

Juve fixait dans les yeux M. Mix.

— Croyez-vous cependant que Léon Drapier soit réellement un voleur ? réellement un assassin ?

— Je le crois ! naturellement ! fit Mix interloqué.

— Eh bien, dit Juve en se levant, moi je ne partage pas votre opinion !

— Vraiment ! dit-il ; expliquez-vous…

— C’est ce que je vais faire ! poursuivit Juve, mais auparavant, monsieur Mix, acceptez une cigarette ; M. Havard, qui est fumeur, ne verra aucun inconvénient à ce que nous remplissions son cabinet de fumée en l’attendant !

Juve venait d’ouvrir son étui à cigarettes, il le présentait à son interlocuteur ; mais, au moment où celui-ci, de sa main droite, puisait dans l’étui, Juve, qui le présentait à plat sous le visage de Mix, comme pour masquer ses propres mains à lui, effleurait la poche de Mix et en extrayait un browning qu’il mettait dans la sienne !

Décidément Juve était passé maître en l’art du vol à la tire, car Mix, détective privé, policier de métier, du moins il le disait, ne s’apercevait absolument de rien.