Ce soir-là, je pris un long bain chaud. Je posai un pied puis l'autre sur la tablette et, rinçant le rasoir à même l'eau de la baignoire, je me rasai les deux jambes, soigneusement. Puis je me rasai les aisselles. La lame glissait sur les poils épais, enduits de crème, qui tombaient par paquets bouclés dans l'eau mousseuse du bain. Je me relevai, changeai la lame, plaçai un pied sur le rebord de la baignoire et me rasai le sexe. Je procédai attentivement, surtout pour les parties difficiles à atteindre, entre les jambes et les fesses, mais je fis un faux mouvement et me coupai juste derrière les bourses, là où la peau est le plus sensible. Trois gouttes de sang tombèrent l'une après l'autre dans la mousse blanche du bain. Je me passai de l'eau de Cologne, cela brûlait un peu, mais soulageait aussi la peau. Partout des poils et de la mousse à raser flottaient sur l'eau, je pris un seau d'eau froide pour me rincer, ma peau se hérissait, mes bourses se contractaient. Sorti du bain, je me regardai dans le miroir, et ce corps affreusement nu me paraissait étranger, il ressemblait plus à celui de l'Apollon citharède de Paris qu'au mien. Je m'appuyai contre le miroir, de tout mon corps, je fermai les yeux et me représentai à moi-même rasant le sexe de ma sœur, lentement, délicatement, tirant les replis de la chair entre deux doigts pour ne pas la blesser, puis la retournant et la faisant se pencher en avant afin de raser les poils frisant autour de son anus. Après, elle venait frotter sa joue contre ma peau nue et flétrie par le froid, elle chatouillait mes testicules rétrécis de petit garçon et léchait la pointe de ma verge circoncise, à brefs coups de langue agaçants: «Je l'aimais presque mieux quand elle était grande comme ça», faisait-elle en riant et en écartant son pouce et son index de quelques centimètres, et moi, je la redressais et regardais son sexe nu qui saillait entre ses jambes, proéminent, la longue cicatrice que je me figurais toujours là ne le rejoignant pas tout à fait mais tendant vers lui, c'était le sexe de ma petite sœur jumelle et je fondais en larmes devant lui.
Je me couchai sur le lit, je touchai mes parties d'enfant si étranges sous mes doigts, je me retournai sur le ventre, caressai mes fesses, touchai doucement mon anus. Je mettais tous mes efforts à imaginer que ces fesses étaient celles de ma sœur, je les pétrissais, leur administrais des claques. Elle riait. Je continuais à la fesser, du plat de la main, ce derrière élastique claquait sous mes paumes, et elle, les seins, le visage couchés comme les miens sur le drap, était prise d'un fou rire incontrôlable. Lorsque je m'arrêtai, les fesses étaient rouges, je ne sais pas si les miennes l'étaient en vérité, car dans cette position je ne pouvais frapper fort, mais sur cette espèce de scène invisible dans ma tête elles l'étaient, je voyais la vulve rasée déborder entre elles, encore blanche et rose, et je lui tournais le corps, les fesses vers le grand miroir en pied et je lui disais: «Regarde», et elle, toujours riant, tournait la tête pour voir, et ce qu'elle voyait lui coupait le rire et la respiration, comme ça me les coupait à moi. Suspendu à ma pensée, flottant dans cet espace sombre et vide seulement habité par nos corps, je tendais lentement la main vers elle, l'index pointé, et je lui passais le doigt dans la fente qui s'entrouvrait comme une blessure mal cicatrisée. Alors je me glissais derrière elle et, plutôt que de rester à genoux, m'accroupissais de manière à voir entre mes jambes et qu'elle puisse voir aussi. Appuyé d'une main sur sa nuque dégagée – elle avait la tête posée sur le lit et regardait entre ses jambes – je prenais ma verge de l'autre main et la poussais entre les lèvres de son sexe; dans le miroir, en tournant la tête, je pouvais clairement voir ma verge entrer dans sa vulve enfantine, et, par-dessous, son visage renversé, gorgé de sang et hideux. «Arrête, arrête, gémissait-elle, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire», et alors je la poussais en avant afin que son corps soit de nouveau à plat sur le lit, écrasé par le mien, et je la prenais ainsi, mes deux mains sur sa longue nuque, elle haletait tandis que ma jouissance partait avec un râle. Puis je m'arrachais à elle et roulais sur le lit, et elle, elle pleurait comme une petite fille: «Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire», alors je me mettais aussi à pleurer et je lui touchais la joue: «Comment faut-il faire?», et elle se coulait sur moi, m'embrassait le visage, les yeux, les cheveux, «Ne pleure pas, ne pleure pas, je vais te montrer», elle se calmait, je me calmais aussi, elle était à cheval sur moi, son ventre