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Nul n’aurait pu le dire.

Mais un fait demeurait certain, c’est que Mix, ayant appelé la police au moment où la sonnerie retentissait, annonçant que, dans la cave, quelqu’un était pris au piège, avait fait découvrir dans ce piège le directeur de la Monnaie lui-même et qu’il avait laissé s’étonner singulièrement le chef de la Sûreté !

Ce n’était pas la première bêtise que commettait le détective privé à la solde de Léon Drapier.

Sur les conseils de Mix, le directeur de la Monnaie avait, en effet, commis des actes réellement suspects, indiscutablement susceptibles de le compromettre.

Il s’était introduit dans l’appartement de sa maîtresse, Paulette de Valmondois, pour y faire disparaître les traces qu’il pouvait y avoir laissées.

Il s’était rendu coupable de bris de scellés à son domicile et de substitution de faux cachets aux cachets véritables que la justice avait apposés sur certains meubles de son cabinet de travail.

Enfin, si telles étaient les fautes commises par Léon Drapier sur l’instigation de Mix, ce dernier, qui avait acquis la certitude que quelqu’un avait précédé dans le piège de la cave le directeur de la Monnaie, quelqu’un qui vraisemblablement devait être le coupable, n’en avait rien dit au chef de la Sûreté, que cette révélation aurait certainement intéressé.

Le détective privé avait laissé partir la police officielle et, alors que Léon Drapier soignait sa jambe meurtrie, le détective privé avait interrogé son client de telle façon que celui-ci pouvait croire un moment qu’il était suspect aux yeux de celui qu’il avait attaché à sa personne à titre de témoin de son innocence.

Ce soir-là, le soir du drame, sur les instances de Léon Drapier, Mix avait consenti à redescendre avec lui dans la cave.

Le directeur de la Monnaie voulait, en effet, être renseigné sur un fait qui lui paraissait extraordinaire.

Y avait-il réellement quelqu’un de caché sous l’amoncellement des pièces d’or éparpillées dans la cave ?

Et, dans l’affirmative, quel était ce quelqu’un ?

Les deux hommes étaient donc descendus vers onze heures du soir, c’est-à-dire après la capture de Léon Drapier dans le piège, revoir la cave mystérieuse.

Or, ils avaient retrouvé le tas de pièces d’or, et ils s’étaient bien rendu compte qu’assurément quelqu’un avait dû fuir par un trou creusé à même le sol, mais lorsque Léon Drapier avait voulu en aviser la police, Mix s’y était opposé.

— À quoi bon ? disait le détective. En voulant trop prouver, on ne prouve rien, et si nous montrons à M. Havard ce passage souterrain, qui communique certainement avec l’extérieur et par lequel a dû s’introduire le voleur, nous sommes certains que tout le monde sera au courant de ce qui s’est passé et que plus jamais on ne parviendra à prendre le coupable ! Il faut avoir l’air d’ignorer que nous avons découvert le chemin par lequel l’homme dérobe les pièces d’or, l’homme qui s’est fait prendre au piège et qui s’est échappé, et ceci pour que le personnage, convaincu qu’il ne risque rien, se décide à revenir. Alors nous le prendrons, et non seulement votre innocence, monsieur Léon Drapier, sera prouvée, mais encore nous apporterons à la justice les preuves de cette innocence, et le coupable ne pourra plus nier !

Léon Drapier, peu à peu, s’était rendu à ce raisonnement, car Mix lui avait fait valoir cet argument :

— Ce passage souterrain, du moment qu’il n’y a personne dedans et que nul ne s’en sert, ne justifie pas votre honnêteté ! Et si la police vous soupçonne, elle imaginera très certainement que c’est vous-même qui avez fait creuser ce passage afin de lui donner le change !…

Et Mix concluait, d’une façon doctorale et sentencieuse :

— Le personnel de la Sûreté, depuis le plus petit inspecteur jusqu’au chef, est composé de gens simples et de gens entêtés qui, lorsqu’ils ont trouvé une piste qui leur paraît vraisemblable, ne changent plus jamais d’opinion et s’y tiennent en dépit de tout.

