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Ce dernier remit discrètement son Beretta 92 automatique dans son holster. Équipé d’un viseur laser, c’était une arme redoutable. Il avait encore un petit Colt « Cobra » accroché à la cheville et des chargeurs un peu partout. Milton Brabeck était resté fidèle à un monstre : le 357 Magnum fabriqué par Colt avec un canon de quatre pouces.

Dieu merci, le commandant de bord n’avait pas été averti qu’ils gardaient leur artillerie avec la complicité des services de sécurité new-yorkais. Même sans armes, ils étaient encore redoutables, avec des avant-bras comme des jambons de Virginie, et les cent quatre-vingt-dix centimètres de muscles et d’os super-entraînés.

— Tu crois qu’on va enfin pouvoir se payer cet enfoiré ? demanda Chris à voix basse.

Il désignait un Arabe fluet et moustachu en train d’arracher son attaché-case du rack. L’homme qu’ils avaient pris en charge à New York. Si on les avait laissés faire, quelques minutes d’interrogatoire musclé auraient fait gagner bien du temps…

Chris Jones se leva et son crâne heurta le plafond. Terrifiée, sa voisine, une vieille dame, regardait ses mains épaisses comme des battoirs à linge. Il lui adressa un sourire complice.

— Careful, mam’[12]. Ces « frenchies » sont des cochons…

Elle devait avoir dans les soixante-dix ans et le regarda, ébahie… Les passagers commençaient à sortir. Chris et Milton se dépêchèrent, repoussant dans les travées ceux qui voulaient les éloigner de leur « cible ». Curieusement, personne ne protesta. Au moment d’arriver à la passerelle, Milton tapa dans le dos de Chris et lança devant l’hôtesse.

— Tiens, tu as oublié ton Penthouse !

Chris Jones devint rouge comme une pivoine et bredouilla une injure en repoussant le magazine. Dès qu’ils furent engagés dans la passerelle, il interpella Milton d’un ton furibond.

— Tu te rends compte de l’image que tu donnes de moi ! Où as-tu trouvé ce truc ?

— C’est notre enculé qui le lisait, fit suavement Milton Brabeck. Tu devrais le garder pour les planques. Quoique, ici, ce ne sont pas les petites qui manquent.

— Il y a aussi le sida, compléta Chris Jones, sinistre.

Débouchant dans l’aérogare, ils regardèrent autour d’eux, cherchant leurs collègues français pour se faire dédouaner leurs flingues ; détendus. Pour une fois, c’était un boulot peinard avec de belles notes de frais.

* * *

Le déchargement des bagages du 747 en provenance de New York avait commencé dès que l’appareil s’était immobilisé en face de l’aérogare, avant même que les passagers ne commencent à emprunter le couloir d’accès, collé à la porte avant droite de l’appareil.

L’inspecteur divisionnaire Paul Bouvier, appuyé à un fourgon, regardait les bagagistes sortir les containers de la soute, puis les amener en face du tapis roulant, d’où les valises montaient vers la salle des bagages. Beaucoup de Noirs et de Maghrébins : ce n’était pas un travail très rémunérateur… Non loin de lui, ses deux collègues, en bagagistes, faisaient semblant de pousser un chariot, tournant autour de l’appareil. Les trois hommes étaient armés et sur leurs gardes. Difficile de communiquer avec le bruit, et leurs walkie-talkies étaient brouillés par les émissions radio de la tour de contrôle.

Les valises commençaient à monter lentement, disparaissant dans la trappe. Les trois policiers avaient reçu une description précise de celle qui les intéressait : une Samsonite bleue avec des roulettes. Le FBI avait discrètement collé dessus, au départ de New York, une bande de plastique rouge en travers afin de faciliter la tâche des policiers français.

Dix minutes s’écoulèrent. Les bagages disparaissaient régulièrement sur le tapis roulant. Paul Bouvier bâilla. Il en avait ras-le-bol de ce genre de tâche passive : c’étaient ses collègues d’en haut qui allaient s’amuser. Soudain, son attention fut attirée par un bagagiste barbu, visiblement nord-africain. Vêtu d’une combinaison blanche, il triait les bagages en regardant leurs étiquettes, afin de mettre de côté ceux qui étaient en correspondance. Un petit tas qui s’amoncelait sur un chariot.

