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C’était clair.

« Une fois encore, votre acompte vous sera intégralement remboursé si nous ne vous trouvons pas une Affinité. Mais l’évaluation exige que vous nous consacriez du temps, ce que nous ne pouvons pas vous rembourser. Vous allez devoir assister à cinq séances d’au moins deux heures chacune, que nous pouvons choisir en fonction de votre emploi du temps : cinq soirées consécutives, cinq séances hebdomadaires ou n’importe quelle autre solution à votre convenance. » Elle s’est tournée vers l’écran posé sur son bureau, a pressé quelques touches. « Vous avez déjà rempli le formulaire en ligne, parfait. Nous avons à présent besoin, si toutefois vous choisissez de continuer, d’une carte de crédit ou de débit valide ainsi que de votre signature sur cette autorisation. » Elle a sorti d’un tiroir une feuille de papier qu’elle m’a fait passer. « Il va aussi falloir me présenter une pièce d’identité officielle avec photographie. Une infirmière vous fera une prise de sang avant votre départ.

— Une prise de sang ?

— Une maintenant, pour nous permettre de commencer le séquençage ADN de base, et une à chaque séance pour un dépistage de drogue. C’est le seul aspect invasif de tous nos tests… mais comme leurs résultats ne serviront à rien si vous vous présentez sous l’empire d’alcool ou d’autres psychotropes, nous devons vérifier. Les résultats resteront bien entendu totalement confidentiels. Les clients prenant des médicaments sur ordonnance doivent nous en informer à ce stade, mais d’après votre formulaire de demande, vous ne figurez pas dans cette catégorie. »

Comme je ne prenais depuis un certain temps que des analgésiques en vente libre, j’ai hoché la tête.

« Très bien. Prenez le temps de lire soigneusement l’autorisation avant de la signer. Je vais aller me chercher un café en attendant, si vous permettez… vous en voulez un ?

— Avec plaisir. »

Le logo en haut du formulaire

INTERALIA

Pour se trouver parmi les autres

en constituait la partie la plus compréhensible : tout le reste était un charabia juridique dont la majeure partie dépassait mes compétences. Mais je me suis attelé à la lecture. J’avais presque terminé quand Miriam est revenue. « Des questions ?

— Une seule. Il est indiqué que le résultat de mes tests devient propriété d’InterAlia ?

— Le résultat, oui, mais seulement après effacement de votre nom et autres identifiants. Ça nous permet d’utiliser les données pour évaluer notre base clients et peut-être focaliser un peu mieux nos recherches. Nous ne vendons ni ne partageons aucune des informations que nous récoltons. »

À ce qu’elle disait. C’était comme le chèque est au courrier et je me retirerai avant de jouir. Mais je me fichais un peu qu’on voie le résultat de mes tests. « J’imagine que c’est OK. »

Miriam m’a fait passer un stylo. J’ai daté et signé le document. Elle a souri à nouveau.

Dex m’a appelé ce soir-là. Quand j’ai reconnu son numéro, l’idée m’a traversé de laisser l’appel basculer sur messagerie, mais j’ai décroché malgré tout.

« Adam ! Qu’est-ce que tu fais ?

— Je regarde la télé.

— Quoi, du porno ?

— Une émission de téléréalité.

— Ouais, je parie que c’est du porno.

— Il y a des alligators. Je ne regarde pas du porno d’alligators.

— Oui oui. Alors, il s’est passé quoi, l’autre soir ?

— Je t’ai expliqué par texto.

— Ces conneries sur une manif ? J’ai failli rater le ferry, à force de t’attendre.

— J’ai de la veine de n’avoir pas fini aux urgences.

— Tu ne pouvais pas tout simplement prendre le métro ?

— J’étais pas loin et déjà en retard, alors du coup…

— Tu étais déjà en retard… tout est dit, non ? »

J’avais partagé mon appartement avec Dex pendant six mois, l’année précédente. On s’était rencontrés au Sheridan College où nous avions certains cours en commun. La cohabitation ne s’était pas bien passée. Il était parti en laissant son bong et son chat. Il avait fini par revenir chercher le bong. J’avais donné le chat à la bibliothécaire à la retraite qui habitait au bout du couloir… elle avait semblé reconnaissante. « Merci pour ta compassion.

— Je pourrais venir. Histoire de regarder un film ensemble, par exemple.

— Je ne suis pas d’humeur.

— Allons, Adam. Tu me dois une soirée.

— Ouais… non.

— Tu ne peux pas faire ton chieur deux fois dans la même semaine.

— Je suis à peu près sûr que si », ai-je répondu.

Bien entendu, ce n’était pas sa faute si j’étais de mauvaise humeur… même si, de toute manière, Dex n’admettrait jamais être en faute.

J’estimais avoir une ou deux bonnes raisons de rejoindre les Affinités, plus quelques mauvaises. Que ma vie sociale tourne autour d’un type comme Dex était l’une des bonnes. Et l’une des mauvaises ? L’idée que je pouvais m’acheter une meilleure vie pour deux cents dollars et une batterie de tests psychologiques.

Mais je m’étais renseigné. Je n’étais pas complètement naïf. Je savais quelques petits trucs sur les Affinités.

Je savais que ce service était commercialisé depuis quatre ans. Qu’il avait gagné en popularité au cours des douze derniers mois, après les articles de fond publiés par The New Yorker, The Atlantic et Boing Boing. Qu’il avait été conçu par Meir Klein, un téléodynamicien israélien ayant abandonné une brillante carrière universitaire pour travailler chez InterAlia. Qu’on comptait vingt-deux groupes d’Affinités primaires et secondaires, nommés d’après les lettres de l’alphabet phénicien, les « cinq grands » étant Bet, Zai, Het, Semk et Tau.

Ce que je ne savais pas, c’est comment se passait véritablement l’évaluation, en dehors des généralités que j’avais lues en ligne.

Par chance, je suis tombé sur un évaluateur bavard… à savoir Miriam, la femme qui m’avait reçu. Elle m’a souri comme à un vieil ami quand je me suis présenté à la première séance. Le côté commercial de son sourire ne m’a pas échappé, mais je lui en ai été reconnaissant malgré tout. Je me suis demandé si elle faisait partie d’une Affinité.

Elle m’a conduit à une infirmerie située au fond des bureaux, où on m’a de nouveau soulagé d’une fiole de sang, puis dans une petite salle d’évaluation, une pièce aveugle et climatisée où il aurait fait froid avec un degré de moins. Elle contenait deux chaises et un bureau en tek, sur lequel étaient disposés un moniteur vidéo 14 pouces, un ordinateur portable et un épais bandeau en cuir muni de deux ports USB. « Il faut que je porte ça ? ai-je demandé.

— Oui. Ce soir, nous allons nous en servir pour procéder à quelques mesures de référence. Vous pouvez le mettre tout de suite, si vous voulez. »