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Je dormis peu et retournai de bonne heure à la Bendlerstrasse. Le ciel s'était dégagé et il y avait des Sturmovik partout. Le jour suivant, il fit encore plus beau, les jardins, dans les ruines, fleurissaient. Je ne vis pas Thomas, il s'était empêtré dans une histoire entre Wolff et Kaltenbrunner, je ne sais pas trop, Wolff était venu d'Italie discuter des possibilités de reddition, Kaltenbrunner s'était fâché et voulait l'arrêter ou le faire pendre, comme d'habitude cela finit devant le Führer qui laissa repartir Wolff. Lorsque je retrouvai enfin Thomas, le jour de la chute des hauteurs de Seelow, il était furieux, il enrageait contre Kaltenbrunner, sa bêtise, son étroitesse d'esprit. Moi-même je ne comprenais pas du tout à quoi jouait Kaltenbrunner, à quoi cela pouvait lui servir de se retourner contre le Reichsführer, d'intriguer avec Bormann, de manœuvrer pour devenir le nouveau favori du Führer. Kaltenbrunner n'était pas idiot, il devait savoir, mieux que quiconque, que le jeu prenait fin; mais au lieu de se positionner pour l'après, il se dépensait en querelles stériles et futiles, un simulacre de jusqu'au-boutisme qu'il n'aurait jamais, c'était évident pour qui le connaissait, le courage de pousser à sa conclusion logique. Kaltenbrunner était loin d'être le seul à perdre le sens de la mesure. Partout, dans Berlin, surgissaient des Sperrkommandos, des unités de blocage issues du SD et de la police, des Feldgendarmes, des organisations du Parti, qui administraient une justice plus que sommaire à ceux qui, plus raisonnables qu'eux, ne voulaient que vivre, parfois même à certains qui n'avaient rien à voir avec tout ça mais avaient juste eu le malheur de se trouver là. Les petits fanatiques de la «Liebstandarte» sortaient les soldats blessés des caves pour les exécuter. Partout, des vétérans fatigués de la Wehrmacht, des civils récemment appelés, des gamins de seize ans décoraient, le visage violacé, lampadaires, arbres, ponts, voies aériennes du S-Bahn, tout endroit où l'on peut accrocher un homme, et avec toujours l'invariable panneau au cou: JE SUIS ICI POUR AVOIR QUITTÉ MON POSTE SANS ORDRES. Les Berlinois avaient une attitude résignée: «Plutôt que de me faire pendre, je préfère croire à la victoire,» Moi-même j'avais des problèmes avec ces enragés, car je circulais beaucoup, mes papiers se faisaient constamment éplucher, je songeais à prendre une escorte armée pour me défendre. En même temps, j'avais presque pitié de ces hommes ivres de fureur et d'amertume, dévorés par une haine impuissante qu'ils retournaient, ne pouvant plus la diriger contre l'ennemi, contre les leurs, des loups frappés de rage qui s'entredévorent, À la Kurftüstenstrasse, un jeune Obersturmführer de la Staatspolizei, Gersbach, ne s'était pas présenté un matin; il n'avait plus de travail, soit, mais cela s'était remarqué; des policiers l'avaient trouvé chez lui ivre mort; Müller avait attendu qu'il ait dessoûlé, puis l'avait fait abattre d'une balle dans la nuque devant les officiers réunis dans la cour de l'immeuble. Après, on avait jeté son cadavre sur l'asphalte, et une jeune recrue S S, presque hystérique, avait vidé le chargeur de son pistolet-mitrailleur dans le corps de cet infortuné.