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TOUT LE MOiNDE FREMISSAIT ALORS

alors, il y avait toujours au moins une dame ou deux qui s'évanouissaient de terreur. Le gros Hercule fit un signe de tête en souriant avec vanité.

— Et c'est fini I

— Indemnité, répéta timidement Dumollet.

— Nous sommes ruinés ! notre nègre Carcasfeou nous a quittés il y a trois jours pour aller avec la concurrence, un cirque de quatre sous..., la perte de noire serpent nous achève !

Les deux Hercules secouèrent plus vigoureusement Dumollet.

— Je ferai tout ce qu'il faudra ! gémit l'infortuné.

— Ecoutez, vous avez un bel àne—

— Vous donner Coqueluchon, jamais ! j'offre quarante franc? !

— Vous plaisantez, le serpent valait vingt fois plus nous prendrons les quarante francs et.... votre âne est très joli....

— Je ne veux pas le donner!

— Vous ne nous le donnerez pas, vous nous le prêterez ! Là ! Le temps de raccommoder notre serpent.... Quelques jours seulement.... sans quoi vous comprenez que sans nègre et sans serpent nous ne pouvons plus rien faire, tout est perdu par votre faute.

— Mais je n'ai pas tué votre nègre, moi, si j'ai abimé votre serpent !

— La perte de notre serpent nous achève.... Je nègre, à la rigueur, nous nous en passions, mais le serpent ! Donc 40 francs et votre âne pour quelques jours....

— Je ne veux pas m'en séparer....

— Eh bien, restez avec lui et venez avec nous...

— Par exemple ! dit Dumollet, et ma dignité ? Colombine et les deux Hercules reprirent le collet de Dumollet.

— Je consens ! dit Dumollet,

— Venez en ami! nous sommes de bons enfants, reprit la Colombine et j'ai encore une idée ! Écoutez : Vous parlez de votre dignité, j'ai trouvé un moyen de la mettre à couvert, vous remplacerez le nègre Carcassou !

Dumollet et le gros Hercule regardèrent Colombine. le premier avec effarement et le second avec admiration.

— Je vous en prie, reprit Colombine, il n'y a que ce moyen de sauver notre représentation de demain à Dreux, Carcassou gt le serpent sont sur les affiches placardées depuis 8 jours en ville, si tous les deux manquent, on

Terribles exercices du dompteur Tur-pinski.

nous jettera des pommes cuites ! Consentez à prendre le r61e de nègre et tout ira bien tout de même.

Déjà le Jocrisse entraînait vers les voitures Coqueluchon suivi par les chiens savants.

— Allons ! dit Dumollet, je consens à vous suivre, mais nous verrons pour le nègre.

— Vous n'aurez qu'à vous tenir dans une cage et à grincer des dents sans rien dire... ça n'est pas difficile, il n'y a pas besoin d'avoir la vocation...

— Mais je ne suis pas nègre du tout!

— Qu'est-ce que ça fait, en une demi-heure, demain malin, on vous transformera en nègre.... et vous êtes justement de la taille de Carcassou, j'ai un de ses costumes de sauvage qui vous ira très bien.

Dumollet baissa la tête tout à fait accablé sous les coups de la destinée. Décidément le ciel lui en voulait, la falalité s'acharnait à l'écraser sous des coups redoublés, il se déclarait vaincu et désormais il ne résisterait plus ! Et pris sous le bras d'un coté par l'Hercule gras et de l'autre par l'Hercule maigre, il suivit Coqueluchon vers le campement des saltimbanques.

MADEMOISELLE FRISKA TLHPINSKA

UN SODPER D AUTISTES

VIII

Souper à la belle étoile et installation en trois morceaux dans l'armoire des Turpinski.

Dans un pli de terrain, le long du bois, deux longues voitures étaient rangées côte à côte, deux véritables maisons roulantes, peintes en vert tendre, avec escalier et balcon à l'avant, fenêtres à rideaux rouges et cheminées lançant en l'air leur petite spirale de fumée.

