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Un coup de plus ; mais, il devait en convenir, doublé d’un soulagement. Tommen, il l’aimait beaucoup. « Les Potaunoir étaient censés nous appartenir, rappela-t-il, avec plus qu’une pointe d’agacement.

— C’était le cas, pourvu que je puisse leur donner deux de vos sous contre chacun de ceux qu’ils avaient de la reine, mais elle a fait grimper les prix. Osfryd et Osney ont été faits chevaliers après la bataille, pareil que moi. Les dieux savent seuls pourquoi, parce que personne les a vus se battre… »

Je suis trahi par mes larbins, mes amis sont humiliés, fouettés, et je reste à pourrir au pieu,songea Tyrion. Je croyais avoir gagné cette foutue bataille. C’est ça, le goût de la victoire ? « Est-il exact que Stannis doive sa déroute au spectre de Renly ? »

Bronn se fendit d’un maigre sourire. « Des tours aux treuils, on a rien vu d’autre, nous, que des bannières dans la gadoue et des gars qui jetaient leurs piques pour détaler, mais y en a des centaines, dans les bordels et les bistrots, pour vous raconter comme ils ont vu lord Renly tuer çui-ci, tuer çui-là. La plupart des soldats de Stannis avaient d’abord appartenu à Renly, et ils sont tout bonnement repassés dans son camp dès qu’ils l’ont aperçu dans cette étincelante armure verte. »

Après toutes ses manigances, après sa sortie et le pont de bateaux, après s’être fait fendre la gueule en deux, Tyrion se retrouvait éclipsé par un mort. Si Renly l’est vraiment. Encore un chapitre à creuser. « Comment s’est échappé Stannis ?

— Les galères de ses Lysiens croisaient dans la rade, en deçà de votre chaîne. Quand la bataille a mal tourné, elles sont venues mouiller le long du rivage pour rembarquer le plus de gens possible. On s’entre-tuait pour monter à bord, vers la fin.

— Et Robb Stark, entre-temps, qu’a-t-il fait ?

— Y a des loups à lui qui descendent vers Sombreval en brûlant tout sur leur passage. Votre père envoie cette espèce de lord Tarly s’occuper d’eux. J’ai failli songer à rallier ses rangs. Il passe pour un bon soldat, et pas pingre quant au pillage. »

L’idée de perdre Bronn fit déborder le vase. « Pas question. Ta place est ici. Tu es le capitaine des gardes de la Main.

— La Main, c’est plus vous, lui rappela vertement Bronn, mais votre père, et il a ses putains de gardes à lui.

— Qu’est-il advenu de tous ceux que tu m’avais engagés ?

— Certains sont morts aux tours aux treuils. Les autres, nous, votre ser Kevan d’oncle nous a tous payés et flanqués dehors.

— Trop aimable à lui, dit aigrement Tyrion. Cela veut-il dire que le goût de l’or t’est passé ?

— Foutrement pas.

— Bon, dit Tyrion, parce qu’il se trouve que j’ai encore besoin de toi. Que sais-tu de ser Mandon Moore ? »

Bronn se mit à rire. « Je sais qu’il est foutrement bien noyé.

— J’ai une grosse dette envers lui, mais comment la payer ? » Il palpa la balafre. « J’ignore à peu près tout de ce cher trésor, pour parler sans fard.

— Il avait des yeux de merlan et portait un manteau blanc. Que vous faut-il de plus ?

— Tout, dit Tyrion, pour commencer. » Ce qu’il voulait, c’était la preuve que ser Mandon avait été la créature de Cersei, mais il n’osait l’exprimer si crûment. Il valait mieux tenir sa langue, au Donjon Rouge. Son enceinte foisonnait de rats, d’oisillons trop bavards et d’araignées. « Aide-moi à me lever, dit-il en se démenant dans ses couvertures. Il n’est que temps de rendre visite à mon père, et plus que temps de me remontrer.

— Une si charmante vision, blagua Bronn.

— Qu’importe un demi-nez, dans une gueule comme la mienne ? Mais, à propos de charme, Margaery Tyrell est à Port-Réal, déjà ?