Paul Bouvier se tendit soudain. La Samsonite bleue venait de surgir du chariot. Presque aussitôt, le manutentionnaire s’en empara et la mit à part, avec celles qui repartaient en correspondance. Paul Bouvier recula derrière un pilier et sortit l’antenne de son walkie-talkie : c’était une information capitale à transmettre à ses collègues. Tandis qu’il essayait d’établir la liaison, troublée par des parasites, il surveillait le bagage du coin de l’œil, une voix lui parvint, au milieu des crachotements.

— Ici Papa Leader ? Qu’est-ce qui se passe ?

— Nom de Dieu !

Paul Bouvier n’en croyait pas ses yeux. Le bagagiste barbu venait de prendre la Samsonite et s’éloignait avec !

— Bouvier, Bouvier ! Qu’est-ce qu’il y a ?

Le contrôleur en oubliait le code. L’inspecteur divisionnaire cria dans l’appareil :

— Incident ! Incident ! Un bagagiste s’est emparé de l’objet. Demande assistance.

Il écrasa l’antenne pour la faire rentrer, remit l’appareil dans sa poche et se rua en direction du bagagiste. Celui-ci longeait le bâtiment de l’aérogare sans se presser, traînant la valise. Spectacle habituel dans un aéroport. Paul Bouvier se retourna, aperçut ses deux collègues qui n’avaient rien remarqué et hurla dans leur direction.

— Venez ! Venez !

Un 727 était en train de se garer et le grondement de ses réacteurs couvrit largement sa voix. Tout en courant, il se mit à gesticuler. Enfin, les deux hommes l’aperçurent, démarrant aussitôt pour le rejoindre.

Il atteignit le bagagiste trois mètres plus loin, crochant dans son épaule pour le forcer à stopper. L’homme se retourna ; Bouvier aperçut une barbe fournie, deux yeux très noirs, un faciès émacié et dur, des dents qui se chevauchaient.

Hurlant de toute la force de ses poumons, il vociféra, montrant la valise.

— Qu’est-ce que tu fous avec ça ?

Le bagagiste ne répondit pas. D’un violent coup de tête, il brisa le nez de l’inspecteur divisionnaire et se mit à courir avec sa valise. Paul Bouvier assommé, ivre de douleur, demeura quelques instants immobile, le sang dégoulinant de son nez, puis se lança à la poursuite de son agresseur. C’est à peine s’il remarqua un fourgon portant le sigle de la TWA arrêté un peu plus loin, au pied d’une passerelle.

Le bagagiste courait dans sa direction. Un homme émergea soudain de la cabine. Calmement, il visa le policier qui courait avec un gros pistolet prolongé par un silencieux. La dernière vision de Paul Bouvier fut ce petit trou noir et le visage calme et implacable de l’inconnu. Il n’eut même pas le temps de prendre son arme de service. Un choc à la tête. Il s’arrêta, tituba, porta la main à son front mais ne put achever son geste. Un second projectile venait de lui traverser la gorge, lui déchirant la trachée artère. Sa vue se brouilla, il ouvrit la bouche pour crier, vomit un jet de sang et tomba à genoux, puis s’étendit de tout son long sur le ventre.

Le bagagiste avait déjà fait le tour du fourgon et jeté à la volée la Samsonite à l’intérieur.

Il revenait vers l’avant quand les deux autres policiers de la DST surgirent en courant ; ils n’avaient pas entendu les détonations, étouffées par le silencieux et le bruit des réacteurs, mais avaient vu tomber leur collègue. Le premier, un jeune de vingt-quatre ans, arracha son pistolet de son holster tout en courant, tandis que l’autre luttait avec la courroie de sécurité qu’il avait oublié de déboucler. C’était la première fois en sept ans qu’il se servait de son arme. Le premier eut le temps d’appuyer sur la détente avant de recevoir une balle dans l’œil droit. Calme comme au champ de tir, l’inconnu de la fourgonnette visa de nouveau et son second projectile arracha une partie du maxillaire du policier. Ce dernier était déjà mort et tomba en boule à quelques mètres de la camionnette.

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12

Attention, madame.