Léon Drapier alors, sur les conseils de Mix, avait quitté la cave, dont il refermait soigneusement la porte à clé, ayant soin de laisser tout en état, puis il avait regagné son domicile.

Et, pendant quarante-huit heures, Mix avait disparu…

Ce soir-là, Léon Drapier retrouvait son détective chez lui.

À peine avait-il ôté son chapeau et son pardessus que Léon Drapier s’entendait dire par son énigmatique conseiller :

— Si vous voulez m’en croire, monsieur Léon Drapier, nous allons sortir immédiatement pour nous rendre à la Monnaie.

— Pourquoi faire ? interrogea Drapier surpris.

— Parce que, articula Mix à voix basse, comme s’il redoutait d’être entendu par quelqu’un dans la maison, j’ai l’impression, la conviction, presque la certitude que, si nous nous rendons cette nuit dans les caves de l’hôtel des Monnaies, nous y apprendrons du nouveau…

— Qu’est-ce qui vous fait croire cela ? demandait Drapier.

— Mes pressentiments ! faisait simplement Mix, qui ajoutait encore : Vous n’ignorez pas, monsieur Drapier, que je crois aux pressentiments de la façon la plus formelle et la plus absolue. Jamais, jusqu’à présent, je n’ai été trompé par ces mystérieuses révélations de l’au-delà et, au surplus, si nous ne réussissons pas, si nous ne voyons personne, cela ne saurait nous nuire en aucune façon…

Léon Drapier, qui était accablé par les successions de drames qui se produisaient autour de lui, Léon Drapier, qui, depuis la mort de sa maîtresse, mort mystérieuse et tragique, demeurait comme frappé par un coup de massue, avait perdu toute volonté d’agir et de penser.

Il se laissait guider comme un enfant et, Mix lui ayant manifesté son désir de partir le plus tôt possible pour l’hôtel des Monnaies, Drapier s’en allait remettre son pardessus et son chapeau.

Depuis quarante-huit heures, c’était à peine s’il avait vu sa femme, s’il s’était préoccupé de ce qu’elle devenait.

Toutefois, malgré son ahurissement, Léon Drapier n’avait qu’une idée, qui persistait à la manière d’une idée fixe dans son esprit.

Il s’inquiétait uniquement de savoir si la tante Denise était ou non au courant de ce qui s’était passé, et jusqu’à présent il avait le bonheur d’apprendre que la tante Denise, dans son isolement provincial et lointain de Poitiers, ignorait absolument tout des drames survenus, à l’exception toutefois des fuites mystérieuses que l’on avait constatées à la Monnaie et dont on parlait dans les journaux, mais à propos desquelles on n’incriminait en aucune façon le haut fonctionnaire des finances qui dirigeait l’atelier de la frappe des monnaies.

Quelques instants après, Mix et Léon Drapier se trouvaient dans la rue de l’Université et s’acheminaient d’un pas rapide dans la direction de l’hôtel des Monnaies.

— Le gardien va être surpris de nous voir ! articula Drapier, qui songeait qu’il était une heure avancée de la nuit et qu’on allait sûrement s’étonner de le voir arriver.

À peine avait-il proféré ces paroles que Mix s’arrêtait net sur le trottoir et regardait fixement son compagnon.

— Ah çà ! interrogea-t-il, perdez-vous la tête ?

— Pourquoi donc ? demanda Léon Drapier.

— Mais, poursuivit Mix, parce qu’il n’est pas dans mes intentions, le moindrement, d’informer vos gardiens de votre venue à l’hôtel !… Il faut au contraire que celle-ci passe absolument inaperçue…

Léon Drapier ne comprenait pas le motif de cette attitude préconisée par son détective.