et sa vulve lisse frottaient mon ventre, elle se redressait, s'accroupissait de manière à se retrouver assise sur mes reins, les genoux relevés et le sexe gonflé, comme une chose étrangère et décorative attachée à son corps, posé sur mon abdomen, elle se mettait à le frotter et il s'entrouvrait, il en coulait du sperme mêlé à ses propres sécrétions dont elle barbouillait mon ventre, face à moi, m'embrassant le ventre avec sa vulve comme avec une bouche, je me redressais, la prenais par la nuque et appuyé contre elle l'embrassais dans la bouche, ses fesses poussaient maintenant contre ma verge qui durcissait, elle me repoussait sur le dos et, une main appuyée sur ma poitrine, toujours accroupie, elle guidait ma verge de l'autre main et s'empalait dessus. «Comme ça, répétait-elle, comme ça». Elle bougeait d'avant en arrière, par saccades, les yeux fermés, moi, je regardais son corps, je cherchais son petit corps plat d'autrefois sous les seins et les rondeurs de ses hanches, hébété, comme assommé. L'orgasme sec et nerveux, presque sans sperme, me déchira comme un couteau à poisson, elle continuait à plonger sur moi, sa vulve comme une coquille ouverte, prolongée par la longue cicatrice droite qui lui découpait le ventre, et tout cela maintenant formait une seule longue fente, que mon sexe ouvrait jusqu'au nombril. Il neigeait dans la nuit, mais moi, j'errais toujours dans cet espace sans bornes où ma pensée régnait en maître, faisant et défaisant les formes avec une absolue liberté qui néanmoins ne cessait de venir se heurter aux limites des corps, le mien réel, matériel, et le sien figuré et donc inépuisable, en un va-et-vient erratique qui me laissait chaque fois plus vide, plus fébrile, plus désespéré. Assis nu sur le lit, exténué, je buvais de l'eau-de-vie et fumais et mon regard passait du dehors, de mes genoux rougis, mes longues mains veinées, mon sexe recroquevillé au bas de mon ventre si légèrement bombé, à l'intérieur, où il se promenait sur son corps endormi, étalé sur le ventre, la tête tournée vers moi, les jambes allongées, comme une petite fille. J'écartais doucement ses cheveux et dégageais sa nuque, sa belle nuque puissante, et alors ma pensée revenait, comme dans l'après-midi, au cou étranglé de notre mère, celle qui nous avait portés ensemble dans son ventre, je caressais la nuque de ma sœur et tentais avec sérieux et application de m'imaginer tordant le cou de ma mère, mais c'était impossible, l'image ne venait pas, il n'y avait en moi aucune trace d'une telle image, elle refusait obstinément de se former dans le miroir que je contemplais au sein de moi-même, cette glace ne réfléchissait rien, restait vide, même lorsque je posais mes deux mains sous les cheveux de ma sœur et me disais: Oh mes mains sur la nuque de ma sœur. Oh mes mains sur le cou de ma mère. Non, rien, il n'y avait rien. Secoué de frissons, je me couchai en chien de fusil au bout du lit. Après un long moment j'ouvris les yeux. Elle reposait de tout son long, une main sur le ventre, les jambes écartées. Sa vulve se trouvait face à mon visage. Les lèvres intérieures dépassaient légèrement des chairs pâles et bombées. Ce sexe me regardait, m'épiait, comme une tête de Gorgone, comme un cyclope immobile dont l'œil unique ne cligne jamais. Petit à petit ce regard muet me pénétra jusqu'à la moelle. Mon souffle s'accéléra et je tendis la main pour le cacher: je ne le voyais plus, mais lui, il me voyait toujours et me dénudait (alors que j'étais déjà nu). Si seulement je pouvais encore bander, songeai-je, je pourrais me servir de ma pine comme d'un pieu durci au feu, et aveugler ce Polyphème qui me faisait Personne. Mais ma verge restait inerte, j'étais comme médusé. J'allongeai mon bras et enfonçai mon majeur tendu dans cet œil démesuré. Les hanches remuèrent légèrement, mais ce fut tout. Loin de l'avoir crevé, je l'avais au contraire écarquillé, libérant le regard de l'œil qui se cachait encore derrière. Alors j'eus une idée: je retirai mon doigt et, me tirant par les avant-bras, poussai mon front contre cette vulve, appuyant ma cicatrice contre le trou. Maintenant, c'était moi qui regardais à l'intérieur, fouillait les profondeurs de ce corps de mon troisième œil rayonnant, tandis que son œil unique à elle rayonnait sur moi et que nous nous aveuglions ainsi mutuellement: sans bouger, je jouis dans un immense éclaboussement de lumière blanche, tandis qu'elle criait: «Qu'est-ce que tu fais, qu'est-ce que tu fais?», et je riais à gorge déployée, le sperme jaillissait toujours à grands jets de ma verge, jubilant, je mordais sa vulve à pleines dents pour la gober, et mes yeux s'ouvraient enfin, s'éclairaient, et voyaient tout.