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Nicolas poursuivit ses investigations. À droite de la cheminée, une porte ouvrait sur un couloir donnant sur une cuisine, une salle à manger, un petit salon et une buanderie. Un autre escalier montait vers le premier étage. Cette étrange disposition permettait de remettre à niveau l’arrière de la maison. Toutes les pièces étaient dans le même état de destruction systématique et Nicolas ne cessait d’écraser des débris.

Il commença par le premier étage. Partout, il tombait sur le même spectacle : matelas éventrés, habits et linge couvrant le sol, bibelots brisés, meubles forcés. Nicolas remarqua que des montres précieuses et des objets de prix avaient été dédaignés par les auteurs de cette désolation. Pourtant, ils cherchaient quelque chose. Sur le sol, il trouva même une petite bourse de velours emplie de louis d’or. Tout ce qui aurait pu servir de cachette avait été fouillé, démembré, écrasé. Même les tableaux avaient été retournés. Que pouvait-on traquer d’une manière aussi brutale ?

Des empreintes noires attirèrent l’attention de Nicolas qui se mit à les suivre. Elles apparaissaient partout et le conduisirent dans l’escalier. D’évidence, l’inconnu qui avait renversé et brisé l’encrier avait ensuite gagné les étages. Il trouva, en effet, des pas identiques montant et descendant. Il s’attacha à ces derniers, s’arrêtant quand des traces confondues troublaient sa recherche, revenant alors en arrière et faisant jouer, pour mieux les discerner, la lumière de sa lanterne sourde. Il en fit même le relevé à la mine de plomb sur un petit carton. Il parvint ainsi à reconstituer, dans ses moindres détails, l’itinéraire de l’inconnu qui, semblait-il, avait agi seul.

Nicolas avait recouvré son sang-froid et l’action avait éteint en lui tout autre sentiment que la passion de la recherche. Il finit par aboutir dans la buanderie, petit réduit où s’entassaient des objets hors d’usage. Un souffle d’air glacé le frappa. Un vieil escabeau était plaqué contre le mur, sous une fenêtre ouverte. La sparterie du meuble était souillée de traces d’encre. Des traces apparaissaient encore sur le torchis du mur, écorché à plusieurs endroits. L’inconnu, après avoir mis la demeure sens dessus dessous, s’était enfui par cette fenêtre.

Nicolas frémit en mesurant la portée de cette constatation. Si l’homme s’était enfui par là, c’était parce que les portes étaient fermées et scellées. C’était donc que l’inconnu était encore dans la maison quand Semacgus avait découvert le cadavre et qu’il avait décidé de se cacher afin de fouiller la maison plus tard, sans crainte d’être dérangé. Il ne pouvait donc s’agir que de l’assassin de Descart.

Nicolas se souvint que Semacgus avait dit à l’inspecteur Bourdeau être arrivé une demi-heure plus tôt que l’heure fixée à son rendez-vous : il avait peut-être dérangé les plans de l’assassin. Cette hypothèse paraissait, en tout cas, innocenter Semacgus. Beaucoup de choses, néanmoins, restaient inexpliquées, et d’abord la raison de cette mise à sac qui ne pouvait être portée au compte de Semacgus, sauf à penser qu’il disposait d’un complice. En effet, Bourdeau n’avait rien remarqué et avait fermé les portes sur une maison intacte.

Tout restait donc possible et les combinaisons envisageables se multipliaient au gré des hypothèses. Que cherchait-on qui fût si précieux qu’on laissât de côté bijoux et argent ?

Nicolas, songeur, considérait la fenêtre. Il monta sur le tabouret et, avec un bout de ficelle, mesura l’ouverture. Enfin, il repéra soigneusement l’emplacement de la pièce, plaça des scellés sur toutes les fenêtres puis, certain de n’avoir rien oublié, il moucha les chandelles, ferma la porte et la rescella.

Dehors, il fit le tour de la maison pour rejoindre la fenêtre de la buanderie. Elle s’ouvrait à peu près à une toise[36] du sol. Nicolas s’agenouilla sur la terre gelée. Des moulages en creux étaient pris dans la glace, et ces empreintes étaient beaucoup plus nettes que les traces repérées dans la maison. Il en releva l’estampage qu’il considéra d’un air perplexe. Les empreintes traversaient une partie du jardin au milieu des poiriers et rejoignaient le mur de clôture. Il n’était pas difficile de grimper sur le mur.

Ayant accroché la lanterne sourde à son habit, Nicolas, prenant appui sur une saillie de pierre, put examiner le faîte de la muraille. Il espérait y trouver des traces de sang, prouvant que l’inconnu s’était blessé sur les tessons de bouteilles fichés dans le mortier de couverture. Il n’y en avait pas. En revanche, Nicolas recueillit un bouton avec un fragment de tissu qu’il rangea précieusement dans sa poche.

Peu désireux de se blesser en tentant l’escalade, il gagna le portail qu’il ferma à clef. Du côté du chemin, les mêmes empreintes apparaissaient, puis se perdaient au milieu des ornières des charrois. Nicolas fut surpris par la morsure du froid. Il se retrouvait seul, sans moyen de transport, et avec une lanterne qui menaçait de s’éteindre. Il vérifia l’heure à sa montre, il était sept heures. Il décida de se rendre chez Semacgus et d’y interroger Catherine. C’était aussi un bon prétexte pour revoir la cuisinière à laquelle il était fort attaché. Et puis, Semacgus possédant, outre le cheval de l’équipage qui lui avait été volé, une monture de selle, Nicolas se proposait de l’emprunter pour rejoindre Paris.

Son attention fut soudain attirée par un léger sifflement qu’il prit d’abord pour une fantaisie du vent dans les branches, mais le phénomène recommença, et une voix, à peine distincte, se fît entendre.

— N’ayez pas peur, monsieur Nicolas, c’est moi, Rabouine, la mouche à Bourdeau. Je suis derrière le buisson, dans une petite cabane à outils. Ne vous tournez pas, faites semblant d’arranger votre botte. L’inspecteur m’a envoyé ici hier soir. Quelle nuit ! Je n’ai pas bougé depuis. Heureusement, j’avais de l’eau-de-vie et du pain. Je suis prévoyant pour ce genre d’expédition. Ne bougez surtout pas, on ne sait jamais.

Nicolas s’en voulut d’avoir suspecté Bourdeau de négligence. Celui-ci avait, au contraire, pris des dispositions intelligentes qui allaient peut-être se révéler utiles. Le manque d’insistance de l’inspecteur à l’accompagner aurait dû le mettre en éveil. Son adjoint n’était pas le genre d’homme à le laisser affronter seul d’éventuels dangers. Il savait que Rabouine serait là pour lui prêter main-forte le cas échéant.

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1,949 mètre.