Sur le côté paissaient quatre chevaux extraordinaires, vieux, maigres, velus et comme chevelus, avec des crins jaunes tombant en longues mèches éplorées le long du nez, ce qui leur donnait de faux airs de poètes incompris ou d'étudiants allemands.

Entre les deux voitures une jeune fille vêtue d'un costume de danseuse de corde, déchiré, reprisé, mais encore orné çà et là de quelques rangs de paillettes, mettait des assiettes sur une planche posée sur deux caisses, tandis que, sous cette table improvisée, une chienne savante, sans souci de sa belle

robe à falbalas, donnait à téter à quatre gros toutous fort indifférents à la gloire artistique de leur mère.

— Friska ! dit la grosse Colombine, mets encore une assiette, nous avons un artiste de plus.

— Et un serpent de moins, grommela l'Hercule en jetant à terre la dépouille du féroce reptile massacré par Dumollet.

La jeune danseuse, à la vue des misérables restes du serpent, la gloire de la troupe, se laissa tomber pétrifiée sur la table et faillit faire sauter toute la vaisselle.

— Oui, Friska, dit l'Hercule, notre serpent est crevé, et c'est monsieur qui a

— Et vous l'invitez à dîner pour ça ! s'écria Friska en levant les bras en l'air.

— Et nous l'engageons dans notre troupe, lui et son âne, répondit Colombine, je t'expliquerai ça... Comment les trouves-tu ?

— Le bel âne !

— Monsieur est très bien aussi, demain il sera superbe en nègre !

— Ah ! dit Friska en battant des mains, il remplace Carcassou ! très bien ! tros bien ! nous aurons encore le Nègre sauvage anthropophage, du cap de Bonne-Espérance!...

Djmollet salua très intimidé.

— Allons, à table ! dit la Colombine.

— V'ià la soupe, maman ! dit un petit garçon habillé en paillasse sur le balcon d'une voiture.

— Via les pommes de terre, maman ! dit un autre petit garçon également en paillasse, surgissant par une fenêtre de l'autre véhicule.

Les Hercules se précipitèrent dans les voitures et reparurent portant avec précaution, l'un une grande soupière fumante et l'autre un plat de pommes de terre.

— A la fortune du pot I dit Colombine en brandissant une louche, vous excuserez. Monsieur, nous ne nous attendions pas à un convive... nous n'avons que des pommes de terre au lard ; s'il n'était pas si tard, nous aurions tordu le cou à l'un de ces canards.

Dumollet regarda du côté que Colombine lui indiquait avec sa louche, et

Les chevaux des Turpinski.

aper.jUt sous une voiture, serrés dans un panier à clairevoie, deux gros canards verts endormis à côté d'une tasse pleine d'eau.

— A propos, les poules ont encore pondu, dit Friska, ça nous fait la douzaine !

Sous la seconde voiture, Dumollet vit un autre panier habité par trois poules.

— Friska ! dit majestueusement Colombine en servant la soupe, après la soupe, tu nous fabriqueras une de ces omelettes comme tu sais les faire.

— Avec beaucoup de lard, fît le gros Hercule.

Friska passa la boite qui lui servait de chaise à Dumollet et s'assit sur un tambour.

Dumollet soupira. En quittant le matin l'auberge du Cheval-rouge, il ne s'attendait certes pas à souper en plein air avec des saltimbanques, peut-être peu recommandables. Heureusement la soupe était bonne, cela glissa un soupçon de consolation dans son cœur.

— Bon ! dit Colombine en reposant sa cuiller dans son assiette vide, votre âne me plaît, Monsieur...

— Vous me l'avez déjà dit, soupira Dumollet.

— Il doit être très intelligent ?

— H l'est. Madame.

— Qu'est-ce qu'il sait faire ?

— Mais... ce que font tous les ânes naturellement.

— Je veux dire a-t-il des talents?

— Dame, je ne lui en connais pas.

— Comment ! vous avez un âne intelligent et vous ne cultivez pas son intelligence, et vous ne lui donnez pas quelques petits talents de société?...