— Non. Mais elle arrive, et la ville est folle d’amour pour elle. Les Tyrell ont fait trimballer des vivres de Hautjardin et les distribuent en son nom. Des centaines de chariots par jour. Et y a des milliers d’hommes à eux qui se pavanent avec des petites roses d’or cousues sur le doublet mais pas un qui paye le vin qu’y prend. De l’épouse à la veuve ou à la putain, tout fout sa vertu aux orties pour le dernier des puceaux imberbes qu’a la rose d’or au téton. »

Ils me crachent dessus, et ils paient à boire aux Tyrell. Tyrion se laissa glisser du lit au sol. Ses jambes se dérobèrent en flageolant sous lui, tandis que tournoyait la chambre, et il dut agripper le bras de Bronn pour ne pas s’étaler tête la première dans la jonchée. « Pod ! hurla-t-il, Podrick Payne ! Où diable es-tu passé, par les sept enfers ? » La douleur mastiquait sa chair comme un chien sans dents. Il exécrait la débilité, la sienne tout spécialement. Elle l’humiliait, et l’humiliation le fichait en rogne. « Pod, ici ! » Le gosse accourut. Et il demeura bouche bée en voyant Tyrion debout, cramponné à Bronn. « Messire. Levé. Est-ce… vous… voulez-vous du vin ? Du vinsonge ? Le mestre ? Il a dit que vous deviez rester. Couché, je veux dire.

— Je suis resté trop longtemps couché. Apporte-moi une tenue propre.

— Une tenue ? »

Comment le gamin pouvait se montrer si lucide et si débrouillard en pleine bataille et le reste du temps si nigaud, ça, jamais Tyrion ne le comprendrait. « Des vêtements, insista-t-il. Tunique, doublet, braies, culotte. Pour moi. Pour m’habiller. Que je puisse quitter ce putain de cachot. »

Ils ne furent pas trop de trois pour l’habiller. Si hideuse que fût la balafre, la pire de ses blessures était celle que lui avait infligée la flèche à l’aisselle en y enfonçant la maille jusqu’à la jointure de l’épaule. Du pus sanguinolent suintait encore de la chair décolorée, chaque fois que mestre Frenken renouvelait son pansement, et la douleur le lancinait par tout le corps au moindre mouvement.

Finalement, Tyrion se contenta de chausses et d’une robe de chambre trop vaste pour sa carrure, afin d’y flotter. Pendant que Bronn lui enfilait ses bottes et que Pod partait en quête d’une canne, il but une coupe de vinsonge pour se remonter. Adouci de miel, le breuvage comportait juste assez de pavot pour rendre un certain temps les douleurs tolérables.

Malgré quoi il fut pris de vertiges en tournant le seuil, et la descente du colimaçon de pierre lui mit les jambes en compote. Il marchait appuyé d’une main sur sa canne et de l’autre sur l’épaule de Pod. Ils croisèrent une servante dans l’escalier. En les voyant, elle s’écarquilla, l’œil aussi blanc que si elle tombait sur un fantôme. Le nain s’est levé d’entre les morts, songea Tyrion. Et regarde, regarde, il est plus moche que jamais, cours l’annoncer à tes amis.

La Citadelle de Maegor était la place la plus forte du Donjon Rouge, une forteresse dans la forteresse, avec sa douve sèche hérissée de piques. On avait relevé le pont-levis pour la nuit quand ils atteignirent la porte. Devant elle était campé, pâle armure et manteau neigeux, ser Meryn Trant. « Abaissez le pont, commanda Tyrion.

— Les ordres de la reine sont de le lever, la nuit. » Ser Meryn était depuis toujours une créature de Cersei.

« La reine dort, et j’ai à faire avec mon père. »

Rien qu’évoquer lord Tywin Lannister produisait toujours un effet magique. Non sans maugréer, Trant jeta l’ordre, et le pont-levis s’abaissa. Un autre chevalier de la Garde se tenait en sentinelle au-delà du fossé. Ser Edmund Potaunoir. Lequel s’extirpa un sourire en voyant Tyrion cahoter vers lui. « En meilleure forme, m’sire ?

— Bien meilleure. A quand la prochaine bataille ? Je meurs d’impatience. »

Au moment d’aborder les marches serpentines, pourtant, leur seul aspect le mit au désespoir. Je n’arriverai jamais à les monter seul, s’avoua-t-il. Et, ravalant sa dignité, il pria Bronn de le porter, non sans espérer contre tout espoir qu’il ne se trouverait à cette heure personne pour voir cela, personne pour en ricaner, personne pour colporter l’histoire du nabot trimballé là comme un nourrisson.

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